Avant que la saison 2015-16 ne se lance, revenons sur le dernier match de la précédente, face à Guingamp. L’expérimentation du 343, inédite surtout pour ses possibilités offensives, est-elle porteuse pour les prochains mois ?


Un système autour d’une défense à 3 : en voilà, une tentation tactique pour Christophe Galtier. On l’a vu plusieurs fois, avec des résultats pour le moins contrastés selon que l’adversaire se soit appelé par exemple, Vilain, Qatari ou Interiste. Jusqu’alors, on pouvait parler de 352, le technicien stéphanois n’osant pas sacrifier son entrejeu à trois. Contre Guingamp, pour clore la saison, il l’a fait : les Verts ont passé la rencontre avec un pur 343.

Quelles ont été les caractéristiques de cette tentative victorieuse (2-1) ? Peut-on l’espérer comme solution aux difficultés offensives affichées l’année dernière ? Tentons d'apporter des éléments de réponse, en notant en préliminaire que Guingamp fut l’adversaire parfait pour l’analyse, géométriquement parlant. La bande à Gourvennec a en effet respecté le modèle-type de l’équipe de Ligue 1 : un bloc articulé autour de deux lignes de 4, hérissé de 2 attaquants défendant à plat – soit le quadrillage le plus régulier et équilibré possible du terrain.


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Commençons par des redites : l’extrême majorité des équipes jouent avec deux attaquants axiaux, sur la même ligne ou pas. La défense à trois permet donc un surnombre permanent, et même un joker en cas de projection ou de dézonage d’un milieu ou ailier adverse. Autre vertu : le pressing adverse est rendu beaucoup plus ardu, et la relance d’autant plus aisée. Un Loïc Perrin (au hasard…) peut ainsi passer la ligne médiane avec presque autant de latitude que lorsqu’il était latéral, et optimiser ses qualités de vision et de distribution du jeu.
Puisqu’on parle des latéraux : assurés de leurs arrières, une défense à trois les décharge en grande partie de leurs tâches de couverture et permet à la fois une meilleure exploitation de la largeur du terrain et une projection offensive plus assumée.

Les nouveautés commencent avec l’entrejeu. A deux seulement (Lemoine et Diomandé, dans notre exemple), difficile de s’extraire de la pression de l’adversaire qui là, n’est a priori pas en infériorité numérique. Les décrochages de ceux de devant sont donc fondamentaux pour permettre des remontées de balle fluides : Yohan Mollo y a excellé, notamment en début de seconde période. Seulement, quand la machine est grippée, le risque est fort de voir l’équipe se couper en deux. Ce cas de figure est apparu plusieurs fois lors des coups de mou physiques. Comme dans le 4231 (et contrairement au 433), l’entrejeu est sans filet : quand la paire du milieu est en difficulté, l’équipe entière tousse.

 

Plus besoin d'un pivot ?

C’est devant que se situe l’innovation principale, avec trois attaquants axiaux. Ce surnombre, difficile à gérer pour une défense de quatre joueurs à plat, démultiplie les solutions offensives. Il permet une meilleure présence dans la surface. Il suffit d’un duel gagné, d’une déviation intelligente ou d’un une-deux bien exécuté pour mettre le feu – les deux buts de Gradel en sont une illustration d’école. Contrairement à ce quoi nous sommes habitués depuis le début de l’ère Galette, cette organisation encourage le mouvement, la vitesse, les permutations, et les passes redoublées au sol dans des petits périmètres, et met donc en valeur des joueurs vifs, techniques et avec de l’intuition. Par conséquent, le besoin d’un Brandao, un pivot avec un fort impact physique et une bonne couverture de balle, est nettement moins prégnant… Revers de la médaille : le déchet, difficile à éviter.



Tout ce qui vient d’être dit postule que l’ASSE domine son adversaire – ce qui a été très largement le cas contre Guingamp, mais pas toujours. Il est nécessaire d’examiner ce qui se passe dans les phases où l’équipe est d’abord amenée à défendre.

Le repli est organisé de telle manière que lorsqu’elle cède le pas à son adversaire, l'ASSE se présente en 541. Avantage principal : cela évite l'infériorité numérique sur les côtés (KTC ou Brison risquant autrement de se trouver chacun seuls face à deux joueurs de couloir adverses), tout en gardant une grosse densité de joueurs dans l'axe.

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A la récupération, si une relance propre s’avère difficile, il n’est guère d’autre possibilité que de tenter le jeu par-dessus la défense, et de parier sur la vitesse des attaquants – ce qui est un peu juste, et peut vite devenir ingérable (souvenez-vous de l'utilité du point de fixation). Dernier inconvénient, et il est de taille : un pressing haut sur les défenseurs est quasiment impossible. Ainsi, les adversaires disposent de temps et d’espace pour organiser une attaque placée, voire pour apporter directement le surnombre balle au pied.

Arrêtons nous d’ailleurs sur une grosse faiblesse :
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Quand Guingamp, comme sur l’action illustrée ci-dessus, remonte la balle sur le côté, la zone axiale entre la ligne des défenseurs et celle des milieux est à la merci des joueurs qui sauraient s’y intercaler – et l’on sait qu’il n’en faut parfois pas plus pour subir une attaque dévastatrice. Cette faiblesse a d’ailleurs été identifiée d’un côté comme de l’autre, puisqu’en seconde mi-temps on verra beaucoup plus les Bayal, Pogba ou Dieu sortir de leur charnière pour venir combler ce trou-là alors qu’en face, Jérémy Pied assumera un rôle d’électron libre très urticant.

Pour conclure, le 343 tel qu’aperçu contre Guingamp est très clairement une organisation risquée, qui donne son plein potentiel face à un adversaire inférieur – et dont les preuves sont à faire face à une autre organisation que le 442 ou assimilé. On n’ose imaginer les brèches qu’auraient pu créer des défenseurs centraux guingampais plus techniques et joueurs, ou comment la paire Diomandé/Lemoine aurait résisté face à un entrejeu à trois. En revanche, il apparait extrêmement séduisant de par ses possibilités offensives, beaucoup plus adaptées aux caractéristiques des joueurs à disposition de Christophe Galtier. De quoi solder pour de bon l’héritage Brandao ?