Avant d'assister au match qui opposera ses deux anciens clubs ce dimanche à Troyes, Alex Di Rocco a replongé avec nous dans ses vertes années.


Quand t’étais à Saint-Dié, tu rêvais de Sainté ?
Fouilla, tu fais appel à des souvenirs qui sont vieux ! Je n’en rêvais pas forcément, encore que… Je suis un peu trop jeune pour avoir connu l’épopée des Verts, j’avais cinq ans lors de la finale à Glasgow. Mais j’aimais bien Rocheteau et Platini. J’étais fan également de Maradona. Mais en fait j’étais davantage attaché aux joueurs qu’aux clubs qu’ils représentaient.

Avant de jouer pour l’ASSE, tu as marqué deux buts contre les Verts. Tu t’en souviens ?
J’ai marqué avec Troyes lors de la première journée de la saison 1996-1997. On venait de monter en D2 et Sainté venait de descendre. On était entraîné par Alain Perrin et Grégory Coupet était encore le gardien des Verts à l’époque. Mon but nous avait permis de prendre l’avantage mais les Stéphanois avaient égalisé en fin de match. Je me souviens que les grillages qui avaient été mis en urgence étaient tombés lorsque les Verts avaient ouvert le score.

 

 

Le match s’était achevé sur un match nul 2-2 mais j’avais pris un carton rouge lors de mon dernier match avec Amiens l’année d’avant, je l’avais pris en réserve. Le carton était fédé alors que la L2 était Ligue, du coup Troyes pensait que je n’étais pas suspendu mais il s’est avéré que je l’étais. On a perdu le match sur tapis vert. Par contre je ne me souviens pas du second but que j’ai marqué contre Sainté, tu peux me rafraîchir la mémoire ?

Avec Sedan, lors de la dernière journée de la saison 1998-1999…
Ah oui, ça me revient. Les Verts étaient venus un peu en touristes à Dugauguez, ils étaient déjà assurés d’être champions de D2. Je crois qu’ils s’étaient baladés toute la journée à Reims. Quelques minutes après mon entrée en jeu, j’avais trompé Jérémie Janot. On avait gagné 3-0 et fait une belle fête car nous aussi on montait en L1. La saison suivante d’ailleurs, on a battu deux fois les Verts. Mais je n’ai pas joué à l’aller et je n’ai pas marqué au retour à Geoffroy.

 

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Le pire c’est que la saison d’après les Sangliers ont encore pris six points aux Verts !
Effectivement. J’étais encore sedanais et sur le banc à l’aller mais titulaire et stéphanois au retour.

Peux-tu nous rappeler les circonstances de ton transfert au mercato hivernal ?
Je n’étais pas en phase avec l’entraîneur sedanais de l’époque, qui était Alex Dupont. J’avais 30 ans, c’était le moment pour moi de voir ailleurs. Mais Sedan voulait un transfert, à cet âge-là c’était compliqué. J’avais été prêté en Ecosse pour essayer de finir dans les six premiers avec Aberdeen. Mais au nouvel an on a fini septième, le challenge des plays-offs était perdu. Le club ne pouvait pas m’acheter donc je suis revenu à Sedan. Deux clubs m’ont alors sollicité : Strasbourg et Saint-Etienne. Comme il y avait la problématique des faux passeports, Sainté cherchait en urgence des attaquants pour pallier les suspensions d’Alex et Aloisio. Deux jours après être rentré d’Ecosse, je suis parti chez les Verts. Quand t’es sollicité par l’ASSE, tu ne te poses pas trop de questions. Même si Strasbourg est un club qui compte quand on vient de l’Est comme moi, il n’y avait pas photo, j’ai choisi Saint-Etienne. Je crois que l’ancien Vert Michel Rouquette, à l’époque très proche du président de Sedan, a facilité ma venue dans le Forez car il avait de très bonnes relations avec l’ASSE.

