Episode 4 : 12 mai 1968, sous les pavés, le trophée !


En Coupe de France, comme en championnat, elle est riche notre histoire. Elle est belle, elle est grande, elle est mouvementée. Pour meubler la longue et incertaine attente qui nous sépare de notre 11ème finale de Coupe de France, P² vous propose de revenir sur les 10 qui l’ont précédée :
1941, 1960, 1962, 1968, 1970, 1974, 1975, 1977, 1981, 1982.
Dix finales dont les dates, si on y regarde de près, disent tout de notre domination sur le football français pendant deux décennies.
En 23 éditions, entre 1960 et 1982, les Verts sont en effet montés 9 fois à Paris. Sur cette même période ils devancent … les Vilains (6 finales), et Monaco et Nantes (4 finales chacun).


12 mai 1968, sous les pavés, le trophée !

Notre deuxième victoire en Coupe ne s’est pas jouée à grand-chose sans doute.
Ce dimanche 12 mai est le dernier jour avant le chaos. Certes les premiers mouvements ont démarré il y a près de dix jours, mais le pays fonctionne encore. Le lendemain, lundi 13 mai, une immense manif réunissant lycéeens, étudiants et ouvriers traverse Paris. Ce même jour, la grève générale est décrétée. La finale aurait-elle eu lieu si elle avait été programmée le dimanche suivant ?

Mekloufi aurait-il pu comme il le fit cet après-midi, entrer encore plus dans la grande histoire verte ?
Ces Verts de 1968 qui vont défier Bordeaux ont, depuis leur dernière finale en 1962, pris une toute autre dimension. C’est désormais en club dominant que Sainté se rend à Colombes. Pour la première fois, les Verts abordent une finale avec l’étiquette de favori. Comment pourrait-il en être autrement ?
5èmes du championnat en 1966, ils ont en effet remporté le titre en 1967 avec 4pts d’avance sur Nantes et sont déja, à six journées de la fin quasi assurés de bisser : avec la victoire à 2pts, les 10pts de retard de Nice sont un gouffre. Sainté, qui aborde la finale après 4 victoires consécutives et 12 buts marqués en championnat a des airs d'Eddy Merckx dans sa manière de cannibaliser la division 1. Certes, les Verts n’ont pas vraiment étendu leur mainmise à la Coupe de France (une seule demi- finale perdue contre Rennes en 1965 depuis la coupe de 1962) mais leur domination sur le foot hexagonal n’est pas contestée.

Le 11 titulaire au coup d’envoi est à l’avenant : pas un seul anonyme, pas l’ombre d’un quidam, que des joueurs placés haut dans la hiérarchie verte, que des noms, que des grands. Les exégètes de l’histoire verte disent souvent que l’équipe la plus brillante de l’histoire n’est pas celle de 76, mais plutôt celle de la fin des années 60, ce que Larqué, pourtant pas réputé pour sa modestie, confirma en déclarant : « L’ASSE avait une équipe fabuleuse. Je pense qu’en terme de talent, elle était équivalente voire supérieure à celle de 1976. »
Sur le pré Georges Carnus (36 sélections en EDF) garde la cage, avec devant lui une défense alignant Vladimir Durkovic (50 sélections avec la Yougoslavie), Roland Mitoraj (3 sélections) et Bernard Bosquier (42 sélections). Au milieu on retrouve Georges Bereta (44 sélections), Robert Herbin (23 sélections) et Aimé Jacquet (2 sélections), et devant Hervé Revelli (30 sélections) et l’immense Rachid Mekloufi (4 sélections en bleu et 51 sélections avec l’Algérie).
Seul l’attaquant André Fefeu et le latéral gauche Georges Polny ne comptent aucune sélection. Mais en vert, leur CV en impose avec respectivement 3 et 5 titres de champion de France, 2 coupes et 335 matchs en douze ans au club.
Ce magnifique 11 est coaché depuis un an par Albert Batteux. Il a succédé au brillant Jean Snella dans une transition en douceur qui laisse rêveur : Batteux est en effet convié par le club à assister aux entraînements de Snella en juin 1967 avant de prendre le poste. Les deux hommes, qui ont dirigé ensemble l’équipe de France revenue bronzée de Suède en 1958, ont les mêmes recettes et vont connaître un identique succès avec les Verts.

Ce match, c’est donc Mekloufi qui nous l’offre avec son doublé. Mekloufi, deuxième buteur de l’histoire du club, dont l’histoire et le parcours personnel dépassent largement le cadre du football, a près de 32 ans et vit une fin de carrière en douceur. Ce doublé, alors qu’il n’est plus titulaire en championnat et boucle, dix ans après ses débuts, sa dernière saison au club signe un adieu à la hauteur du joueur, considéré par beaucoup comme le meilleur, avec Salif Keita de l’histoire des Verts. Sur ce coup-là Batteux a eu du flair. Alors qu’il avait pris en fin de championnat l’habitude de titulariser Keita à la place de Mekloufi il sent que pour son dernier match, Rachid va se surpasser et explique à Salif : « Ton tour viendra. Cette année c’est la coupe de Rachid ».
Effectivement, c’est sa coupe. C’est lui qui égalise à la demi-heure de jeu et c’est encore lui qui donne la victoire aux Verts à la 78ème comme il le raconta à avec passion en 2007 : je marque une reprise de volée sur un ballon en or donné par le rouquin, mais en plus je tire deux fois le penalty : je marque une première fois mais l’arbitre me fait retirer car il n’avait pas sifflé. Ça ne peut que rester dans les mémoires pour les gens qui ont vu le match ! Ce jour-là, le destin m’a dit « merci Rachid pour ta carrière ».
Le rouquin, c’est Herbin ! Centreur sur le premier but, Robby est ce 12 mai le seul Vert sur le terrain qui était déjà présent lors de la première coupe en 1962. Il est le seul également à pouvoir encore aujourd’hui se targuer d’avoir gagné, comme joueur ou entraineur les 6 coupes de France à notre palmarès.

Auparavant…

Auparavant, avant de monter une troisième fois à Colombes, les Verts ont disposé du Racing Club Paris Sedan (éphémère club issu de la fusion en 1967 du RC Paris et de Sedan) 2-1 en 32ème de finale à Reims, des amateurs de Malakoff 4-0 en 16ème dans un stade Bauer à Saint Ouen garni comme jamais (16 000 spectateurs), d’Angers 2-1 en 8ème à Bordeaux, de Metz 1-0 en quarts de finale à Rouen, et péniblement d’Angoulême club de division 2 (1-1 à Paris après prolong, puis 2-1 en match d’appui à Bordeaux), ce qui atteste au passage qu’à toutes les époques et quel que soit le talent de notre équipe, un parcours en coupe est très souvent parsemé de victoires laborieuses contre des sans-grades.