martien a écrit :Sauf que c'était une gauche très, très différente de celle d'aujourd'hui. Si un Jaurès revenait aujourd'hui, je pense qu'il pourrait y avoir quelque chose derrière lui, surtout vu la médiocrité des autres leaders de tous bords actuellement. A la limite, Mélenchon aurait presque eu le talent pour rameuter les classes populaires (acquises au FN ou à l'abstention) mais vous savez ce qui l'en empêchera toujours ? Le fait qu'il n'ait pas le courage de se débarrasser définitivement de l'"esprit gauchiste" qui gangrène la gauche depuis Marchais.
Qu'est ce que j'appelle l'esprit gauchiste ? Il ne faut surtout pas confondre avec l'esprit "de gauche", le socialisme de Jaurès ou du Front populaire.
En vrac, c'est :
1) la condescendance et le rejet à l'égard de tout ce qui est "ringard", "populo" et "beauf" : l'attachement à sa terre et à sa famille avant celui au monde, les traditions locales, le monde rural, les fans de Johnny, le chauvinisme populaire, etc. La gauche de canal+, des mondains et des universitaires, par ailleurs très compatible avec le capital...
2) le fanatisme idéologique sur le sujet de l'immigration et du multiculturalisme, et la non-prise en compte du sentiment d'abandon des classes populaires blanches, diabolisées, qui voient leurs quartiers totalement transformés culturellement et ethniquement, avec l'apparition de nouvelles tensions
3) l'obsession de tout déconstruire, alors que les "petites gens" sont pour beaucoup plus attachés aux repères que la petite-bourgeoisie urbaine
4) la culpabilisation incessante de l'homme blanc indépendamment de sa classe, qui est devenu le nouveau bourgeois à combattre dans le schéma néo-marxiste
5) les délires avec l'écriture inclusive, les 857 genres, les "parent 1 - parent 2", la PMA pour toutes et autres choses totalement étrangères aux classes populaires
6) le politiquement correct outrancier et moralisateur, lui aussi à l'opposé de l'esprit populaire (allez sur un chantier ou dans un PMU et vous verrez)
Etc, etc.
J'ai numéroté pour mieux pouvoir te répondre.
1) En quoi être condescendant avec ce qui est beauf est-il lié avec le fait d'être condescendant avec ce qui est populo ? Serais-tu en train de dire que ce qui est populo est beauf ? Bon, je te taquine, mais là où je veux en venir, c'est que je ne vais pas me mettre à épouser des valeurs de droite (chauvinisme, tout particulièrement, dans ta liste) parce qu'une partie des classes populaires les épouse. Je vais plutôt avoir tendance à essayer de convaincre que mon point de vue sur la question est pertinent plutôt que de rejeter mon propre avis pour plaire. Par ailleurs, je déteste l’idolâtrie, et tout particulièrement vis-à-vis d'un chanteur réac et ennemi de classe. Du coup, oui, ça m'agace quand des gens qui râlent sur leur sort (à raison) n'acceptent pas la moindre critique sur l'un de ceux qui les plume.
2) Là, je crois vraiment que tu inverses les rôles. Si nos adversaires politiques ne ramenaient pas toujours ça sur le tapis, nous ne serions pas obligés de rappeler, d'expliquer, etc. que c'est un faux problème, et nous pourrions directement en venir au fait. Le vrai problème, pour nous, c'est le capitalisme.
3) Pas grand chose à dire là-dessus. Je ne sais pas ce que tu entends par déconstruire.
4) Hehe, cf. point 2)
5) Bien sur, l'homosexualité et la parentalité ne sont que des délires bourgeois. Il n'y a aucune personne qui s'interroge sur son genre dans les classes populaires. Et bien sur, les distinctions genrées ne créent absolument aucun souci sur les familles populaires (spoiler : en fait si, ce sont le plus souvent les plus touchés).
6) Le politiquement correct, chacun le définit comme il veut, c'est une vaste hypocrisie. Pour moi, le politiquement correct, c'est ce que nous rabâchent les médias. Le libéralisme c'est cool, la libre circulation, c'est bien, sauf quand ce sont des hordes de réfugiés qui nous envahissent. Du coup, j'ai pas vraiment l'impression d'être un défenseur du politiquement correct
martien a écrit :Concrètement, prenons le cas de la France insoumise.
Mélenchon a réussi à colmater un peu ce gouffre entre la gauche radicale et les classes populaires durant la dernière campagne présidentielle, car il a justement su éviter ces bêtises et parler social, social, uniquement social. Avec même un fond patriotique et chauvin qui plait aux classes populaires.
Sauf que depuis, il est de nouveau rattrapé par le gauchisme de son parti, de son entourage : les Obono, Autain, etc. Les "nique la France", la "détestation des flics" (dont Pasolini disait qu'ils étaient bien plus prolétaires que les étudiants de 68), l'irrespect absolu envers toute forme d'identité française (entrer dans une basilique en hurlant pour demander la régularisation des sans-papiers, vous trouvez ça normal ? vous imaginez si ça avait été dans une mosquée ?), etc.
C'est uniquement à cause de ça que ce parti, qui avait un grand potentiel grâce à son leader, ne gagnera jamais rien. Et ça vaut pour la gauche en général tant qu'elle ne comprendra pas qu'elle ne pourra pas rassembler au delà de sa sociologie actuelle tant qu'elle ne reviendra pas à l'essentiel sur le fond, en se débarrassant ou du moins en arrêtant de mettre en avant ce qui divise, voire rebute le peuple hors de l'entre-soi des étudiants en sociologie.
Pas du tout d'accord. Bon déjà parce que Mélenchon et gauche radicale, ça me fait bien rire. Ensuite et surtout, parce que c'est tout simplement faux ce que tu dis. Sa campagne, c'était religion, laïcité (et pas à la sauce Valls), affaires étrangères, écologie... Il a également reglé ses comptes avec MLP un certain nombre de fois. Bien sur qu'il a parlé, aussi, de social. Mais pas plus que n'importe quel autre candidat de gauche ces dernières années (et bien moins que Poutou ou Arthaud sur cette même élection, par exemple).
D'ailleurs, si tu regardes un peu la carte de l'électorat Mélenchon, c'est un électorat extrêmement urbain. Si tu veux trouver un électorat de gauche au niveau de la ruralité, des banlieues populaires ou des anciens foyers ouvriers abandonnés, proportionnellement à son poids politique, le PCF y est bien plus performant.
Autre point avec lequel je suis en désaccord, c'est qu'on ne peut pas gagner en ne parlant que de social. Parce que bien que ce soit totalement instrumentalisé et faux, le FN est désormais perçu comme favorable aux classes populaires. Et lui est, c'est son ADN, très offensif sur les thèmes de culture, de civilisation et particulièrement sur l'immigration. Si on ne lui oppose pas une réponse sur ce front, nous ne pouvons que nous en retrouver affaibli. Après, il faut surement être meilleurs dans notre argumentation, dans nos explications, ça ne fait que peu de doute. Mais on ne peut pas laisser le champs du culturel et du civilisationnel à nos adversaires politiques. Parce que contrairement à ce que tu dis, ce n'est pas une lubie des "gauchistes". J'aurais même plutôt tendance à dire que c'est surtout une lubie de la droite radicale.
NB : Pour revenir sur le début de ton post, sur Lenin, et sur tes posts précédents, il est à noter la formidable capacité à mobiliser les masses et/ou à amener à soi les mobilisations existantes de la part d'une élite intellectuelle bourgeoise.