Elle ne participe pas à chaque match, reste souvent dans l'ombre, mais peut tout changer en quelques secondes. Elle a plusieurs fois croisé le chemin des attaquants stéphanois ces dernières semaines. Elle a aussi de beaux souvenirs en vert à raconter.

La 94ème minute a accepté de répondre aux questions de "Poteaux-Carrés". Découverte d'une personnalité hors du commun.


Bonjour 94ème minute,
Merci d’avoir accepté cet entretien.
Bonjour, merci à toi. C’est toi José ?

Non, moi c’est Timick, mais je travaille aussi pour Poteaux-Carrés.
Ah ok [elle fait la moue]. Ne le prends pas mal, mais José est tellement devenu une légende dans le milieu du football que ç’aurait été la classe absolue d’être interviewée par lui. (rires). Allez, allons y !

Peux tu nous résumer ton parcours avant d'arriver chez les Verts cette année ?
Peut on avoir des précisions sur ton arrivée? Il s'agit d'un prêt, mais la question avec ou sans option d'achat ?
Avais tu d'autres sollicitations ?
Quels sont tes objectifs personnels cette saison ? (Thomi)

Je suis sur le circuit professionnel depuis plus de vingt ans. J’ai travaillé longtemps en Angleterre et en Ecosse. C’était un boulot facile, avec des prises de risques de la part des coachs jusqu'à la dernière minute, des défenses peu rigoureuses et des scores fleuves. A certains moments c’était presque la honte de ne pas avoir un but marqué à la 94ème minute. C’est devenu un peu plus compliqué aujourd’hui, la rigueur défensive étant plus stricte.
J’officie maintenant le plus souvent en France, ce qui est un challenge excitant car le jeu est plus défensif, plus tactique. Des gars comme Cavani, Ibrahimovic ou Ben Arfa sont des alliés précieux, mais je peux t’assurer que faire marquer Angers ou Nancy en fin de match lorsque ces clubs alignent 8 joueurs défensifs, c’est pas évident ! L’objectif est donc d’intervenir le plus fréquemment possible, de forcer des décisions, même lorsque ça paraît très compliqué. Le but de Nolan Roux contre Anderlecht illustre bien cette volonté d'essayer jusqu'au bout.
Sinon, non, on ne peut pas me prêter ou m’acheter, on peut juste espérer pouvoir compter sur moi à certains moments de la saison. Mais je peux aussi me retourner contre vous. Eh oui, je tiens à ma déontologie et à mon indépendance.

Qu'est-ce que ça fait de ne pas toujours fouler la pelouse, sachant que beaucoup de matches se terminent à la 93ième ? N'est-ce pas un peu frustrant de devoir se préparer sans savoir si on prendra part au jeu ? Ne vit-on pas avec la sensation d'être la 94ième roue du carrosse ? Est-ce que la réussite affichée pendant son temps de jeu, dernièrement, ne te donne pas envie d'être plus souvent titulaire ? (Maugrim)
Moi qui étais assez déçu de tes performances la saison dernière (notamment durant ce fameux mois de février), il faut bien avouer que tu t’es bien repris cette saison. A quoi attribues-tu tes bonnes performances actuelles ? N’est-ce pas frustrant d’avoir aussi peu de temps de jeu malgré celles-ci ? (Tlass)

Certes c’est parfois un peu frustrant dans les grands matchs. Je suis une compétitrice, j’ai forcément envie de prendre part aux grands événements, d’autant que les fins de matchs sont parfois électriques. Mon temps de passage sur le terrain est bref, mais il peut décider définitivement du sort de la rencontre : c’est cette adrénaline que je recherche.
Ceci dit, parfois ce sont les joueurs eux-mêmes qui ne souhaitent pas me voir entrer en jeu, soit parce qu’ils protègent un résultat et craignent de ne pas y parvenir, soit parce qu’ils sont en train de se prendre une grosse branlée et en ont assez. Samedi dernier par exemple, les joueurs de Metz [NdP² : Metz 0 - Monaco 7] ne voulaient pas que le match se prolonge jusqu’à moi. Pareil pour les Brésiliens lors de la demi-finale de la Coupe du Monde 2014 [NdP² : Brésil 1 - Allemagne 7].
Après effectivement il y a des moments où je me sens en grande forme. C’est le cas ces derniers temps. Faire la décision dans un match après la fin du temps réglementaire, c’est vraiment le pied. Il faut sûrement un peu de chance, mais l’expérience joue aussi beaucoup. Il faut savoir choisir le bon joueur au bon moment : lors d’ASSE-Anderlecht, je mets en difficulté un gardien de but qui s’était montré assez sûr dans ses prises de balle pendant tout le match. Mais je ne le sentais pas sur cette action, j’avais flairé le coup. Après, c’est sûr que si tu as un gardien comme Ahamada de Toulouse, tu n'as pas le même mérite d’avoir flairé une bourde.


