Latéral droit combatif, il inscrit sous le maillot vert le but historique du titre en 2004, avant de filer deux saisons à Guingamp. Aujourd'hui agent immobilier, Damien Bridonneau a accepté de revenir sur sa carrière avant le match de ce samedi à 20 h.


Comment s’est passé ton début de carrière ?

Je suis formé à Niort, j’y joue dès l’âge de 6 ans puis j’y débute en professionnel. Ensuite, en 2000 je pars au Mans pour trois saisons, dont la dernière est couronnée d’une montée en Ligue 1, grâce à une belle équipe composé de grands joueurs comme Didier Drogba ou Laurent Bonnart.

 

Cependant, tu n’es pas conservé dans le groupe que tu as contribué à faire monter… Que se passe-t-il ?

À la fin de cette saison, je suis en fin de contrat, et Thierry Goudet me remercie indirectement. Ça ne se faisait pas : j’avais contribué à cette montée en Ligue 1 après trois belles saisons au Mans, et tout le monde se retrouve à manger la part du gâteau, sauf moi – c’était assez incompréhensible… Mais ça me permet de rebondir chez les Verts : puisque je suis en fin de contrat à ce moment-là, je commence à m’entraîner avec l’UNFP, puis je fais un essai à Bastia qui est alors en Ligue 1, avec Galette comme entraîneur adjoint d’ailleurs. Finalement, je retourne au Mans m’entrainer avec le centre de formation, et à ce moment-là, Thierry Goudet me rappelle pour réintégrer le groupe de Ligue 1 car le démarrage de l’équipe est catastrophique. Je suis donc probablement sur le point de re-signer au Mans, mais je suis dans l’attente, et je reçois au même moment un appel de Christian Villanova me disant que Fred Antonetti est intéressé par mon profil. Donc je ne réfléchis pas, je viens faire deux matchs amicaux à Sainté qui se concluent par un contrat.

 

Finalement, c’est un mal pour bien : tu atterris chez le futur champion de Ligue 2, alors que Le Mans redescend…

Oui, j’aurais certainement pu jouer en Ligue 1 avec Le Mans, manger la part du gâteau avec tout le monde, mais Saint-Etienne est aussi un très grand club qui m’a toujours fait rêver, et jouer en Ligue 2 avec ce club équivaut à une Ligue 1 pour moi, donc je ne réfléchis même pas. J’avais aussi eu d’autres propositions de Grenoble et Rouen notamment, mais je n’avais pas senti le coup. J’y suis donc allé à l’instinct, et au final tout m’a plu à Saint-Etienne.

 

Quel souvenir gardes-tu de cette saison ?

C’est beaucoup de positif et de bonheur ; quand je remercie Antonetti de m’avoir fait venir après mes essais, il me répond avec son accent corse : "ne t’inquiète pas, je sais qui tu es". Et en effet, alors que je viens à la base pour remplacer Patrice Carteron, je joue pratiquement toute la saison, avec le titre au bout. D’ailleurs je signale que depuis cette montée, le club n’est plus jamais redescendu, donc je suis content d’avoir laissé mon empreinte malgré le peu de temps que j’y ai passé. Les supporteurs ont eux aussi été formidables, comme j’étais un joueur qui était considéré comme vaillant et accessible, ça a plu aux gens et c’est tant mieux. Et finalement, toute cette saison c’est l’épopée d’une bande de copains : on avait peu de joueurs exceptionnels, mais c’était l’éclosion de jeunes joueurs talentueux comme Loïc Perrin, Julien Sablé, Bafétimbi Gomis, Jérémie Janot…

 

Ce titre, on le doit grâce à un but extraordinaire, TON but. Pour Fred Antonetti, c’est même le public qui l’a inscrit. Tu peux nous en parler ?

 

Les anciens du club m’avaient dit que si je voulais marquer l’histoire du club, il fallait faire quelque chose d’extraordinaire : cet extraordinaire, ça a été ce but avec lequel on devient champion de France. Il y avait beaucoup d’enjeu puisque Caen avait joué avant nous, donc la victoire était obligatoire pour le titre. Je me suis senti pousser des ailes grâce au public oui, parce qu’en plus on avait réussi à réconcilier les deux kops cette saison-là, donc quand t’es poussé par 40 000 spectateurs dans une ambiance pareille, c’est exceptionnel. Ce jour-là, j’avais un peu les boules d’être sur le banc. Alors que j’avais été titulaire toute l’année et que mes proches étaient venus pour cette immense fête, le coach m’avait informé quelques jours plus tôt qu’il voulait faire jouer Patrice pour le remercier de tout ce qu’il avait fait pour le club. C’est comme ça, Patrice était un mec bien aussi donc il le méritait, et au final, ça a contribué à la beauté de l’histoire : les deux buts ce jour-là sont inscrits par Patrice et moi ! Cette soirée restera gravée dans ma mémoire, parce qu’elle était vraiment magnifique.

 

Mais malheureusement, rebelote à l’été 2004 : tu ne continues pas l’aventure chez les Verts…

L’histoire s’est répétée, dans un autre contexte, et quand on sait les conditions dans lesquelles ça s’est passé, il n’y a pas de surprise, c’est le football, malheureusement… Christian Villanova n’est pas reprolongé, donc connaissant la solidarité des corses, Fred Antonetti s’en va aussi, et derrière lui, il y avait déjà Elie Baup qui tournait autour du pot… C’est honteux parce qu’ils avaient fait un travail remarquable tous les deux. De mon côté, je suis en fin de contrat, et arrivent donc Elie Baup en tant qu’entraîneur, et Damien Comolli comme directeur sportif. Je pars en vacances au Portugal, et il se trouve que Elie Baup aussi. Selon Damien Comolli, il doit me contacter pour me rencontrer, sauf qu’en réalité je n’ai jamais vu personne.

