Edith, comme tous les supporters des Verts ne piaffe plus d’impatience avant un Marseille-Sainté qui reste pourtant le seul et unique clasico du championnat. Cent fois j’ai voulu dire Pourquoi chante la môme, étourdie et désemparée de n’être comme la foule verte plus emportée, plus épanouie, plus enivrée, plus heureuse…Alors qu’on joue le top 5 depuis des mois, il est où le problème ?


Dimanche soir j’étais dans cet état d’esprit, à tourner et retourner dans ma tête les mêmes interrogations. Celles du sup vert qui voit son équipe buter systématiquement sur les mêmes obstacles, au point de ne plus aborder ces matchs avec la moindre excitation.
Cette pénible impression, cette terrible certitude qu’on n’aura aucune surprise heureuse avec nos Verts agit comme un tue-l’amour des plus efficaces. Aborder un déplacement à Marseille en étant convaincu qu’il n’y a rien à en attendre doit certes peut-être un peu à la force de l’habitude, bien ancrée en nous par 40 ans de voyages infructueux. Mais pas que… Un cocktail indigeste en est la cause :


Rythme de sénateurs

Le profil de l’équipe voulue par JLG génère depuis le début de saison cette sensation d’incapacité absolue à hausser le rythme, à mettre de la vitesse dans le jeu, à bousculer un adversaire qui nous est techniquement supérieur. La lenteur est probablement la caractéristique individuelle la mieux partagée par tous les joueurs de l’effectif. Et comme dimanche naît trop souvent, lors de nos défaites, ce sentiment, alors qu’il reste vingt ou trente minutes, qu’on ne saura pas bousculer l’adversaire qui, docilement, accepte de nous laisser la possession de balle, sachant qu’il ne sera pas malmené. Notre stérilité est une fatalité, à laquelle seul un joli coup de patte ou du sort nous aiderait à échapper.
On aimerait croire encore notre équipe capable de renverser la table, en mesure de nous faire vibrer enfin, de nous faire vivre, soyons fous, un de ces matchs dont on parlera encore dans dix piges avec des yohan trémolos dans la voix. Même si c’est pas sûr, c’est quand même peut-être chantait Brel, qui se forçait à croire qu’avec Frida, sur un malentendu… Mais on n’en est même plus là à se forcer à croire. L’enchaînement Paris - Dijon - Marseille est une parfaite illustration de ce que produisent les Verts depuis trop longtemps : des victoires sans brio contre les petits, des défaites sans panache contre les plus gros, et une incapacité chronique à passer à 120%, à se dépasser quand l’adversaire et le contexte le nécessitent, à sortir LE match qui nous ferait basculer dans une nouvelle dimension.
Depuis quand n’a-t-on plus eu cette délicieuse impression qu’on étouffe l’adversaire, et que ce n’est qu’une question de minutes avant qu’il craque ? Qui n’a pas désespéré dimanche, alors que le temps pressait, en voyant ce festival de passes en retrait et de ballons balancés en touche face au pressing des attaquants adverses, là, où d’autres équipes de notre standing, menées sur le même score, auraient au moins eu le talent d’ho-hisse acculer Marseille sur ses buts ?
Non contents de ne pas savoir l’accélérer, nos joueurs peinent également à casser le rythme, en harcelant les milieux adverses, en ne les laissant pas respirer, comme avait su si bien le faire la triplette Clément-Lemoine-Cohade par exemple lors du derby victorieux à Gerland 2-1. Nous ne faisons pas la loi au milieu, qu’on abandonne trop souvent, non par manque de talent individuel, celui de M’Vila, comme celui de Bennasser étant incontestable, mais parce que ce n’est pas leur profil technique et physique, et qu’ils sont trop souvent en sous-nombre.
Notre équipe est vieillissante. Loin de moi l’idée de verser dans le jeunisme, et de jeter le bébé avec l’eau du bain, car notre cinquième place témoigne de l’intérêt de combiner expérience, maîtrise technique et intelligence de jeu.
Mais ce train de sénateurs nous condamne hélas à dérailler dès lors que le niveau de l’opposition s’élève.