Tu n’as pas hésité à rejoindre l’ASSE malgré l’affaire des faux passeports ?
Non. Quand les Verts te sollicitent alors que tu viens de Sedan via Aberdeen, tu ne fais pas la fine bouche. De toute façon, Saint-Etienne, ça ne se refuse pas ! J’étais au courant de l’affaire des faux passeports, je savais qu’on me recrutait pour dépanner vu la situation d’Alex et Aloisio. Mais c’était un beau défi à relever pour moi et une sacrée opportunité de rejoindre un grand club comme l’ASSE. L’affaire des faux passeports a un peu plombé la saison mais c’est un facteur parmi d’autres. Il y a eu pas mal de soucis à tous les niveaux du club, dirigeants, entraîneurs et joueurs. Quand un club descend, y’a souvent de nombreuses raisons. Le fait qu’on nous ait retiré des points n’a pas facilité les choses, tant comptablement que moralement. Mais il y a eu d’autres soucis, à commencer par l’ambiguïté des deux entraîneurs. Rudi Garcia et Jean-Guy Wallemme n’étaient pas sur la même longueur d’onde. Quand tu t’interroges sur qui décide, qui décide, qui commande, ce n’est jamais bon. C’est comme quand il y a deux présidents, c’est compliqué. Il faut vraiment que les deux travaillent main dans la main, ce qui est le cas aujourd’hui à Saint-Etienne entre Roland Romeyer et Bernard Caïazzo. Quand il y a deux entraîneurs, c’est encore plus délicat car ça touche directement au sportif. Chacun a sa sensibilité. Celui qui ne joue pas va se plaindre auprès de l’autre. Ce n’est pas très sain. Rudi démarrait, Jean-Guy était joueur, ils formaient un attelage brinqueballant et inexpérimenté. Ce n’était pas facile à gérer au quotidien. Comme par ailleurs il y avait pléthore de joueurs qui manquaient de complémentarité les uns avec les autres. Si tu rajoutes à ça la pression mise par le club et les supporters inhérente à tous les grands clubs, ça devenait compliqué d’enrayer la chute…

Si je te dis 42, tu réponds quoi ?
La Loire !

Mais encore ?
Heu, Saint-Etienne. J’ai bon ? (rires)

Oui mais 42, c’est aussi le nombre de matches que t’as joué sous le maillot vert. T’as fait exprès ?
Ah je l’ignorais, c’est une belle coïncidence. C’est un pur hasard ! Je ne calcule pas mes apparitions en fonctions du numéro du département. Sinon, j’aurais vraiment très peu joué à Sedan et à Troyes... et j’aurais beaucoup joué à Amiens ! (rires)

T’as marqué 12 buts sous le maillot vert, soit trois de plus que tes anciens coéquipiers Kuzba, Rodrigao, Panov et Pouget réunis. Et t’as un meilleur ratio but/match que José Aloisio. Ça t’inspire quoi ?
Rien de particulier ! (rires) Mes stats sont correctes mais y’a pas de quoi s’enflammer. A Saint-Etienne, j’étais déjà sur une fin de parcours professionnel. Quand je suis arrivé en Ligue 1, je n’étais pas forcément dans les meilleures conditions physiques ni mentales pour essayer d’être plus performant que je ne l’ai été. Avec tous les problèmes qu’il y avait eu, ce n’était pas l’idéal pour pouvoir tirer son épingle du jeu, d’autant plus qu’individuellement j’avais besoin d’un collectif sur lequel m’appuyer. Il ne t’aura pas échappé que n’avais pas les capacités d’un Neymar ou d’un Maradona, j’avais besoin des autres pour m’exprimer. Mes cinq premiers mois à Sainté ont été difficiles mais la saison d’après en Ligue 2 a été tout aussi compliquée. Mais ce qui est surprenant avec les Verts, et je crois que tous les anciens le diront, que ce soit dans les bons où les mauvais moments, on reste marqué à vie par ce club. Sur le moment on ne s’en rend pas compte, mais longtemps après on réalise. Quand on passe à Lyon, on dit « tiens, si on allait à Saint-Etienne ». On croise partout des supporters qui vous rappellent tel ou tel match. On parle tout le temps des Verts.

Te souviens-tu de tes débuts en vert ?
Je me souviens que j’étais à la rue physiquement car je sortais de quatre mois intenses en Ecosse avec des matches tous les trois jours sans trêve car là-bas ils jouent même pendant les fêtes de fin d’année. Tu te retrouves à Saint-Etienne dans une équipe en difficulté, qu’il faut essayer de relever. Je me rendais bien compte que je n’avais pas le physique, le mental et les qualités pour apporter de suite à ma nouvelle équipe. J’aurais eu besoin d’un ou deux mois pour me mettre dans le bain mais quand t’arrives au mercato d’hiver, il faut que tu sois tout de suite opérationnel et à fond. J’ai joué seulement six matches de championnat plus deux ou trois matches de Coupe lors de mes cinq premiers mois en vert. Le temps que je retrouve la plénitude de mes capacités, Alex et Aloisio étaient revenus donc j’ai eu très peu joué. On va dire que ça c’est mal goupillé, mentalement c’était compliqué.

