Il y a cinq ans, Damien Bridonneau entrait dans l’histoire de l’ASSE en inscrivant le but du titre de champion de L2 d’une somptueuse reprise de volée dans les dernières minutes de l’ultime journée du championnat : http://www.youtube.com/watch?v=rymcM4XVD44. Aujourd’hui, le défenseur vannetais n’a pas envie de voir les Verts quitter la L1. Entretien.


Après une longue période d’indisponibilité, tu as remporté mercredi ton premier match sous les couleurs vannetaises contre Châteauroux. Damien, tu bichonnes la Berrichonne !

Oui mais cette fois-ci je n’ai pas marqué ! (rires) Je me suis cantonné à bien défendre. J’ai pu enfin jouer devant le public de la Rabine. Ça c’est bien passé, on a gagné 3-0. C’est la plus large victoire de Vannes depuis le début de la saison. Mais je suis surtout content d’avoir pu enfin jouer au football cette saison.

Tu peux nous rappeler ce qu’il t’est arrivé ?

Je suis arrivé à Vannes le 8 juillet. Quatre jours plus tard, lors d’un match de préparation contre Libourne Saint-Seurin, j’ai senti une douleur assez forte. Je ne pensais pas que c’était grave mais j’ai vite déchanté quand j’ai pris connaissance des résultats de l’IRM : rupture des ligaments croisés antérieurs du genou droit. Après une période de renforcement musculaire, je suis passé sur le billard le 25 août à Niort. C’est là bas que je m’étais fait opérer il y a une dizaine d’années, quand je m'étais fait une fracture tibia/péroné chez les Chamois Niortais. Depuis j’avais été épargné, je n’avais pas eu la moindre entorse… J’ai fait ma rééducation au Centre Le Grand Feu, à Niort. Elle a été longue mais c’est normal quand tu te pètes les croisés. J’avoue j’en ai bavé...

… pas vous mon amour !

Si ! (Rires) Franchement, j’ai galéré. Je me suis posé des questions, je me suis demandé si, à 34 ans, j’allais pouvoir revenir. J’ai eu des moments de gros doutes. Mais il y a des choses plus graves dans la vie, et je ne suis pas le premier joueur à qui ça arrive. Au bout de trois mois de rééducation à Niort, je suis retourné à Vannes. J’ai suivi une préparation physique spécifique. C’était une sensation bizarre pour moi. L’équipe a fait une super saison mais moi j’étais là sans être là. Je n’ai pas vraiment vécu avec eux, je n’étais pas là au moment où se sont créées les affinités au sein du groupe. J’ai fait une sorte de mission commando tout seul. Si je suis revenu, quelque part, je ne le dois qu’à moi-même.

Es-tu déçu de n’avoir pas pu postuler à une place dans le groupe pour la finale de la coupe de la Ligue ?

Un peu, forcément, car je sais pertinemment qu’à mon âge, c’est le genre d’opportunités qui ne se représentera pas dix fois. La perspective de pouvoir jouer au Stade de France était une belle carotte ! Mais dans la dernière phase de ma rééducation, j’ai eu hélas quelques complications à mon genou, il s’est enflammé et j’ai eu des tendinites. J’avais tellement envie de revenir, j’ai tellement bossé pour retrouver les terrains que je me suis un peu abîmé le tendon rotulien et le quadriceps. On a dû me faire quelques infiltrations. J’avais ensuite un protocole à respecter pour la reprise de l’entraînement. Pour retrouver le rythme de la compétition, j’ai joué quatre matches avec l’équipe réserve. Deux jours avant la finale, j’ai fait le point avec l’entraîneur. Je n’étais qu’à 70%, c’était logique qu’il ne me retienne pas dans le groupe. Je rêvais de jouer ce match mais je n’avais pas joué un seul match de la saison. Sans moi, les mecs ont fait une super épopée. C’était légitime qu’ils l’achèvent au Stade de France. L’entraîneur n’a pas changé son équipe et n’a retenu que des gars à 100%, c’est normal ! J’ai quand même participé à la fête en les encourageant là-bas, en étant à fond derrière eux. C’est dommage que le match ait été plié en un quart d’heure mais ça n’enlève rien au super parcours de Vannes !

Une semaine après cette finale, tu as joué ton premier match à Bastia ! L’occasion de revoir quelques anciens Verts…

Oui, c’était un p’tit clin d’œil sympa d’ailleurs car c’est mon ancien club. On a perdu 3-1 mais j’ai fait un match très correct pour un retour après une aussi longue absence. J’ai effectivement joué contre de vieilles connaissances : Fabrice Jau, Nico Marin. Fred Mendy était blessé mais j’ai été ravi de le revoir. Fred, c’est mon gars ! (rires)

Tu es resté assez proche de tes anciens coéquipiers stéphanois ?