Le risque de blessure est moindre, et Dieu (Perrin) sait ce qu’il nous en coûte. Mais n’est-ce pas frustrant de voir ses potes incapables de marquer avant le temps additionnel ? Ne pourrait-on pas marquer à la 90’, comme tout le monde ? (Greenwood).
Comme je le disais, il n’y a pas plus jouissif que de changer le résultat alors que le match est presque fini. Regarde, en finale de l’Euro 2000, je suis commencée depuis même pas 10 secondes quand Wiltord égalise pour la France contre l’Italie. S’il avait marqué 2 ou 3 minutes plus tôt, les Italiens auraient encore eu une possibilité de faire évoluer le score, alors que là, c’était fini ! Ils se voyaient déjà en train de soulever la Coupe, et finalement ils ont dû reboucher le champagne et disputer une prolongation en étant atteints sur le plan moral. Psychologiquement, j’avais fait tout le boulot : il ne restait plus pour les Français qu’à les achever avec le but de Trezeguet durant la prolongation.

T'es plutôt Val de Marne ou Valderramarne ? (la buse)
Je me demandais, ce chiffre, 94, ça a un rapport avec ton tour de poitrine ? (Moufles, en mp)

(Rires) Non, non, rien à voir avec mon tour de poitrine !
Pour Valderramarne, je ne sais pas…. Sais-tu que Carlos Valderrama, dont j’étais fan de la coiffure comme tout le monde, a joué justement 94 matchs avec son club d’origine, l’Union Magdalena, en Colombie ? Peut-être que ce n’est pas un hasard ?
Sinon, non, je ne suis pas originaire du Val-de-Marne et je n’ai donc pas fait comme Jérémy Ménez, originaire de ce département, qui avait opté pour ce numéro lorsqu’il jouait à Milan. Je porte ce chiffre un peu par hasard, c’était le suivant dans le temps additionnel après mes consoeurs 91ème, 92ème, et 93ème minutes.

Et cette mode de la "90+4", c'est pour faire ta maline ou bien ? (Le Lord)
On a tendance à nous appeler ainsi et je dois dire que ça ne me plaît guère. C’est un peu comme si l’un( e) de vos potonautes se présentait un jour de BAA (je me suis renseignée, tu as vu ?) avec quelqu’un et l’appelait « + 1 » au lieu de l’appeler par son vrai prénom ou par son pseudo. On n’est pas des sous-minutes ! Etre appelée 90+4, ça fait un peu pièce rapportée, c’est en quelque sorte une négation de mon existence en tant que minute à part entière. Je préfère donc qu’on me désigne sous ma vraie identité : 94ème minute.


Entre nous, es-tu un clin d'œil à cette fameuse coupe du monde états-unienne qui nous passa sous le nez en fin de partie en raison de l'aversion de Kostadinov pour la pourtant chouette toune de Joe Dassin et accessoirement par le geste criminel de notre bogosse au cœur léger ? (Emerald77)
Tiens, tu me donnes l’occasion de tordre le coup à une rumeur tenace. Je démens toute implication dans ce désastre national français de 1993. D’ailleurs moi je l’aimais bien Ginola, et jamais je ne lui aurai fait un coup pareil ! Il avait quand même une autre gueule que Trifon Ivanov ! Il suffit de revoir les images de l’action de Kostadinov pour me disculper : on voit bien que le chrono est encore dans le temps réglementaire et que le but est marqué à 89 minutes et 55 secondes environ. Avec moi, pas de doute, Kostadinov aurait frappé sur la barre, on aurait dansé tout l’été sur « L’Amérique » de Joe Dassin, Cantona aurait été sur le terrain au lieu d’être commentateur avec une coiffure à plumes de chef indien pour la télévision et les Bleus auraient fait bonne figure aux Etats-Unis !

Pourquoi n'as tu pas fait acte de présence chez les vilains dimanche? (bladevert)
Pourquoi tu t'es vendue aux vilains après nous avoir tant fait jouir (Olaf) ?