Te rappelles-tu ton premier match en vert ?
Oui, c’était un match d’hommes en Corse. En coupe de France, une victoire dans la douleur contre le Gazelec Ajaccio. J’avais fini le match avec le nez explosé et un œil au beurre noir. J’avais tiré sur le poteau lors de la prolongation. 

 

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Ton premier but en vert ?
A Geoffroy-Guichard, contre Strasbourg. Sur une passe de Pape Sarr, j’avais marqué le but du 3-3.

 



Ton deuxième but en vert ?
Tu me poses une colle, c’est vieux tout ça !

En Coupe de la Ligue à Niort sur un centre de Stéphane Pédron.
Ah oui, maintenant que tu le dis, ça me revient, je revois encore le stade. Mais ce but n’avait pas suffi, on s’était fait éliminer.

Quels souvenirs gardes-tu d’Alain Michel, nommé à la surprise générale suite à la relégation de l’ASSE puis débarqué au bout de onze journées de D2 ?
Pour moi Alain Michel n’était pas vraiment un entraîneur, je le considérais plus comme un prof de sport. Il avait une vision du foot qui était théorique. C’est le sentiment que j’ai eu, moi qui ai fait des études de STAPS. Je crois d’ailleurs qu’Alain Michel était lui-même prof de formation. C’était vraiment le théoricien scolaire. Quand t’as affaire à des footballeurs qui sont très pratico-pratiques, qui plus est à Saint-Etienne, ça ne peut pas coller. Ce n’était pas possible. Alain Michel n’était pas l’homme de la situation. Alain Michel, c’est le Bielsa d’aujourd’hui, sans l’expérience, la connaissance ni l’expertise…

… et sans la glacière.
Oui, je n’ai pas osé le dire ! (Rires)

Mine de rien t’as claqué une dizaine de pions toutes compétitions confondues en 22 titularisations cette saison-là. Ta spécialité, c’était de marquer des buts à l’arrache en fin de match.
En fait ce n’était pas vraiment ma spécialité, je vais t’expliquer avec le recul comment je vois les choses. Quand tout le monde est frais physiquement, c’est plus compliqué de marquer des buts, à moins d’avoir des capacités qui te permettent individuellement de faire la différence. Ce n’était pas mon cas. Automatiquement, j’avais besoin d’être toujours présent. Je savais que plus le match avançait, plus j’allais avoir des opportunités de marquer. Physiquement je tenais la distance, c’est plus facile de marquer en fin de match quand les défenseurs sont fatigués.

Tu te souviens de tous les buts que t’as marqués cette saison-là ?
Non. En fait je n’ai pas une très bonne mémoire immédiate, on en discute parfois avec mon amie. Mais en général, quand on me rafraîchit la mémoire, ça me revient, t’as déjà eu l’occasion de t’en apercevoir depuis le début de notre entretien ! (rires). Je me souviens de mes buts victorieux inscrits en toute fin de match contre Créteil et contre Niort car ils étaient importants dans notre lutte pour le maintien.

 

 

Si je devais résumer notre saison, je dirais qu’on n’avait pas une équipe extraordinaire mais qu’on avait quand même une assez bonne équipe. Plusieurs joueurs ont d’ailleurs réussi à s’imposer en Ligue 1 car ils avaient beaucoup de qualités. Je pense à David Hellebuyck par exemple. Dans une équipe qui ne tourne pas, c’est le genre de joueur qui a plus de difficultés que certains joueurs qui ont un peu plus de grinta ou d’expérience. Du fait de la jeunesse de l’effectif et du manque de niaque, on se laissait un peu emporter par le temps. On était tout le temps en réaction et rarement en action. On était presque toujours obligé de revenir au score. Au lieu de s’emmancher bien dès le départ avec une équipe qui prend confiance, la saison s’est mal goupillée. A mon avis on avait une équipe un peu trop fragile mentalement. Sur la durée, petit à petit, on s’est laissé emmener vers le bas. Après, il pouvait y avoir des sursauts comme le match à Caen, où dans un bon jour on était tous en phase collectivement. Ce jour-là j’avais d’ailleurs réalisé un doublé. Cette saison-là, on a marqué beaucoup de buts à la fin, pour sauver les meubles. On voulait prendre le jeu à notre compte, mais comme on n’était pas assez percutants et incisifs, on se faisait contrer. Et derrière il fallait ramer pour revenir à chaque fois.