Pari perdu

Ils ne nous ont pas pris en traître, non, et il faut avoir l’honnêteté d’admettre que sur le papier cette stratégie remportait l’adhésion de tous l’été dernier. Enfin, Sainté mettait un terme à l’empilement de joueurs moyens, pour lui préférer un effectif resserré à base de joueurs à valeur ajoutée et de jeunes qui-n’en-veulent. On a tous signé pour. Si si, vérifiez, vous avez signé, mais vous n’avez pas lu l’astérisque et péril qui stipulait écrémé qu’en cas de coups durs on aurait des coups de mou. Les ligaments et tendons rompent, les mollets mollissent, les chevilles vrillent, et le bât blesse, c’est fatal.
Et le pari est tragique, car les cuisses rompent sur les ailes exclusivement en ce moment, et coquin de sort, c’était LE secteur où on avait décidé dès août de s’alléger plus que de raison. Et le Père Noël, qui est notoirement une ordure, nous ayant snobé, nous v’là au bout du rouleau et condamnés à appeler SOS détresse pour se plaindre d’un effectif dont chacun sait depuis l’été et les départs cumulés (RPG, Janko, Katranis, KTC, Hernani, Maïga, Pajot) que sur les bords et au milieu c’est vrai que ça craint un peu.
Même piteusement délesté des coupes, notre effectif est un peu court jeune homme pour franchir le pic, le cap, la péninsule qui conduit au podium. Il semble d’autant plus court que les jeunes hommes en question ne sont pas légion, c’est ballot, en particulier dans les secteurs fragilisés. Devant on a du Nordin, du Gueye ou du Vagner mais c’est notre secteur le plus fourni au point qu’on a demandé au dernier avant d’envahir la Pologne de faire une halte à Nancy. Mais derrière ?? Accepter de démarrer une saison avec si peu de pros confirmés suppose, ou aurait dû supposer, qu’on valide auparavant que les jeunes pousses poussent. Mais en dehors de Saliba qui, inexplicablement, tâte du banc depuis quelques temps, qui chez nos jeunes a le potentiel pour dépanner derrière ? Et pourquoi, alors que Diousse a été envoyé au Chievo faire l’âne n’a-t-on pas conservé le prometteur Camara dans un secteur sinistré avec le départ de Selnaes ? Pourquoi malgré les belles paroles de l’été au sujet des jeunes a-t-on ce sentiment que Saliba nous fera prochainement une Bamba, et que malgré les résolutions d’hier les chosent restent désespérément en l’état à l’Etrat ?
Des cadres trop souvent blessés et des jeunes à qui on peine à faire confiance, c’est la recette parfaite d’un pari perdu.


Esprit, es-tu las ?

A défaut d’avoir bon genou ou bon pied, ils ont cela dit bon dos nos blessés. KMP fait certes la saison de sa vie, et il était incontestablement depuis deux mois le meilleur Vert. Quant à Gaby Silva, sans être beau comme un pétard qui n’attend plus qu’une allumette, il était un titulaire très convenable à gauche.
N’empêche qu’au vu des CV qui composent l’équipe, si on nous avait dit en début de saison, qu’on allait devoir démarrer certains matchs sans ces deux-là, on n’y aurait pas forcément trouvé matière à taper dans la boîte de Prozac et se repasser le mal de vivre pour dire notre barba’ras le bol.
Même sans eux, y a de l’expérience et du galon sur le pré. De l’ex-international en puissance qui devrait nous garantir une place dans le top 5.
Mais d’où vient ce désagréable pressentiment que tout pourrait partir en sucette sans anis, que la saison pourrait finir en queue de poisson, que de troisième en janvier à cinquième en mars, on pourrait bien finir septième en mai dans le respect d’une série aussi pathétique qu’arithmétique de raison – 2 ?
Peut-être vient-il de simplement de ce constat que depuis ce terrible derby on cherche en vain la moindre trace de supplément d’âme dans les copies rendues par nos Verts. Tout dans notre équipe suinte l’aquoibonisme, transpire l’abandon, sent la résignation. Des déclarations agacées de M’Vila aux propos désenchantés de Debuchy, des replacements en marchant de Hamouma, aux cartons à répétition de Khazri, des matchs insipides de Cabella aux entêtements tactiques de JLG, ça respire nettement plus l’abattement ou la colère que la sérénité, l'acceptation de l'échec que la reprise en mains.
Gasset est agacé, Paquet prépare ses paquets, Roro est dépressif, Bozzo a le SMS compulsif, comment dès lors imaginer que ce bateau ivre qu’est Sainté survive à la tempête et finisse par accoster sur un rivage européen en mai prochain ?
Quand le kop est fermé un match sur deux, quand la VAR nous plombe dans les mêmes proportions, quand les blessés s’accumulent et qu’en résumé tout se Ligue (qu’on adule) contre nous et que face à tous ces vents contraires, aucune unité interne ne se dégage pour souffler celui de la révolte, alors il faut une bonne dose d’inconscience ou de foi aveugle pour imaginer nous voir vibrer et nous entendre entonner fièrement Saint-Etienne, Coupe d’Europe ! le 25 mai à Angers…

Putain d’ultime supplice que de se retrouver déprimé au soir d’un match dont on n’osait pourtant plus rien attendre.
Et dire que Galette s’avance dimanche dans un cruel costume de fossoyeur de nos dernières illusions.

Pas d’âme, pas d’âme…