Sincèrement, je n’ai plus trop de contacts avec eux mais je suis toujours heureux de les croiser. On se remémore les bons et les mauvais moments qu’on a passés ensemble. Quand t’es dans une équipe, t’as des affinités avec des joueurs et ça te fait toujours plaisir de les revoir. A l’époque d’Antonetti, il y avait une belle ambiance dans le groupe. Si demain je vois Jérémie, je tomberai dans ses bras par exemple. Mais j’ai peu de véritables amis dans le milieu du football. Fred Mendy en fait partie. On a sympathisé d’emblée quand je l’ai connu à Sainté. On était souvent ensemble. Je l’ai un peu pris sous mon aile et depuis on est restés en contact. Il faut dire aussi que je lui servais de chauffeur. J’en profite d’ailleurs pour lui dire qu’il serait temps qu’il passe son permis. Fred, si tu me lis… (rires)

Penses-tu avoir retrouvé toutes tes sensations ?

Oui ! Je n’ai pas eu d’appréhension au moment de rejouer, je me sentais prêt physiquement et mentalement. Je viens quand même d’enquiller trois matches en une semaine ! J’y suis arrivé car j’ai une bonne hygiène de vie, je fais attention à la récupération. J’ai retrouvé enfin ce plaisir de jouer, de bien défendre, de gagner des duels. Bon, j’en ai plus gagnés contre Châteauroux que contre Brest (rires)... Aujourd’hui j’ai envie de croquer la vie à pleines dents. Je souhaite jouer les derniers matches de la saison. Ensuite, il faudra que je coupe bien pendant la trêve pour être d’attaque la saison prochaine à Vannes.

Suis-tu toujours les résultats des Verts ? Que penses-tu de la situation actuelle de Sainté ?

Je suis toujours les Verts, bien sûr. On en parle souvent avec Bibi, on en parlait également avec Steph Hernandez avant qu’il parte à Croix-de-Savoie. Ça m’attriste et ça m’inquiète de voir Sainté avant-dernier à quatre journées de la fin. Ce club je l’aime même si ça fait cinq ans que je suis parti. Cette expérience stéphanoise restera gravée à vie. On me parle souvent de Sainté. Où que je sois, quand on me reconnaît, on dit toujours « l’ancien Vert ». On ne dit jamais « regarde, c’est l’ancien Manceau ! », « je l’ai reconnu, c’est l’ancien Niortais ! » ou « tiens, voilà l’ancien Bastiais ! » (rires).

Je suis fier d’avoir porté le maillot vert et j’espère de tout cœur que les Stéphanois vont s’en sortir. Je n’ai pas du tout envie de les voir dans la charrette. Les Verts sont mal mais je les crois mieux armés que Nantes pour s’en sortir. Il ne faut plus se poser de questions et tout donner lors des quatre derniers matches. Il faut aborder chacune de ces rencontres comme si c’était la coupe d’Europe, voire la coupe du monde ! Frédéric Antonetti avait dit à l’époque « les Verts en L2, c’est une anomalie » ! C’est tout à fait ce que je pense. Une descente serait terrible pour le club et pour les supporters.

As-tu vu regardé pas mal de matches des Verts cette saison ?

J’ai suivi quasiment tous leurs matches européens, je les ai un peu moins suivis en Ligue 1. Il m’est quand même arrivé de les regarder quand ils passaient sur Canal. J’ai vu également quelques bouts de match sur Foot +. Sinon, je suis les Verts via les résumés de leurs matches à la télé et les comptes rendus dans la presse.

Comment expliques-tu les grosses difficultés de Sainté cette saison ?

Cette équipe a un gros potentiel mais elle manque de confiance. C’est quand même bizarre ce parcours aussi contrasté entre le Coupe d’Europe et le Championnat. En coupe UEFA, les mecs jouaient libérés, ils pratiquaient un jeu fluide, tout semblait couler de source. En L1 c’est tout le contraire. Il faut dire que les Verts ont mal démarré le championnat. Parfois, un mauvais départ, ça te plombe une saison. Quand le doute s’installe et que les éléments jouent contre toi, ce n’est pas évident d’inverser la tendance. Sainté a connu une série assez incroyable de blessures cette saison. Franchement, je n’ai jamais vu ça ! Forcément, ça handicape l’équipe une infirmerie aussi pleine.

Je pense également que le départ de Feindouno en cours de saison n’a rien arrangé. Je n’ai pas trop compris pourquoi on l’a laissé partir. Pascal, c’est Pascal : un joueur d’exception ! Le genre de mecs qui peut faire basculer un match à lui tout seul. Son sens de la passe aura beaucoup manqué aux Verts cette saison. Il alimentait Bafé Gomis, y’avait une vraie complicité entre eux dans le jeu. C’est en bonne partie grâce à eux que les Verts ont terminé en trombe la saison passée, il ne faut pas l’oublier ! Je ne suis pas sûr que son départ ait été bien géré par le club, en tout cas je constate qu’il n’a pas été remplacé.