 



Au-delà des résultats plus que mitigés et des buts souvent laborieux, que gardes-tu de ton expérience de 18 mois à Sainté ?
J’ai découvert un club très différent de ceux dans lesquels j’avais évolué auparavant. Je pense bien sûr aux structures et évidemment aux supporters, à la maison comme à l’extérieur. Ce club a une dimension à part. L’ASSE, c’est un club qui marque, que l’on soit bien ou pas bien. Saint-Etienne marque parce que même vingt ou trente ans après, on va parler de choses qu'ailleurs on n'a pas vécu. On pourrait dire : cette année et demi à Sainté, on n'a rien fait, rien gagné, il ne s'est rien passé. A oublier, quoi ! Mais en fin de compte ce n'est pas le cas. C'est vraiment une période forte de ma carrière de sportif. Même si les résultats n'étaient vraiment pas terribles, ça va me rester à vie. Impossible d’oublier Geoffroy-Guichard. Même dans les mauvaises périodes, ça reste un gros public. Saint-Etienne reste ce que tout joueur aimerait avoir comme supporter. Seul peut-être Marseille pourrait rivaliser dans ce domaine. On ne peut pas avoir des supporters quand tout va bien sans les avoir quand tout va mal. A mon époque, l’affluence était certes moins importante qu’aujourd’hui, mais le gros du public nous est resté fidèle. C’est vraiment une force que le club a et qu’il peut conserver.

Quel coéquipier t’a le plus impressionné quand tu étais à Sainté ?
Il y a différentes façons d’impressionner. Stéphane Pédron avait de grosses qualités intrinsèques, notamment un super pied gauche. Il y avait bien sûr Alex et Aloisio qui avaient des qualités hors norme. Ce n’est pas du niveau d’un Neymar aujourd’hui, mais c’était quand même de sacrés joueurs. Dans un autre registre, j’ai envie de citer Jérémie Janot. Malgré sa taille vraiment modeste pour un gardien, avec son caractère, sa volonté et sa niaque, il pouvait vraiment soulever des montagnes. Tous les ans, on le mettait en numéro deux voire numéro trois, mais il a réussi à s’imposer.

Ça te fait quoi d’être un des plus grands joueurs de l’histoire de l’ASSE ?
L’un des plus grands joueurs ??? Par la taille peut-être !

Oui, c’est là où je voulais en venir, merci pour  ton humilité et ta la lucidité de t'en rendre compte. Seuls trois joueurs te dépassent dans ce domaine dont un fait d’ailleurs partie actuellement de l’effectif stéphanois.
Franchement, je ne vois pas ! A Amiens j’ai joué avec Dagui Bakari qui était encore plus grand, sachant que je fais 1m90.

 

Leo Lacroix, Daniel Bilos et Bayal Sall !
Ah oui, le défenseur central suisse qui est souvent remplaçant ! J’avoue que je ne le connais pas bien parce qu’il joue peu. J'avais oublié Bilos et j'aurais dû me souvenir de Bayal.

Alex Di Rocco, si Freddy Antonetti t’avait demandé de rester à Sainté, tu l’aurais fait ?
Oui mais il ne me l’a pas demandé ! (rires) Quand un club repart après une saison pas très bonne, il veut souvent le faire en renouvelant l’effectif. Quand t’as un attaquant qui a 32 ans, c’est pas forcément celui que tu gardes en premier. Frédéric Antonetti ne m’avait pas titularisé lors de ses premiers matches mais j’avais ensuite gagné ma place de titulaire. Quand Anto est arrivé, il voulait voir un Saint-Etienne qui gagne avec du jeu. Comme il a vu que ça ne fonctionnait pas forcément, il a essayé de trouver une équipe avec un peu plus de caractère. C’est à ce moment-là qu’il m’a fait un peu plus confiance. Même si j’ai terminé meilleur buteur du club cette saison-là, manifestement je n’entrais pas pour autant dans ses plans la saison suivante. Garder un attaquant de 32 ans pour être deuxième ou troisième couteau, ce n’était pas forcément le choix du club à l’époque. Mais je serais bien sûr resté avec plaisir si on me l’avait demandé. Le club a recruté Lilian Compan, un bon attaquant d’ailleurs, qui avait l’avantage d’être beaucoup plus jeune. Le choix des décideurs stéphanois ne m’a pas surpris, j’aurais sans doute fait la même chose à leur place. C’est plus le fait que le club ne m’ait pas dit qu’il ne comptait plus sur moi qui m’a un peu déçu. Mais bon, c'est souvent comme ça dans le milieu du foot.