Donc quand je rentre à Saint-Etienne, le club m’explique que si je trouve une opportunité ailleurs, on ne me retient pas, mais qu’ils sont obligés de me faire re-signer au regard de la saison que je viens de réaliser. Je gagne alors 1000 euros de plus en passant de Ligue 2 à Ligue 1. C'est un peu du foutage de gueule, une manière de me dire "va-t’en", surtout que Patrice Carteron est toujours au club, et qu’un latéral droit de Valence vient d’être recruté en tant que numéro 1 : Javier Garrido.

Je signe quand même, avec la volonté de prouver ce que je vaux. Mais je suis mis à la cave tout au long de la préparation, donc il m’arrive exactement la même situation qu’au Mans. Saint-Etienne fait un mauvais début de saison, et les supporteurs commencent à scander mon nom alors que je suis en tribunes. Je joue avec la réserve, et là on fait un match extraordinaire contre la réserve de l’OL, avec une victoire 1-0. Elie Baup vient alors dans les vestiaires me féliciter, donc je sens qu’il se passe quelque chose. Mais l’entraîneur de Guingamp Yvon Pouliquen - qui était venu observer François Clerc à l’origine - m’appelle le lendemain. J’accepte de partir en Bretagne, parce que mon avenir était incertain.

En réalité, si on m’avait fait comprendre qu’il fallait être plus patient du côté de Saint-Etienne, je l’aurais été, sauf que je n’ai jamais eu aucun appel de phare de la part de Baup. En plus, sur cette saison, Garrido se fait les croisés, Carteron est en méforme complète, et donc cette situation profite à Fousseni Diawara qui était à la cave. Je suis content pour Fouss parce que c’est un mec bien, mais je me dis que cette place-là était la mienne… Donc si j’ai bien un très gros regret dans ma carrière, c’est celui-là : j’aurais pu jouer en Ligue 1. Et ça, quand tu es footballeur ça fout les boules, parce que tous ceux que tu as côtoyés, eux, auront cette chance.

 

Malgré toutes ces embûches, tu passes tout de même deux bonnes saisons à Guingamp…

J’y passe deux bonnes saisons, que ce soit au niveau du public ou des membres du club, je fais de belles rencontres – je tiens d’ailleurs à remercier le Président le Graët. D’autant plus que je suis à mon pic de forme à ce moment-là, entre 29 et 32 ans. Cependant, au niveau des résultats c’est un peu plus compliqué parce qu’on a un effectif de Ligue 1 qui ne s’adapte pas à la Ligue 2. Mais en tout cas c’est un club dans lequel j’ai laissé une bonne image, et je tire mon chapeau aux dirigeants guingampais qui font du très bon boulot.

 

Comment se termine ta carrière ?

Après deux saisons à Guingamp, les dirigeants veulent que je resigne mais c’était dur pour mon entourage de vivre en Bretagne, donc je prends la décision de signer pour deux saisons à Bastia où je retrouve Christian Villanova comme directeur sportif. Je passe deux bonnes saisons là-bas, et enfin je termine à Vannes, où c’est plus compliqué à cause d’une blessure.

 

A quoi ressemble ta vie aujourd’hui ?

En parallèle de ma carrière de footballeur j’étais déjà agent immobilier, donc aujourd’hui j’ai une double-casquette de gérant de société dans l’immobilier, notamment en Corse où j’investis personnellement, avec par exemple en ce moment la construction d’une résidence de tourisme capable d’accueillir monsieur/madame tout le monde pour passer de bonnes vacances.

 

Tu as gardé contact avec tes anciens coéquipiers de Saint-Etienne ?

Non, parce que le milieu du football est comme ça. On reste des collègues de travail avant tout. Sur les centaines de joueurs que tu as connu dans ta carrière, tu peux compter tes vrais amis sur les doigts de la main. Chacun trace sa route, mais si on se recroise un jour on est très content de se voir. En fait, j’ai pris du recul par rapport au foot, ça ne m’intéresse plus vraiment. Maintenant, en tant que conseiller patrimonial des footballeurs pourquoi pas, ils se feront sûrement moins arnaquer d’ailleurs, parce que nous avons été la génération qui s’est fait le plus plumer en ce qui concerne les investissements, avec tous les gens qui tournaient autour…

 

Tu regardes toujours les matchs de Saint-Etienne ?

Oui, j’ai toujours un petit œil sur tous mes anciens clubs, et surtout l’ASSE et Guingamp qui sont dans l’élite. En ce qui concerne Guingamp, même s’ils sont en difficulté en ce moment, je pense qu’ils vont trouver des bons joueurs cet hiver et réussir à ce maintenir. C’est ce petit truc qu’a Guingamp qui fait qu’ils arrivent toujours à s’en sortir.

 

Tu le vois comment ce match ?

Je donnerais vainqueur Saint-Etienne qui a besoin de rester dans la course à l’Europe. Jen profite pour faire un grand coucou à Loïc Perrin que je félicite pour l’extraordinaire carrière qu’il fait, je lui souhaite bon courage pour la fin de sa carrière, et de profiter, parce que quand ça s’arrête, c’est une autre vie qui commence. En tout cas, Sainté restera gravé à vie en moi, et dès que je trouverai le temps de venir voir un match, ce sera avec plaisir. "Allez les Verts !" comme on dit. Et un jour j’écrirai un petit article sur la Corse pour tous les supporteurs verts qui veulent venir prendre un peu de plaisir au soleil, pour partager un petit moment de football autour des saucissons corses.

 

Merci à Damien pour sa disponibilité.