Disons que je ne pouvais plus faire grand-chose. Les Verts étaient menés 2-0. De par ma position en toute fin de match, je peux intervenir pour faire marquer un but, mais je n’ai en général pas le temps d’en faire marquer 2. Je préfère donc réserver mes interventions aux moments où je peux réellement être décisive, pour un but vainqueur ou une égalisation.


Moi qui n'ai jamais rien parié, je suis prêt à mettre "ma gauche" et "ma droite" si tu signes aujourd'hui pour être présente sur tous les matchs de Sainté jusqu'à la fin de la saison 2016/2017. Bien évidement pour des buts pour notre équipe.
Avec mes remerciements pour ton accord .

Ps : Bien évidement les " trophées" seront attribuables à la fin du dernier match si tu as respecté ton engagement (robby1976)

Tu prends des risques Robby ! Est-ce que c’est valable si l’ASSE est menée 5-0 et réduit le score à la 94ème minute ? (rires). Si je peux encore rendre service, je ne m’en priverai pas. Mais comme récompense, je préfère un bon resto quand même (autrement dit, pas un resto conseillé par Danish) ! (rires).


Objectivement des bons coups t'en as connu : des Hamouma sur pénal, des Roux sur coup de bol.
Mais ton meilleur coup c'était un Dernis sur une mine non ? (Parasar)

Et Dernis contre l'OM...t'as pris ton pied madame 94eme minute ? (Platoche)

Ah, ça reste évidemment l’un de mes meilleurs souvenirs. Tu vois, j’en ai la chair de poule rien que d’y repenser ! Ce qui m’a le plus marquée, c’est l’explosion de joie du public au moment où le ballon arrive dans les filets. Et puis c’était Dernis, un joueur que j’aimais bien, qui ne lâchait rien, qui méritait de mettre un but pareil. Si vous revoyez les images, vous verrez que Dernis et moi on réussit le timing parfait sur ce but-là : il marque pile à la seconde où j’apparais. J’ai rarement connu une telle osmose avec un joueur. Quand même, on a eu une brève liaison tous les deux ce soir-là et on a fait jouir 30 000 personnes : c’est pas banal ! (rires). Geoffrey, si tu me lis, je t’embrasse !


As-tu une préférence entre le pénalty assassin, le corner mal renvoyé, le contre foudroyant, ou l'Anderlechtoise ? (Olaf)
Difficile de répondre à cette question. Depuis le temps que je parcours les stades, j’ai déjà vu des tas de buts de dernière minute. Parfois, j’avoue même avoir un peu de mal à surprendre. Lorsqu’une équipe pousse très fort dans les dernières minutes, le but arrive presque logiquement même si on est dans ma minute et que le temps est compté pour scorer. Du coup j’aime bien faire dans l’originalité. Et j’ai vraiment été très satisfaite dernièrement du dénouement d’ASSE-Anderlecht. Ce long ballon promis aux bras du gardien, ces joueurs Stéphanois qui sont trop loin du ballon pour le disputer…. Et puis cette improbable collision entre le gardien et le défenseur, ce ballon qui revient sur Nolan Roux qui marque dans la cage désertée. Les Verts avaient eu un mal fou à cadrer, à prendre en défaut le gardien belge qui défendait plutôt bien ses cages jusqu’ici, et ils réussissent finalement à marquer ce but dans une cage vide alors qu’il ne reste pratiquement plus rien à jouer dans le temps additionnel !



Est-ce difficile dans la vie courante d'être un nombre de Smith ?
Merci. (Matrick)
Pourquoi as-tu choisi d'être un mélange entre 69 et 42 ? Ne serais-tu par un footix opportuniste ? (Matrick)

Houla ! On sent le scientifique, le passionné de chiffres (à moins que tu ne sois champion des Chiffres et des Lettres ou contrôleur des impôts ?). (rires). Pour te répondre, non, ça ne me gène pas trop au quotidien d’être un nombre de Smith. Je trouve d’ailleurs que ça fait relativement classe, ça fait stature internationale. T’imagines si à la place j’avais été un nombre de Dugland ou un nombre de Labit ? (rires).
Sinon, on me taxe souvent d’opportunisme car un jour ou l’autre je suis à l’origine d’un bon (ou d’un mauvais) souvenir pour toutes les équipes. Mais attention, d’autres minutes peuvent être tout aussi cruelles. Ma consoeur 88ème minute est par exemple persona non grata à Lyon depuis qu’elle a provoqué le but d’Inzaghi (du Milan AC) qui a éliminé l’OL de la Ligue des Champions en 2006. Vous vous en souvenez de ce but ?

