Jpo a écrit :Je comprends que l'approche puisse déranger, ça a d'ailleurs été le cas pour moi un moment, mais je suis maintenant un fervent partisan des réunions en non-mixité à partir du moment où certaines personnes en expriment le besoin. Dans le cas des femmes par exemple, les réunions en non-mixité en ont fait bondir plus d'un, toujours paré des meilleurs intentions, mais le problème est ailleurs. Certaines femmes, ayant ou non subi des formes de harcèlement sexuel, ne se sentiront pas à l'aise pour prendre la parole si des hommes sont présents dans l'assemblée car la construction qu'elles ont subie depuis longtemps leur a fait intégrer le fait qu'elles étaient inférieures, qu'elles n'avaient pas leur mot à dire ou qu'il comptait moins que celui des hommes. Il est donc nécessaire de pouvoir proposer cette non-mixité afin que les personnes reprennent confiance avec leurs "semblables" sans la présence de "l'opresseur", qui l'est de par ce qu'il représente, sans l'être nécessairement lui-même.
Un exemple que je trouve parlant est celui de la création de SOS Racisme. L'association a été créée à la suite de la marche pour l'égalité et contre le racisme, marche initiée par des personnes qui ont subi directement ou indirectement des actes racistes. Cependant, dès la fin de la marche, ils ont été dépossédés de leur combat par la création de l'association (dont le slogan "Touche pas à mon pote" est parlant, puisqu'il s'agit du pote et pas de soi directement) par des personnes faisant partie des hautes sphères et n'ayant pas subi le problème elles-mêmes. Les marcheurs se sont donc trouvés relégués et n'ont plus eu leur mot à dire. On voit donc bien que la non-mixité permet aux personnes directement concernées de partager leurs expériences et de s'organiser sans que d'autres, aussi bien intentionnés soient-ils, ne viennent dénaturer un combat auquel ils ne sont pas nécessairement légitimes de se joindre.
En désaccord complet avec ce raisonnement.
D'abord, cette logique ne fait qu'attiser l'opposition et la division entre les différentes catégories. On est dans une société de plus en plus fragmentée, morcelée, et il faudrait attiser encore davantage les communautarismes ? De plus, tu admettras qu'il n'y pas de raison de se limiter à la non-mixité raciale ou sexuelle. Pourquoi ne pas faire des réunions non-mixtes entre timides, qui n'ont pas confiance en eux ? Entre roux qui ont subi les moqueries ? Entre obèses ? Tu vois ce que je veux dire ? A la limite qu'on le fasse en privé, si on veut, mais ça n'a rien à faire dans un cadre politique. Le projet c'est justement qu'on soit tous des semblables, pas qu'on se referme sur son petit groupe parce qu'on a peur de l'autre.
Ensuite, je pense que c'est totalement contre-productif comme approche. Je vais te donner un exemple. Il y a une femme, aujourd'hui décriée par les féministes, qui s'appelle Erin Pizzey. Ce n'est pas n'importe qui : c'est elle qui a fondé le premier refuge destiné aux femmes battues, donc je pense qu'on ne pourra pas l'accuser de misogynie. Elle explique aujourd'hui entre beaucoup d'autres choses que depuis ce temps, les refuges sont interdits à toute présence masculine (même les enfants mâles !) afin de sécuriser les femmes, mais que c'est désastreux car ça produit plus de méfiance, de marginalisation, de peur et de ressentiment vis à vis du sexe opposé. Si des hommes réglos et sains étaient là, à prendre soin d'elles, elles reprendraient confiance en l'autre sexe... mais il faut croire que ce n'est pas le but recherché. Le message envoyé par leur absence est : "ils sont méchants, tu vois que tu es bien mieux sans eux".
Si tu y réfléchis bien, c'est logique. Imagine que tu as passé ton enfance à te faire racketter par des arabes (exemple provoc, je sais

). Est-ce que tu vas faire des réunions réservées aux blancs pour reprendre confiance en toi ? Non. Si tu es un geek timide qui a été méprisé par les filles au lycée, tu vas faire une réunion réservée aux mecs ? Non plus. Quand tu as un complexe d'infériorité par rapport à une autre catégorie, il faut les confronter dans le but de normaliser tes rapports avec elle ! Ce n'est pas en te repliant avec tes "semblables" et en t'éloignant des autres que tu vas t'affirmer ou t'émanciper.
Moi je suis un putain d'arachnophobe maladif, et je suis certain qu'un voyage en Australie apaiserait bien plus ma phobie que n'importe quelle séance entre peureux, même si je flippe ma race rien que d'y penser...
Après, je te rejoins pour ce qui est de SOS Racisme, mais je trouve que ce n'est pas comparable avec ce dont on parle. On est juste dans le cas d'une association dont la direction se détourne de sa base ou de ceux qu'elle prétend défendre, ça n'a rien à voir avec la couleur de peau, on le voit absolument partout et même dans le monde syndical par exemple.
Bref, pour conclure : je n'adhérerai jamais à la logique binaire du dominant / dominé telle qu'on nous la présente. Dire qu'on se réunit entre "dominés" contre les "dominants", sur seule base du sexe ou de la couleur, c'est n'importe quoi. Ca veut dire qu'une bourgeoise peut accéder à la réunion pour se plaindre d'être dominée et en interdire l'entrée à un type SDF qui s'est fait taper par sa femme (oui ça existe), en l'accusant d'être un dominant ? Conneries. Ces initaitives ne font que diaboliser l'autre (l' "oppresseur"), exclure, simplifier et attiser la rancœur, le ressentiment. Il faut que les gens se RENCONTRENT, pas qu'ils se fuient. Il faut qu'ils parlent, s'unissent, échangent et se découvrent, au lieu de se diviser en gentils / méchants, dominants / dominés.