Peux-tu nous rappeler quel a été ton parcours après avoir quitté Sainté en 2002 ?
J’ai signé un contrat de deux ans avec le Stade Malherbe de Caen. Il y avait la problématique de ma fin de carrière car j’avais 32 ans mais aussi une problématique familiale puisque ma fille et mon amie étaient restées à Troyes. Je me suis retrouvé tout seul à Caen. Quand t’es seul et en fin de parcours, tu n’es pas dans les meilleures conditions pour réussir. Caen repartait sur un projet avec des jeunes. Mon rôle était de les encadrer un peu. Plus le temps avançait, plus c’était compliqué pour moi d’être performant. Je faisais des allers-retours, les résultats étaient assez moyens. J’ai tenu un an. J’aurais pu aller au bout de mon contrat mais je risquais de vivoter, de très peu jouer, de très peu voir ma famille. Je partais la rejoindre après le décrassage du dimanche matin et je rentrais à Caen le mardi. Ce n’était pas très sportif. Je suis donc allé voir les dirigeants pour leur demander de me libérer de ma seconde année de contrat. Le club a accepté et j’ai mis un terme à ma carrière de joueur professionnel à l’âge de 33 ans. J’ai eu des propositions de clubs de National ou de D2 mais qui jouaient le milieu de tableau. Mais si j’étais parti de Caen, ce n’était pas pour repartir à nouveau ailleurs en solo.

Tu as souhaité rester dans le milieu du foot ?
Une fois ma carrière terminée, j’ai pris deux années sabbatiques qui m’ont permis de toucher à des choses qui me faisaient envie. Comme j’avais des diplômes d’entraîneur, on m’a proposé de reprendre le club de Viry-Châtillon, qui évoluait à l’époque en CFA2 mais n’était pas loin de la relégation à la trêve. Mais j’ai parallèlement creusé d’autres pistes de reconversion. J’ai toujours fonctionné de la même manière et je continue de le faire : il vaut mieux avoir toutes les cartes en main que de ne pas les avoir. J’ai fait des études, j’ai fait des STAPS. J’ai passé mes diplômes d’entraîneur qui permettaient en fonction des possibilités de pouvoir choisir ce qui me correspondait le plus. J’ai fait des formations sur tout ce qui a trait à la finance, à la gestion patrimoniale et immobilière. Tout ce qui traite de la défiscalisation immobilière m’intéressait. Ces sujets me passionnaient et j’avais du temps à y consacrer. J’ai profité de mes dernières années de joueur et du temps libre que j’ai eu après pour augmenter mon potentiel de reconversion, que ce soit dans le foot ou hors du foot. Quand j’étais joueur, je m’intéressais à la finance pas forcément dans l’optique de me reconvertir là-dedans mais parce que j’aimais ça, je voyais plus ça comme un jeu.

Toi qui avais des qualités de buteur et qui aimais la mettre au fond comme un autre célèbre Rocco, tu n’as pas été tenté de te reconvertir dans le porno ? Pourquoi t’as préféré le domaine des assurances ?
(Rires). En fait c’est un concours de circonstances. Quand j’ai arrêté ma carrière de joueur, je travaillais un peu en free-lance pour un promoteur immobilier. On se connaissait et il m’avait demandé d’apporter une valeur-ajoutée à l’entreprise. Après, j’ai eu cette proposition de Viry-Châtillon. Je me suis dit que ça pouvait être sympa et que je pouvais faire les deux en même temps. Mais à un moment donné, ce n’était plus possible, il fallait faire un choix. Ça s’est fait naturellement car au bout de deux ans à Viry-Châtillon, comme dans beaucoup de clubs, le conseiller du président ne me correspondait pas du tout. Je ne pouvais pas travailler avec des gens que je n’apprécie pas. J’ai donc claqué la porte et je suis parti. J’avais alors la solution de me mettre à mon compte, être auto-entrepreneur, avec tous les risques et les avantages que ça engendre, notamment l’étiquette de footballeur qui n’est pas forcément idéale dans le milieu de la finance. Mais c’est à ce moment-là qu’on est venu me chercher. C’est un ancien directeur régional fervent supporter de Sedan qui m’a proposé de bosser dans sa société. Ça s’est fait naturellement. Dix ans après, je suis toujours dans le groupe SMA. C’est une mutuelle du bâtiment. Depuis 2013, je suis responsable du Grand Est et de la Bourgogne Franche-Comté. Je suis en charge des commerciaux et des assistants pour tout ce qui touche aux assurances de personnes.