Quelles sont tes relations avec les quarts d'heure et les demi-heure, qui sont toujours mis en avant ?
9+4=13. C'est pour ça que tu es le porte bonheur par excellence? (Olaf)
A l’inverse, bien que fournissant un gros travail défensif, les 45èmes premières minutes semblent en ce moment bien inoffensives. Cela leur vaut d’être régulièrement les bouc émissaires de bon nombre de supporters qui ne comprennent plus leur alignement systématique sur la feuille de match. Peux-tu nous parler des relations que tu entretiens avec elles ? Crois-tu qu’elles vont se reprendre très prochainement ? (Tlass)
Pas trop frustrée d’être toujours après la 93ième minute ? (dragonvert43)
Sachant que tu n'apparaîs pas à chaque match, te sens tu pas la 5ème roue du carrosse ? (Sempre Sainté)

J’entretiens en général de bonnes relations avec les autres périodes du match. J’ai davantage l’occasion de côtoyer le dernier quart d’heure pour des raisons évidentes, et j’ai forcément moins d’affinités avec les 15 premières minutes pour des raisons d’éloignement, mais je m’intéresse tout de même à l’ensemble du match. En effet, nous formons une sorte d’équipe et je ne suis rien sans les autres. S’il n’y a pas des interruptions du match sur blessure, des remplacements, voire des jets de fumigènes sur la pelouse par les supporters, je risque de ne même pas être sollicitée en fin de match. De la même manière, si aucune équipe n’a marqué avant, il n’y a personne qui fait le forcing pour égaliser en fin de match. Je suis un maillon de la chaîne du match, souvent le dernier, et j’essaie de ne pas décevoir pour que les efforts de toutes les minutes passées avant moi soient reconnus.
Après je ne sais pas si je suis un porte-bonheur. Disons que quand il y a un but au moment où j’entre en scène, pour l’équipe et le public qui l’emporte je suis celle qui laisse un super souvenir, qui fait que les gens vont quitter le stade avec la banane. On se souvient plus facilement de moi pour un but décisif que si le but avait été marqué à la 3ème minute. En contrepartie, je peux ne même pas exister, ou ne durer que quelques secondes, alors que la 3ème minute existe obligatoirement dans sa totalité à chaque match.



A Sainté aucun groupe ultra n'est de "ton année" et n'allume des bougies à ce moment du match ?
Es tu frustrée pour autant ?
Est-ce que les Tigers de Lens, RT 94, te fond un honneur ? (Sempre Sainté)

Mes relations avec les supporters sont bonnes d’une manière générale. On me reparle souvent de grands moments de joie, comme tout à l’heure quand vous m’avez reparlé du but de Dernis ou de celui de Roux. Celui de Wiltord à l’Euro 2000 revient aussi très souvent dans les discussions.
Je sais que les Tigers de Lens utilisent le n°94, mais je ne suis pas sûr que ce soit en mon honneur. (rires). J’en profite pour leur dire que s’ils arrivent à se mêler à la lutte pour la remontée, j’essaierai de leur donner un petit coup de pouce dans les matchs décisifs car c’est un club que j’aime bien.

Chère 94ème, l'égalisation de Koke pour l'OM à la 94ème minute un soir d'octobre 2004
t'a-t-elle inspirée ou l'as tu toujours en travers de la seconde ? (Asse of Spades)
En veux-tu à M. Lhermitte de t'avoir relégué un soir de 2004 au rang de minute quelconque ? (Petrus)

A l'inverse de cette précédente question, à Marseille tu es largement dépassée et concurrencée par tes confrères 95, 96, 97 etc... Est-ce un accord en début de saison ? (Sempre Sainté)

Je n’ai toujours pas compris ce qui s’est passé ce soir-là. D’habitude je suis la dernière à entrer en scène, c’est vraiment rare (sauf en cas de prolongation) qu’une autre minute me succède. Je m’apprêtais donc à finir le match tranquillement, mais l’arbitre a décidé de prolonger pendant encore plusieurs minutes ! Tout le monde était surpris. Ma copine la 95ème minute, qui est rarement employée, a dû être rappelée en catastrophe alors qu’elle était sortie pour fumer une clope sur le parking du Vélodrome en croyant le match terminé !
Quand Koke a marqué, je l’avais mauvaise. Je me suis dit que l’on ne me faisait plus confiance pour changer le destin d’un match, qu’on me prenait pour une ringarde, que j’étais délaissée au profit de mes consoeurs plus tardives. Un peu comme sur votre site si les éditos de Parasar étaient subitement mis de côté au profit des articles d’un blanc-bec tout nouvellement inscrit.
 