Un autre truc qui me chagrine avec Saint-Etienne cette saison, c’est la défense. Quand on regarde les différentes compositions d’équipe depuis le début de la saison, on se rend compte que la défense change tout le temps ! On peut sans doute l’expliquer par les blessures ou par les suspensions mais c’est compliqué dans de telles conditions d’acquérir des automatismes. Quand tu joues avec trop de combinaisons défensives différentes, tu finis par t’y perdre… et tu finis par perdre ! T’as plus d’affinités avec des mecs en défense si t’es régulièrement associé avec eux dans un schéma identique.

Y’a peut-être une autre explication aux problèmes stéphanois : l’état d’esprit du groupe. Vu de l’extérieur, je ne suis pas sûr que les joueurs vivent bien ensemble. Quand je les vois, je ne sens pas une équipe soudée, je ne sens pas un groupe qui fait bloc pour se dépouiller et aller chercher des résultats. J’espère que je me trompe, car l’état d’esprit d’une équipe est primordial quand tu joues ta survie. Saint-Etienne devrait parfois oublier le beau jeu et afficher davantage sa haine de la défaite. A un moment donné, ça ne sert à rien d’avoir la possession de balle si elle ne débouche pas sur un résultat. J’aimerais que Saint-Etienne sorte davantage le bleu de chauffe et se fasse davantage respecter en n'hésitant pas à mettre quelques tacles bien sentis.

Les problèmes de recrutement sont une autre cause de la mauvaise saison des Verts à mon avis. Laurent Roussey était censé être le vrai patron du sportif, en tout cas c’est comme ça qu’on nous l’a présenté. Et en fait on apprend que certains joueurs lui ont été imposés. C’est là que tu te dis que c’est encore un peu le bordel à Sainté... Ça devient vite compliqué pour les joueurs non désirés par l’entraîneur. Je ne suis pas sûr qu’ils aient envie de se bouger le cul ! Globalement, les recrues ont déçu mais personnellement j'aime bien le petit Machado. Lui, au moins, c'est une bonne pioche !

Un dernier truc qui me chiffonne car ça été mal géré et ça peut expliquer la situation actuelle des Verts en championnat : la coupe d’Europe. Tant qu’il y avait encore la carotte de la coupe d’Europe, tant que les Verts étaient toujours en course, on faisait un peu moins attention aux autres problèmes. Cette compétition était une vitrine et une bouffée d’oxygène pour les joueurs. Une fois éliminés, ils ont eu du mal à se mobiliser pour un objectif auquel ils ne s’étaient pas préparés : jouer le maintien. Le fait de ne pas jouer le coup à 100% contre Brême a donné lieu à un imbroglio. Il a été mal vécu par les supporters et on peut les comprendre…

Comment vois-tu la fin de saison des Verts. Les crois-tu capables de s’en sortir ?

Bon, ne nous voilons pas la face : l’heure est grave ! Mais ça reste très serré en bas de classement… Je pense que les Verts sont capables de s’en sortir. A eux d’aller chercher le maintien car ça ne tombera pas du ciel ! Ils ont un calendrier a priori abordable mais à mon avis plus compliqué qu’il n’y paraît. Le Havre est condamné mais les mecs n’ont pas lâché l’affaire. La preuve : ils sont allés gagner à Nantes, qui lutte pourtant pour le maintien. Même si le Havre va descendre en ligue 2, les joueurs veulent se montrer. Ensuite Saint-Etienne reçoit Toulouse, une des meilleures équipes du championnat cette saison. Le Téfécé a eu une mauvaise passe mais les Toulousains ont fait un gros match à Marseille. Ils sont encore en course pour une qualification européenne et il faudra se méfier de Gignac, un super joueur en pleine confiance. Mais le match aura lieu à Geoffroy-Guichard, il faut absolument se faire respecter à la maison maintenant !Les Verts iront ensuite à Auxerre avant de recevoir Valenciennes la dernière journée. OK l’AJA n’a plus rien à craindre ni à espérer, OK Valenciennes sera peut-être sauvé mais ce serait à mon avis une grave erreur de miser sur la décompression de ces équipes ! Pour s’en sortir, Saint-Etienne ne doit pas compter sur une éventuelle démobilisation de ses adversaires ou sur d’hypothétiques contre-performances de ses concurrents. Les Verts doivent compter sur eux-mêmes, mettre plus d’impact physique et montrer qu’ils ne sont pas là pour rigoler, merde ! Les joueurs ont la chance d’être portés par un public extraordinaire. Quand le peuple vert pousse, tu dois avoir l’envie de te défoncer ! Quand tu joues à Bastia devant 2.000 spectateurs, à la limite tu peux te dire que t’en as rien à branler. Mais quand tu joues dans le Chaudron devant plus de 30.000 spectateurs bouillants, t’as la quéquette ! L’amour de ce public est tellement fort que tu dois donner le maximum en retour ! Moi j'espère qu'une chose : pouvoir rejouer contre Saint-Etienne avant la fin de ma carrière. Mais pas en L2, hein ! En coupe de France ou en coupe de la Ligue, contre des Verts en pleine bourre en L1 !