Toujours en quête d'automatismes et de rythme, les Verts n'ont pas réussi leur début de saison à domicile, terminant à égalité contre un promu. 


Ne pas gagner à Geoffroy-Guichard, surtout contre un adversaire supposé facile, représente une contre-performance pour l'ASSE. Mais ce n'est pas non plus une catastrophe, et en aucun cas ça ne justifie des sifflets contre les joueurs. Surtout que les Stéphanois ont un peu l'habitude des mois d'août avec des matchs nuls contre les petites équipes...

Pour revenir aux causes de ce demi-échec, elles sont multiples. La chaleur et la condition physique, selon M'Vila ("la chaleur était étouffante aujourd’hui, vraiment. Je pense aussi que toute l’équipe n’est pas encore prête physiquement"). Des problèmes tactiques dans l'animation offensive selon Perrin ("il manque du liant mais il y a eu de bonnes choses") ou dans le bloc défensif après la blessure d'Aholou selon Printant ("la sortie de Jean-Eudes a peut-être déréglé la machine et Brest a profité de ce trou d’air pour ouvrir le score. C’est dommage car, en première période, notre pressing haut les avait empêchés de sortir de leur camp").

Regardons tout ceci de plus près.

1MT : Attaque stérile, défense déréglée

 
Après quelques minutes de tâtonnement, les Verts ont mis le pied sur le ballon et ont commencé à poser le jeu, construire patiemment leurs attaques à base de beaucoup de passes échangées dans leur moitié avant d'accélérer le jeu. Par exemple, à la 13e minute, le bloc stéphanois est en place dans l'habituel 4-4-2...


...  et une mauvaise passe adverse permet la récupération du ballon. Perrin le passe à gauche à Trauco, qui le donne à M'Vila...


... qui combine avec Jean-Eudes Aholou, qui joue en arrière avec son capitaine. M'Vila reprend sa place à gauche des défenseurs centraux et les circuits de passe continuent sans créer des décalages :


Tout ce temps est passé pour préparer l'attaque, c'est-à-dire permettre aux autres joueurs de se positionner - sur l'image suivante on voit mieux le placement des Stéphanois :


Khazri en avant-centre, Boudebouz en soutien entre les lignes. Bouanga reste un ailier excentré, pendant que Hamouma est très axial, un deuxième "10". Les couloirs sont pour Debuchy et Trauco, ce qui fait que c'est la responsabilité des 4 autres joueurs de passer le premier rideau défensif adverse. Pour le faire, il faut de la présence entre la ligne des attaquants et celle des milieux (dans le rond central sur cette image). Et tout d'un coup, après 30 secondes de préparation, les mouvements arrivent :


Boudebouz décroche pour offrir une solution à M'Vila, Aholou monte d'un cran pour se placer entre ces deux lignes et Hamouma, resté entre les deux autres lignes, profite de l'appel de Boudebouz pour offrir un angle de passe. M'Vila trouve Aholou, qui s'appuie sur Hamouma pour un une-deux qui l'amène devant la défense :


Khazri avait aussi décroché, il n'offre pas une solution comme un vrai avant-centre, mais il y a un énorme décalage à droite. Bouanga est servi, le dédoublement de Debuchy n'est pas utilisé, il préfère tirer - le tir passe au dessus et dans tous les cas il avait été signalé hors-jeu. Cette action est représentative du jeu de passe d'Aholou - il a effectué 5 passes, dont 3 vers l'arrière. Jusqu'à sa sortie, seulement un tiers de ses passes ont été vers l'avant.


Possession du ballon, attaques construites, décalages créés, mais pas de vraie occasion dans le jeu pour les Verts (bien plus dangereux sur coup de pied arrêté). C'est ainsi qu'on peut résumer la première demi-heure du match, avec un élément supplémentaire à leur palette, le pressing haut mentionné par Ghislain Printant :


Un positionnement très haut de la ligne des milieux a souvent empêché la relance brestoise. La suite de la capture d'écran ci-dessus est un long dégagement d'un défenseur breton, sans autres options. Duel aérien gagné par Debuchy, mais ensuite ballon perdu par Boudebouz. Même pressing haut, même dégagement lointain, ballon facilement récupéré par Moukoudi et nouvelle attaque construite calmement.