Avec le recul, comme cela ne s’est presque jamais reproduit, je me dis plutôt que l’arbitre s’est trompé ce soir-là et que ce n’était pas dirigé contre moi. Et puis en y réfléchissant, c’est quand même Koke qui a marqué, l’un des flops retentissants de l’OM : quelque part ce but a été un rayon de soleil dans une saison bien terne pour lui. Je n’ai pas eu ce soir-là le geste de charité de le faire marquer, mon amie la 95ème minute l’a fait. C’est bien pour lui.
J’ai développé suite à cet épisode une vraie envie de m’investir sur le plan social à l’avenir, dans des cas qui m’apparaissent un peu désespérés. J’aimerais par exemple d’ici la fin de saison arriver à faire marquer Vincent Pajot, même sur un match amical, voire même lors d’un entraînement, mais je sais que ça va être compliqué (surtout qu'on joue rarement le temps additionnel à l'entraînement). C’est un beau challenge en tout cas.

Es-tu jalouse des prolongations? (moloko)
Non. Ce sont mes collègues de travail et il ne faut pas oublier que j’en fais partie, des prolongations. En championnat, je ne suis pas sûre d’apparaître car le match peut se finir avant. En Coupe, en cas d’égalité à la fin du temps réglementaire, je suis par contre assurée d’apparaître. Je peux même quelquefois apparaître deux fois dans le même match, du coup. Cela reste ceci dit peu courant, car lorsqu'une prolongation se profile les équipes ont tendance à calmer le jeu et dans cette configuration peu nombreux sont les arbitres qui laissent aller le temps additionnel jusqu'à la 94ème minute. En tout cas cette situation de prolongation change un peu de la routine. A la rigueur je pourrais être un peu jalouse de la 120ème minute si c’est à ce moment-là que le but décisif est inscrit, mais sur une saison entière j’apparais beaucoup plus souvent que la 120ème minute et je suis plus souvent décisive qu'elle, donc non, ça va, je le vis très bien.


Est-ce que les arbitres ont signé des conventions avec toi pour te faire apparaître régulièrement par journée de championnat ? Coupe d'Europe etc... ? (Sempre Sainté)
Officiellement non, il n’y a pas de directives ou de consignes pour que j’apparaisse régulièrement et que les résultats soient modifiés en toute fin de rencontre. Il est vrai par contre qu’il existe parfois des pressions non-officielles, plus insidieuses, venant des médias ou des organisateurs des compétitions.
A une époque, Canal+ voulait toujours améliorer ce qu’ils appelaient le « coefficient de spectacularité », réclamant notamment des buts tardifs pour que le téléspectateur ne zappe pas avant la fin d’un 0-0 entre Metz et Guingamp par exemple. Mais bon, personnellement j’ai toujours été intègre et je n’ai pas marché dans ces combines. Tout récemment, en « Domino’s Ligue 2 », une étude diligentée par la marque aurait établi une corrélation entre les buts survenant en fin de match et la consommation de pizzas par les supporters de l’équipe gagnante, mais là encore je ne mange pas de ce pain (ou plutôt de cette pâte) là et je refuse d’intervenir sur le score du match pour gonfler le chiffre d’affaires de « Domino’s Pizza ».


Si la logique était respectée et qu'on terminait la 1ère mi temps à la 46ème, 47ème (suivant les arrêts de jeu) etc... la 2ème mi temps ne repartirai pas systématiquement à la 45ème. Est-ce normal que certaines minutes (et notamment la 46ème) apparaissent 2 fois dans le jeu ? De fait, tu apparaîtrais beaucoup plus régulièrement si c'était respecté ? Qui fait pression pour qu'il n'y ait pas de réforme à ce sujet ? La LFP ? UEFA Mafia ? Fifa Mafia ? Bernès ? (Sempre Sainté)
C’est un vrai problème. Quand Zidane marque en finale de la Coupe du Monde 1998 à la 45ème minute + 2, cela réduit dramatiquement les chances pour la 93ème ou la 94ème minutes d’être jouées en fin de rencontre. Un autre problème est lié aux scores fleuves que réussissent régulièrement le Barça, le Bayern ou le Real Madrid. Quand Messi, Neymar et Suarez ont marqué deux buts chacun et qu’il y a 6-0, l’arbitre n’a souvent pas le cœur à faire jouer le temps additionnel pour ne pas prolonger le calvaire de l’équipe d’en face. Et je suis l’une des victimes collatérales de cela !
Après, je ne sais pas si la FIFA ou l’UEFA se préoccupent de ce problème. J’ai cru comprendre que ces deux instances avaient d’autres soucis à gérer ces derniers temps, moins proches du terrain ! Quant à Bernès, il a le bras long, donc j’espère qu’il n’est pas devenu l’agent de la 46ème minute [NdP² : thèse évoquée par le potonaute Osvaldopiazzolla récemment], sinon on a du souci à se faire. (rires).


