Avant l'important conseil d'administration de cet après-midi, Bernard Caïazzo s'est confié à France-Football. Morceaux choisis.

"Nous avions décidé, Roland et moi, de confier les clés du club à un trio de direction Tong-Cuong-Comolli-Perrin qui avait les pleins pouvoirs. Nous ne pouvons que constater les dégâts. Les résultats ne sont pas là mais c'est aussi une question de forme. Lorsque je fais des suggestions en matière de recutement, par exemple, on a le droit de ne pas m'écouter mais on a le devoir de ne pas se tromper (...). Au bout d'un moment, j'ai eu la désagréable impression que l'esprit de contradiction était poussé à un point tel qu'ils avaient décidé de faire l'inverse de ce que je leur conseillais.

Nous avions donné mandat à la direction du club afin de rester en retrait dans notre rôle d'actionnaires. Mais, à un moment donné, que voulez-vous, c'est peut-être dans la nature humaine, elle s'est dit : je dirige, donc j'ai l'autorité, donc je fais ce que je veux (...) A la fin ça suffit ! Ils ont sans doute oublié qui les avait fait rois.

Je pense que la notion de club n'a pas été respectée. Pour diriger, il faut de l'ouverture d'esprit, du sens du partage, du dialogue. Je n'ai ressenti que du blocage et de la fermeture. Petit à petit, la situation s'est dégradée avec des marques d'indifférence de plus en plus importantes à notre égard : moins de considération, moins de respect. Comme si Roland et moi étions les deux couillons de service, qui avaient fait leur fortune ailleurs. Sauf que ce n'est pas comme ça ! La compéténce pure n'est rien sans le coeur.

Si on refuse aux anciens le pouvoir de s'exprimer, si on interdit aux médias le droit à la critique et si on reproche aux supporters l'expression de leur souffrance, et bien, on adopte une position de repli et de vengeance ! Et c'est tout le contraire des valeurs que Saint-Etienne doit véhiculer ! Ce système a vécu. Je crois que le duo formé par Vincent et Damien a adopté une démarche clanique et qu'il n'était pas complémentaire (...). C'est le sempiternel problème de l'égo. Regardez l'équipe de France, ce sont les mêmes symptômes ! Conséquence, elle n'arrive pas à mobiliser autour d'elle.

Les actionnaires ont décidé de reprendre la gouvernance qu'ils avaient concédée. Nous nous dirigeons vers un nouvel organigramme : un conseil de surveillance que je présiderai et un directoire dont le patron sera Roland. C'est Roland qui pilotera le sportif, il sera dans l'opérationnel, dans la gestion quotidienne. Je m'occuperai davantage des missions de développement et de la stratégie générale.

L'urgence, c'est de faire l'inventaire de la situation, de tirer toutes les conséquences de notre préparation physique catastrophique et d'insuffler une nouvelle dynamique. Christophe Galtier est un gars bien, droit, courageux et travailleur. Mais mon interrogation concerne son expérience. Etre numéro deux ou un, ce n'est pas du tout la même chose. Quelles sont nos certitudes ? Il y a une opération chirurgicale à réaliser, elle n'est pas facile, et c'est de votre fils dont il s'agit... Maintenant, s'il est en empathie avc le groupe pro, ça pourrait être un élément déterminant. Roland va pouvoir bientôt en juger.

Alain Perrin avait "décroché" pour des raisons que je ne m'explique pas.  En fait, je crois qu'il n'était plus "dans le match", peut-être n'avait-il plus la même motivation. Avec le cumul de toutes ses indemnités depuis quelques années, qui doivent avoisiner les 10 M€, on peut s'interroger sur son envie... Il me semble que ses aspirations le poussent à être davantage dans l'analyse et l'observation du football, dans un rôle de consultant télé.

Pour sortir Saint-Etienne de l'ornière, nous avons besoin d'un dynamiteur, d'un chef de commando. Après le derby, nous sommes rentrés ensemble avec Luis en voiture à Paris. Les cinq heures de discussion m'ont permis de constater qu'il avait mûri, qu'il avait une bonne capacité d'analyse et qu'il était beaucoup moins impulsif que par le passé. J'ai toujours pensé à lui, c'est exact. Je ne suis pas le seul décisionnaire. Pourquoi aurais-je obligatoirement raison ? Il faut être humble et écouter les hommes de terrain. C'est à Roland de déterminer, auprès de Galtier et du groupe de joueurs, ce qu'il y a lieu de faire. Il défend lui aussi les intérêts du club et, en tant que président du directoire, ce sera à lui de choisir les hommes. Nous allons très probablement repartir avec Galtier, et les faits nous diront rapidement si nous avons eu raison ou non. Il aura sa chance, à lui de la saisir.

Nous avons commis des erreurs, sans doute. Je crois que nous sommes des personnes trop gentilles, qui ont eu tendance à trop faire confiance et trop largement. D'où l'énorme frustration que je ressens. Voyez-vous, il vaut mieux mourir avec ses idées plutôt qu'avec celle des autres, surtout lorsque c'est son propre argent qui est engagé. Je vis la pire période de ma vie de dirigeant. Nous serons au taquet car je ne suis pas dans la béatitude et très conscient des réalités. L'heure est à la mobilisation générale, au rassemblement et à l'unité de toutes les entités du club, y compris les supporters. Notre opération commando commence dès ce mardi."