Tu es basé à Troyes ?
J’habite Troyes, mon bureau est à Reims et ma voiture roule beaucoup ! (rires) Je suis tout le temps sur la route. J’ai deux bureaux à Reims, un bureau à Auxerre, un bureau à Dijon, deux bureau à Metz, un à Sarreguemines, Strasbourg, Mulhouse, Nancy et Besançon.

 

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T’as passé quels diplômes pour exercer tes fonctions ?
Sur le technique, j’ai passé un diplôme de gestion en patrimoine. Ça collait pile-poil. Mon expérience d’entraîneur à Viry-Châtillon m’a permis d’acquérir le côté management. Le management d’une équipe de foot et le management d’une équipe commerciale, en termes de fonctionnement, en-dehors des problématiques RH, c’est à peu près le même. Les commerciaux sont des compétiteurs, qui doivent à un moment donné produire un certain résultat à la fin de chaque année. Pour moi, le monde des assurances et le monde du sport sont très liés dans la structure. C’est pour ça que les assureurs vont souvent chercher d’anciens sportifs. Tout le monde est à la recherche de compétiteurs, de personnes autonomes qui ne lâchent rien. Un footballeur, un sportif, est remis en question après chaque compétition, chaque match, voire chaque entraînement. Comme un commercial, qui est remis en question après chaque client.

Toi qui habites Troyes et vas régulièrement au Stade de l’Aube, que penses-tu de cette équipe de l’ESTAC qui reçoit les Verts ce dimanche après-midi ?
L’ESTAC fait partie des clubs qui ont moins de moyens que les autres. Automatiquement, quand Troyes se confronte aux grosses écuries telles que Monaco, Marseille, le PSG et Lyon, on ne joue pas du tout dans la même cour. Quand on descend un petit peu, on a tous les autres clubs comme l’ASSE et Bordeaux qui n’ont pas du tout les mêmes budgets. Troyes n’a que 26 M€, Sainté près de 70 M€. Les deux clubs ne boxent pas du tout dans la même catégorie. Troyes se débat plutôt avec des équipes comme Amiens voire Caen. L’ESTAC fait partie des 5 ou 6 équipes de Ligue 1 qui ont un budget restreint et essayent avec les moyens du bord de tirer leur épingle du jeu. Tous les ans, le niveau de la Ligue 2 monte et la Ligue 1, c'est très compliqué. Pour Troyes il aurait fallu créer une L1 bis mais je crois que ça ne va pas être possible ! (Rires) Le budget d'un club régente pas mal de choses. Quand tu n'as pas le budget pour avoir du nombre et surtout de la qualité offensive, c'est compliqué de survivre en Ligue 1. C'est le cas de Troyes et des autres qui jouent le maintien. Et il y en a eu pléthore depuis dix ans ! Des clubs comme Lorient, Nancy, Metz, Dijon, essayent de s'en sortir en fonction de leurs moyens. C'est loin d'être évident car il faut arriver à trouver un collectif. Parfois on se plante, parfois ça se passe bien. Le but de Troyes, c'est de ne pas faire l'ascenseur comme à chaque fois. Il faut essayer de gratter des points et de ne pas en perdre bêtement.