C'était clairement le plan de jeu stéphanois pour cette rencontre : empêcher l'adversaire de jouer, construire avec patience et une faille finira par être trouvée. Sauf qu'un fait de jeu est venu contrarier ce plan : la sortie sur blessure d'Aholou, remplacé poste pour poste par Zaydou Youssouf. Tout a changé, soudainement : de 55% de possession jusqu'à là, les Verts sont passés à 33% le reste de la première période. Ils ont concédé des grosses occasions et ont fini par craquer dans le temps additionnel :


Ça part d'une attaque placée brestoise, le ballon circule en défense, le latéral droit est très haut et il y a un joueur derrière le premier rideau stéphanois. Quand ce milieu est recherché par une passe...


... Youssouf se jette sur lui, quittant sa zone. Cet espace libéré profite à un autre milieu, qui est facilement trouvé et qui a le temps d'orienter le jeu vers la droite, où 3 de ses coéquipiers s'y trouvent. Mieux, il se projette ensuite dans le dos des milieux stéphanois...


... et peut ainsi orienter parfaitement le jeu, vers ses 3 attaquants. Ils sont heureusement hors-jeu, alors il joue en arrière vers le rond central, où le retour de Boudebouz empêche le milieu adverse de continuer l'action. Le ballon est quand-même récupéré par les Bretons, qui jouent d'abord à gauche, avant de revenir en arrière 20 secondes plus tard :


Cette longue possession a fait un peu courir les joueurs de l'ASSE, qui ont changé de place, Khazri étant maintenant à droite, Hamouma à gauche et Boudebouz avant-centre. Mais le bloc en 4-4-2 est toujours bien en place...


... jusqu'au sprint d'Hamouma, qui quitte soudainement l'alignement pour presser sur un défenseur - malheureusement pour lui, le gardien décide de jouer dans son dos, avec le latéral droit, resté haut. Ceci aurait pu être sans incidence pour les Verts, s'il n'y avait pas une forte concentration de joueurs adverses dans cette zone du terrain :


4 défenseurs pour 5 adversaires (il y a un ailier tout en bas de l'écran), des projections et deux passes vers l'avant transforment cette sortie non couverte d'Hamouma dans une véritable occasion pour Brest :


Au moment du centre il y a un attaquant complètement libre au 2e poteau, mais le choix est pour une passe en retrait, pour le même latéral droit qui avait suivi et qui ouvre le score, juste avant la pause.


2MT : Une animation offensive particulière

 
Les Stéphanois ont remis le pied sur le ballon après la pause (60% de possession) et ont recommencé à construire leurs attaques de la même manière. Une différence est cependant visible dans le jeu du compère de M'Vila : là où Aholou avait fait 2 passes sur 3 en arrière (mais avec un gros taux de réussite - 95%), son remplaçant Youssouf a eu la moitié de ses passes vers l'avant (en ratant néanmoins plus, 77%). Et même s'il y a eu de plus en plus d'intensité et des appels, certains maux aperçus en 1e période ont été visibles lors de la 2e, notamment au milieu du terrain (défensivement et offensivement).

A la 47e minute, une relance bretonne doit trouver comment passer le bloc haut stéphanois, ici en 4-1-4-1 :


Le problème est résolu par les milieux de l'ASSE, qui sont facilement aspirés. D'abord Youssouf par un des milieux centraux, puis M'Vila par un autre :


Et comme Debuchy avait suivi son ailier, qui décrochait, et Youssouf n'a pas suivi son adversaire direct, qui se projette, un décalage est fait de la plus simple des manières :


Le milieu brestois monte balle au pied et s'appuie sur son avant-centre qui lance en profondeur l'ailier gauche, dans le dos d'un Debuchy trop haut lui aussi. Et dans quelques passes et courses verticales le Stade Brestois traverse tout le terrain - heureusement le centre est dégagé par la défense.


Quelques minutes plus tard, c'est au tour des Verts de construire une attaque en partant de Ruffier...


... qui joue avec Perrin, qui s'appuie sur son milieu du terrain. Il n'y a pas de pressing, les Stéphanois prennent leur temps pour combiner dans leur moitié :


Moukoudi, Debuchy et Youssouf se passent le ballon à droite, sans être embêtés par leurs adversaires, mais sans passer la ligne médiane non plus. Le bloc adverse en 4-4-2 est bien visible, Hamouma et Boudebouz se trouvent entre les lignes de 4 sur le même côté droit et M'Vila au niveau de la défense. Il n'y a donc personne pour réclamer le ballon devant les milieux brestois...


