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Le Monde de demain :
Gaël Perdriau : « François Fillon doit se retirer au nom d’une éthique »
Le maire (LR) de Saint-Etienne appelle la droite républicaine à un « sursaut éthique » au nom de l’intérêt général et au prix du retrait de son candidat.
Allons-nous connaître, en 2017, une déroute, pour notre démocratie, comparable au naufrage de la IIIe République ? Une IIIe République agonisante, minée par les scandales à répétition, incapable de se réformer et de mettre un terme aux abus d’une élite soucieuse de son confort et de ses avantages plus que des devoirs découlant des fonctions occupées.
A moins de 50 jours de l’élection présidentielle, les enquêtes d’opinion donnent comme possible un second tour entre la candidate de l’extrême droite et un ancien ministre encore inconnu il y a deux ans. Si un tel scénario devait se réaliser, alors les formations politiques gouvernementales classiques, qui ont exercé les responsabilités du pouvoir, seraient, pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, toutes éliminées dès le premier tour.
Plus de socialistes, communistes, écologistes, centristes ou autres gaullistes. Tous balayés au détour d’une élection qui, à défaut de permettre à la nation de surmonter les difficultés, lui donnerait l’illusion passagère de faire table rase des profiteurs du système. Comment en vouloir à des Français épuisés par des années de promesses jamais tenues ?
Comme le disait Bill Clinton en 1992, « pour des millions et des millions d’Américains, l’idéal qui voulait que ceux qui travaillent dur et respectent les règles soient récompensés, qu’ils feraient un peu mieux l’année prochaine que l’année précédente, que leurs enfants feraient mieux qu’eux, cet idéal a été dévasté ». Puisque les Français en sont désormais au même stade de réflexion, sans hésitation, je fais mienne cette analyse.
Depuis plusieurs décennies, la France souffre. Plus exactement une certaine France. Celle qui fait du travail une valeur cardinale, celle qui reste fidèle aux valeurs républicaines, celle qui crie sa foi en notre modèle chaque fois que des terroristes veulent l’abattre. La France du courage, de la volonté et de la tolérance car cette France est, avant tout, aux couleurs de la différence. Elle n’est ni blanche ni noire, ni musulmane ni catholique, ni de gauche ni de droite. Cette France dépasse toutes les catégories sociales, religieuses ou politiques.
Face à cette France ? Une classe politique sclérosée dans son ensemble et incapable de proposer autre chose qu’un discours lénifiant sur une mythique croissance qui nous tend les bras. Mesdames et Messieurs les électeurs, puisqu’on vous dit que « la prospérité est au coin de la rue », vous aurez l’extrême obligeance de le croire et de voter comme il se doit !
Un système social exsangue
Oui, cette classe politique est face à la France et non plus à ses côtés. Ce déni de la réalité des problèmes rend, au final, les élus, quel que soit leur parti, suspects de toutes les turpitudes. Favoritisme, emplois fictifs, trafics d’influence ou corruption viennent s’ajouter à l’impuissance des élites à relever les défis. Notre système social est exsangue et nos compatriotes redoutent les aléas de la vie de peur de tomber dans une suite de trappes à régression sociale qui les conduiront à l’incertitude du lendemain.
Ainsi, en 2015, nous avons célébré, dans une quasi-indifférence généralisée, le trentième anniversaire des « Restos du cœur ». Cette attitude, ce pourrissement inexorable des élites, cette France qui sent le moisi, comme le dirait Philippe Sollers, pèse de plus en plus sur l’autre France, celle délaissée par des élites qui ont perdu le sens des réalités et semblent abandonner le combat. Ont-elles seulement songé à le livrer réellement ?
La femme de César se devant d’être irréprochable, son mari doit en tirer les conséquences qui s’imposent sans entraîner la France sur le chemin de l’indignité. Aussi on ne peut accepter, sans affaiblir le modèle républicain lui-même, au mépris des lois qui assurent la cohésion de la République, en confisquant le débat sur l’avenir de la France, d’instrumentaliser le jugement du peuple, réduit au simple rôle de juré sommé de prononcer un acquittement.
Ceci transcende toutes les familles politiques ! Nos formations politiques sont devenues de simples « écuries présidentielles » destinées à servir les ambitions de Rastignac que Balzac, au vu de leur médiocrité, aurait renié. Le goût du débat, de l’analyse, de la recherche de solutions innovantes se perd au profit de plans de carrière personnels. Réfléchir cesse d’être un préalable indispensable à l’action publique, seule compte l’image que l’on renvoie dans les médias. Est-il alors étonnant que les Français se détournent de nos partis politiques et se laissent entraîner, par les sirènes nauséabondes de l’extrême droite, sur des chemins sans issue ?
Croyant répondre aux attentes des Français, les programmes électoraux, quand ils existent, deviennent de véritables catalogues où s’entrechoquent les mesures catégorielles destinées à gagner des cœurs électoraux. En empilant les concessions nous perdons de vue le cap, celui de l’intérêt général de la France.
La grandeur de la France
Il est temps de renouer avec cet intérêt supérieur qui justifie tout engagement politique. S’il est vrai, comme l’écrit le général de Gaulle que « la difficulté attire l’homme de caractère, car c’est en l’étreignant qu’il se réalise lui-même », alors nous, les élus de terrain, ceux qui sommes au plus près des Français devons, au nom même des valeurs de la République, exiger que ceux qui aspirent à guider la nation soient irréprochables comme l’était le fondateur de la Ve République.
En définitive, la question est simple, voulons-nous provoquer les larmes de désespoir et de rage de nos compatriotes ? Ou alors, fidèles à notre histoire, saurons-nous nous souvenir qu’il n’y a point de France sans grandeur ? Une grandeur qui doit être, d’abord et avant toute chose, dans le cœur de ceux qui doivent servir notre nation afin de rester fidèles à son histoire et son destin.
Aujourd’hui, nous la cherchons chez ceux qui sollicitent la confiance des Français. Je ne l’ai pas trouvée et je ne puis me résoudre à voir la République mourir sous nos yeux sans en appeler, au sein de ma famille, à ce sursaut éthique qui nous permettra de transcender les « écuries » personnelles au nom de l’intérêt général, y compris au prix du retrait de certains.
Gaël Perdriau (Maire (LR) de Saint-Etienne et président de Saint-Etienne Métropole.
http://www.lemonde.fr/idees/article/201 ... _3232.html