Comment décrirais-tu cette équipe troyenne ?
C’est une équipe type de Ligue 1, c’est-à-dire une équipe qui s’efforce de jouer mais qui n’a pas les moyens d’avoir de supers attaquants. Ils peuvent avoir quatre occasions, les grands clubs vont en mettre une ou deux, mais les clubs comme Troyes n’en mettent pas. Ces équipes comme l’ESTAC sont dépendantes du but. Si on ne marque pas en premier, c’est quasiment plié. Troyes est une équipe joueuse, qui a envie de jouer mais contre des équipes d’un autre calibre, c’est compliqué. T’as beau jouer, si tu ne marques pas, t’es presque sûr d’en prendre un. Le dernier match, Troyes a souffert, a été dominé tout le match, a joué une partie de la rencontre en infériorité mais a réussi le hold-up de l’année à Metz. C’est contre ce genre d’équipes que l'ESTAC peut s’en sortir. Troyes a réussi à battre un concurrent pour le maintien. Troyes s’en sortira pas le collectif. Dans cette équipe il n’y a pas de joueur qui est au-dessus du lot individuellement. Quand je vois jouer cette équipe, je ne me dis pas : "lui c’est un super joueur, demain il ira ailleurs dans un club plus huppé." Les Troyens ont deux attaquants qui vont très vite, sauf que ça ne sert pas à grand-chose s’ils perdent 2-0 au bout de dix minutes. Troyes a la philosophie de tous les clubs qui jouent le maintien : ne pas prendre de but et marquer un but sur du jeu, sur une occase. Les trois matches perdus l’ont été car ils n’ont pas réussi à marquer au moment où il fallait marquer. Faute d’avoir su concrétiser leurs temps forts, les Troyens ont pris un but. Ils ont perdu deux fois à domicile comme ça, contre Nantes et contre Montpellier. A Bordeaux, ils n’ont pu que réduire le score. A chaque fois, Troyes n’a pas démérité dans le jeu.

En tant qu’ancien Vert, suis-tu encore avec attention le parcours de l’ASSE ?
Bien sûr ! Quand je regarde les résultats, je prête attention à trois équipes : les Verts, Troyes et le PSG, pour voir comment les Parisiens se tirent la bourre avec Monaco. Dans mon entourage, je connais plusieurs personnes qui vont voir les matches à Saint-Etienne. J’en connais même à Troyes qui seront dans le parcage avec les ultras quand Saint-Etienne va venir. On parle régulièrement des Verts, forcément ! Tous les ans je vais voir les Verts quand ils viennent à Troyes. Je n’ai pas eu l’occasion de voir l’ASSE cette saison, j’ai hâte de les voir à l’œuvre au Stade de l’Aube ce dimanche. J’ai suivi leurs résultats et vu quelques images, des résumés. Je me garderais donc de porter un jugement sur le jeu des Verts. D’un point de vue comptable, le début de saison est bon. J’ai pas mal suivi la préparation de la saison des Verts, leurs ambitions et leur façon de faire. Sainté a entamé un nouveau cycle avec un nouvel entraîneur et une volonté affichée de produire plus de jeu. On verra ce que ça donne sur le long terme. Oscar Garcia a insufflé quelque chose de nouveau, une nouvelle façon de travailler, une nouvelle méthode. Vu l'effectif stéphanois et les changements intervenus à l'intersaison, le début de saison est mieux que prévu. Saint-Etienne peut tirer sa carte du jeu pour postuler à une place où on ne l'attendait pas forcément.

Tu penses que les Verts peuvent viser quelle place cette saison ?
Pourquoi pas une place européenne ? A mon avis le podium semble promis à Paris, Monaco et Lyon. Après ça va se jouer pour moi entre Marseille, Bordeaux et Saint-Etienne. Marseille reste Marseille, avec ses plus et ses moins. Au niveau du club, les Verts sont plus à la lutte avec les Girondins. Saint-Etienne peut être l'empêcheur de tourner en rond et aller briguer une 4e ou une 5e place. L'ASSE montre actuellement plus de solidité défensive que l'OM, Stéphane Ruffier a encore démontré cette saison qu'il sauvait parfois l'équipe à lui tout seul. Loïc Perrin joue aussi un rôle important dans cette équipe. Cet avantage d'avoir de tels piliers peut devenir un inconvénient, lorsqu'ils ne sont pas là ça peut vite devenir compliqué. Marseille a annoncé plus de choses que Saint-Etienne. Vu leurs moyens financiers et les ambitions affichées, il serait normal que l'OM devance l'ASSE. La 6e place serait logique pour les Verts mais la 4e ou la 5e me semble du domaine du possible. Une place dans les trois, ça me semble beaucoup plus compliqué.