Est-ce que tu as un lien de parenté avec 49-3 ? (Maugrim)
Non, mais je peux passer en force parfois moi aussi. En 2001 par exemple, Patrick Andersson du Bayern Munich a mis un bon vieux coup-franc de bourrin contre Hambourg qui a donné le titre à son club lors du dernier match de la saison, au détriment de Schalke où le match était terminé et où on avait commencé à fêter le titre….avant de déchanter.


Chère 94e minute, peux-tu nous raconter en détails -et qu'importe le respect de ta vie privée- la relation que tu mènes avec Robert Beric ? Tu sembles succomber facilement à son charme de tueur de rêve adverse, dans ce sens, as-tu toi aussi un esprit particulièrement sadique de faire mal quand l'autre ne s'y attend plus ? (Tartiflette)
En réalité, ça va peut-être te surprendre, mais je connais assez mal Robert Beric. Ne pense pas que je veux éluder la question ou que j’ai quelque chose à cacher. Mais si tu regardes bien, Beric a marqué à la 88ème minute contre Mayence ou encore à la 92ème minute contre le Paris-SG. D’autres minutes, elles aussi placées en fin de match, ont fait le boulot avant moi en collaboration avec Beric. C’est aussi un peu pour cela que je m’étais dit qu’il fallait que je fasse quelque chose contre Anderlecht pour monter que j’étais encore là, qu’il ne fallait pas m’enterrer trop vite. J’ai eu une réaction d’orgueil. Robert Beric n’étant plus sur le terrain, il me restait l’option Pajot ou l'option Roux : j'ai choisi Roux.

Quelle serait l’équipe type des joueurs que tu as côtoyé sous le maillot vert ? (Tlass)
C’est une question difficile et je ne suis pas sûre de pouvoir citer une équipe entière qui soit liée à moi. Evidemment dans mon 11 favori chez les Verts, je garde une place particulière pour Dernis et une pour Roux. Je citerai aussi Payet, mais davantage pour le but qu’il a marqué avec l’équipe de France pendant l’Euro contre l’Albanie (encore plus tard que la 94ème minute !). Beric mérite aussi une mention pour sa faculté à faire la décision en fin de rencontre, même si ce n’est pas forcément avec moi. Offensivement, on n’est pas mal, non ?
Je suis également obligée de mentionner Janot, malheureux sur ce fameux but de Koke à Marseille dont on a parlé tout à l’heure. Mais j'ai aussi un bon souvenir avec Jérémy : j'étais là lorsqu'il est monté aux avants-postes pour faire une improbable passe décisive à Hognon qui avait égalisé. C'était à Nantes, je crois, pour un 2-2. C'est le genre d'action qui construisent ma légende, quelque part, et je serai toujours reconnaissante à Janot d'avoir fait le geste juste et à Hognon d'avoir inscrit le but derrière.

Question subsidiaire, qu'as tu prévu pour la 94e minute du derby retour ? Plutôt une Payet ? Une Soderlund ou une Ferri inversée ? (Tartiflette)
C’est marrant que tu me poses cette question parce que j’en ai rêvé le lendemain du match aller. Je me suis dit que ce serait super pour les Verts d’avoir un but de la victoire au match retour dans le derby au moment de mon entrée en scène. Bon, j’ai fait un rêve bizarre, je veux bien te le raconter mais tu ne te fous pas de moi, ok ? (rires). Figure-toi que j’ai rêvé que Jean-Michel Aulas disputait le derby retour (oui, oui, en short sur le terrain) et que c’était lui qui marquait le but décisif sur un c-s-c….. A la 94ème minute bien sûr ! Un supporter des Verts pourrait-il rêver plus belle fin de match ?