... donc Youssouf joue en arrière avec Moukoudi (qui échange toujours des passes avec Debuchy) avant de s'y placer lui-même. Le ballon arrive à Perrin...


... et il faut lui offrir une solution de passe pour passer le premier rideau défensif. Comme aucun des 4 offensifs ne décroche et comme M'Vila ne monte pas, c'est Trauco, le latéral, qui s'y colle. Il est servi et a le temps de se retourner et orienter, comme un vrai milieu qui organise le jeu :

 
Aucun mouvement proposé par Khazri, Boudebouz ou Hamouma, mais Bouanga est disponible à gauche, ce qui explique aussi le positionnement de Trauco : entre M'Vila défenseur gauche et Bouanga collé à la ligne de touche, sa seule place était vers l'axe. Livré à lui-même, Bouanga élimine deux défenseurs, repique dans l'axe et sa frappe enroulée passe de justesse à côté du poteau.


Après avoir été obligé d'effectuer un premier changement en 1MT par la blessure d'Aholou, le staff stéphanois a choisi d'attendre l'heure de jeu pour apporter de la fraîcheur en attaque. Beric est entré à la place de Hamouma...


... ce qui a poussé Boudebouz s'excentrer à droite, Khazri restant axial. Et à un quart d'heure de la fin, Nordin a remplacé ce dernier, ce qui a permis à Boudebouz de reprendre une place en soutien de l'avant-centre :



Si Beric n'a eu aucune influence sur le jeu (4 ballons touchés lors des 25 minutes jouées), Nordin a eu une réelle contribution aux efforts stéphanois de revenir au score. A la 82e Youssouf récupère un ballon mal dosé par les attaquants adverses et Nordin se projette immédiatement en attaque :


Youssouf porte un peu le ballon et lance ensuite son ailier à gauche :


Nordin avance dans son couloir et cherche une solution, mais les 4 offensifs stéphanois sont seuls contre les deux lignes de 4 adverses. Il essaye de passer entre deux Brestois, mais perd le ballon. Les Bretons essayent de sortir proprement, puis avec un long ballon...


... récupéré en deux temps par Perrin. La balle arrive à Youssouf, qui écarte à droite avec Debuchy et les Verts construisent une nouvelle attaque :


C'est Debuchy qui se trouve en position de maître à jouer et il a la chance d'avoir deux coéquipiers accessibles, devant les milieux adverses, pas cachés derrière. Il s'appuie d'abord sur Bouanga, puis sur Youssouf, ce qui permet à M'Vila de s'avancer pour proposer une solution plus haut que d'habitude :

 
Brest a fait le choix de défendre bas, avec une forte densité dans l'axe (il y a 5 joueurs dans le rideau des milieux en ce moment). Le salut peut venir seulement par les côtés, notamment à gauche, où se trouvent Nordin et Boudebouz. Le premier est trouvé par M'Vila...
 
 
... et comme le deuxième s'efface, il part de nouveau dans un raid solitaire dans son couloir, contre deux adversaires. Sauf que cette fois-ci il y arrive et centre au 2e poteau, où Bouanga profite d'un mauvais contrôle d'un défenseur, puis d'un rebond favorable, pour égaliser.

Avec un peu de réussite, après avoir misé sur les exploits des ailiers et avoir fait appel à des latéraux comme dépositaires du jeu, les Verts ont réussi à éviter une défaite à domicile. 


Conclusions

 
Le trio du milieu manque clairement d'automatismes, l'avant-centre titulaire n'est pas au top physiquement et le couloir gauche est complètement nouveau et se cherche encore. L'animation offensive se veut similaire à celle d'avant, mais les recrues n'y se sont pas encore greffées : Boudebouz joue moins en 8 que Cabella, Bouanga reste trop collé à la ligne de touche, la qualité de passe vers l'avant de Selnaes n'a pas été remplacée. Bref, les Verts ne sont pas encore prêts et il faut avoir de la patience. Les résultats seront en dents de scie en attendant - parfois ça passera (comme à Dijon), parfois moins. Les deux prochains matchs permettront de mieux jauger les progrès effectués entre temps, surtout contre des adversaires d'un niveau théoriquement supérieur.