T'as une bonne table à recommander aux potonautes qui déjeuneront à Troyes avant de se rendre au match ce dimanche. Où mange-t-on les meilleures andouillettes de la ville ?
Très franchement, je ne mange pas d'andouillette, j'ai horreur de ça ! (rires) Y'a plein de bons petits restos dans le centre-ville. C'est là que se concentre 90% de l'offre. Y'a pas de mauvaises adresses, l'offre est plutôt sympa. Je ne tiens pas à citer un restaurant en particulier car je ne veux pas froisser la susceptibilité des autres qui pourraient alors s'étonner que je ne les ai pas mentionnés ! (rires)

Notre avant-centre n’a pas encore marqué cette saison. Di Rocco, quand reviendras-tu ? Di Rocco au moins le sais-tu ?
A bientôt 47 ans, ce serait un sacré come-back ! (rires)

C’est jouable, non ? Après tout, tu n’as que six ans de plus que Benjamin Nivet.
Benjamin a des qualités techniques que je n’avais pas et que je n’ai toujours pas. Benjamin a de telles qualités qu’il a encore sa place dans le contexte troyen. Quand on voit que quelqu’un qui a 40 ans continue à jouer en L1, c’est un peu inquiétant pour la jeunesse. Le jeu a beaucoup évolué, ça va beaucoup plus vite. Peut-être qu’à l’époque, quand j’avais 26 ou 27 ans… Ce temps est déjà bien loin. Aujourd’hui il faut aller vite, il faut être costaud. Je peux rassurer tout le monde, moi le premier, je ne ferai pas de come-back ! (rires). Même aujourd’hui quand je vais courir, je me dis « mince, comment j’ai fait pour être sportif avant ? »

A défaut de revenir jouer sous le maillot, as-tu prévu de revenir dans le Chaudron ?
J’y suis retourné y’a pas si longtemps, j’ai visité le musée. Franchement, il est top ! J’ai eu également l’occasion de revenir une fois à Saint-Etienne pour me balader, pas pour aller à GG. Je me dis qu’il faudrait que j’y revienne pour voir un match. J’ai un ami qui y retourne tous les quinze jours. Je lui ai dit qu’il faudrait que je l’accompagne pour revoir les Verts dans le Chaudron. Mais comme je vais voir ma fille jouer au handball à Metz, c’est compliqué. Je fais beaucoup de déplacements professionnels, je fais aussi des déplacements familiaux. Cela me laisse peu de temps pour faire des déplacements à Sainté, d'autant plus que ce n'est quand même pas la porte à côté.

Au musée des Verts, il y a la doudoune de Galette mais pas le blouson de cuir et le pull à col roulé rouge que tu portais à GG dans une mythique vidéo…


Ah ça m’aurait étonné que tu ne me parles pas de cette vidéo ! (Rires) Celle-là elle me suit comme mon ombre, je peux te dire que je la vois a minima deux ou trois fois par an. Qu’est-ce qu’on peut me chambrer sur le sujet ! On me dit : « c’est quoi cette tenue en cuir avec la musique et le plan de vue qui est pourri ? ». Ça fait vraiment "montage venu d’ailleurs". C’est vrai que je me fais régulièrement allumer avec ça ! (rires) Je ne sais pas ce que sont devenus ce blouson noir et ce pull, ils devaient sortir de la valise que j’avais faite à la va-vite, sachant que j’habitais encore à l’hôtel à l’époque. Je ne regrette pas d’avoir fait ça, au moins ça vous fait rire ! Mais c’est vrai qu’aujourd’hui tu te dis : « franchement à l’époque, qu’est-ce que t’as pu penser de mettre ça ? » On va dire que c’était mon frère à l’époque ! (rires)

Si ce n'est toi, c'est donc ton frère... Mais lequel ? Depuis le début de l'entretien on parle d'Alex Di Rocco. Et ses frères ? Il faut en dire quelques mots en guise de conclusion
(Rires) J’ai juste un frère du côté de Toulon. Il a joué au foot plus jeune. Aujourd’hui il travaille chez Orange. Il n’a pas eu de bol. Il a joué à Epinal en National mais il s’est pété les croisés la première année. Il est revenu et il s’est refait les croisés à l’autre genou. Et quand il est revenu le club a fait faillite !

 

Merci à Alex pour sa disponibilité.