bfb2 a écrit :
Je pense que c’est un peu tôt pour s’enflammer après une semaine de mouvement. C’est quelque chose d’intéressant à regarder à cause du côté spontané et de l’originalité de la forme, qui peut faire que le mouvement dure. Il y a une forme de point d’intérêt sur un mouvement assez nouveau en tout.
Mais il y a des grosses faiblesses aussi :
1 - je trouve que la revendication est un peu faible quand même. Le prix de l’essence ça participe de la vie chère, ok. Mais quoi d’autre ? Ça manque quand même un peu de hauteur le truc. 0,50 centimes d’euros, dans un pays comme le nôtre ou quasiment chacun peut se payer une voiture, où les accidents de la vie sont compensés par tout un tas de compensations sociales, c’est quand même gueuler pour pas grand chose. Je veux dire, on n’est quand même pas le royaume uni qui a torpillé tout son système social, où quand tu es pauvre, tu es réellement extrêmement pauvre et en très très grande difficulté. Il faudrait à un moment redescendre un peu. Ensuite, si Macron et son gouvernement, mettent en place des mécanismes de compensation, comme ils semblent vouloir le faire, les manifestants devraient arrêter le mouvement, non ? Enfin, si ils sont cohérents avec eux même. Quelle grande avancée sociale aura eue la France avec une essence régulée ? On aura une sorte de TIPP flottante ? Elle est où la grande avancée pour l’humanité ? A l’inverse, si le mouvement dure avec l’obtension de ce qui était demandé, ben, ça confortera Macron, dans ce qu’il a dit : les gaulois réfractaires au chargement. Ce qui pouvait apparaitre un poil arrogant, n’aura plus l’air si arrogant, mais vérifié par les faits.
2 - c’est un mouvement qui bloque tout le monde, dans une denrée les plus précieuses et essentielles de l’économie et de notre qualité de vie moderne, la circulation. Ça fait l’efficacité du mouvement, mais ça crée aussi de gros points de tension, notamment chez les citoyens lambdas. Des accrochages nombreux entre automobilistes et gilets jaunes existent déjà. Là, concrêtement, on n’est pas tellement dans des accrochages citoyens contre autorités, mais dans des accrochages citoyens contre citoyens. Quand ça reste des accrochages individuels, ça passe encore, mais ça peut vite aboutir à des drames, quand 30 citoyens se sentant forts face à des automobilistes individuels qu’ils peuvent insulter (cf certaines vidéos), se retrouvent peu à peu face à une foule de plus en plus exaspérée qui inverse le rapport de force.
3 - pour moi c’est un mouvement totalement illisible politiquement et c’est précisément ce qui ne me fait pas adhérer à ça. Déjà, si sur 20 personnes, y’en a 2 dans le lot qui disent qu’un des problèmes soulevés c’est qu’il y a trop de migrants, j’ai aucune envie d’être camarades de lutte avec eux. J’estime encore qu’on est camarade de lutte avec des gens avec on partage les mêmes valeurs, les mêmes préoccupations. Puis j’estime quand même que dans un pays dont les thèmes de droite essaiment largement dans les esprits depuis plus de 30 ans, dont les luttes de gauche ont toujours échoué précisément à cause de l’infusion dans les esprits, je ne vois pas ce que la lutte contre le prix de l’essence a de plus admirable, que les manifestations étudiantes, syndicales, de transports faites par ces gauchistes « qui font un peu ch*er le monde, de toute façon ils n’ontrien d’autre à faire ils sont habitués à rien foutre, engraissés par les prestations sociales ». Je veux dire, le thème de la vie chère n’a rien d’un thème nouveau, ça a toujours été martelé par les organisations structurées de gauche, dans une adhésion relative de la population en général, quand elles ne suscitaient pas un franc rejet. Nos gouvernants savent bien infuser la graine de la division.
4 - je préfère largement les mouvements bien plus structurés et utiles politiquement. Si je voulais faire dans le simpliste, je dirai vous n’aviez qu’à pas aller voter Macron, ni dans les mouvements tous dans une veine libérale qui nous gouvernent depuis 30 ans (j’inclue,les socialistes). Je pense qu’il y a des alternatives aujoud’hui qui me semblent aujourd’hui mâtures politiquement, avec un vrai programme, étant de gauche, je pense évidemment à celui derrière mélenchon. Et si des gens pensent qu’il faut vraiment changer les choses, pourquoi ils ne votent pas en masse pour mélenchon, au lieu d’aller mettre un gilet jaune qui n’aboutira à rien de bien concret sur la durée. Des gens peuvent penser que tout ne va pas si mal dans le pays, que mélenchon est trop extrémiste, ou qu’il ne changera rien du haut de sa position d’ancien socialiste franc maçon, tous les avis sont respectables, dans ce cas il y a des élections pour ça et toutes les sensibilités politiques sont représentées. Les élections c’est précisément fait pour ça, si un candidat comme mélenchon ne passe pas le cut, ben ça voudra dire que la majorité aura estimé que d’autres sont plus capables pour apporter au pays ce qu’il lui faut, et c’est respectable, c’est la démocratie. Il n’en reste pas moins, que si des gilets jaunes ne vont pas voter, et qu’ils se présentent comme LA solution aux problèmes, ils mentent aux gens, leur revendications sont trop minces, pas élaborées, difficilement lisibles. Je pense que n’importe quel programme politique est bien plus élaboré, des gens ont passé du temps pour plancher dessus,et l’offre est suffisamment vaste pour trouver chaussure à son pied selon ses affinités.
Je suis globalement d'accord avec toi et je suis aussi de gauche.
Ceci dit, le prix de l'essence qui conduit une partie des
Gilets Jaunes à descendre dans la rue n'est qu'un détonateur. Il y a aussi tout un tas de gens de tous bords politiques et de toutes générations (jeunes, quadras, retraités….) qui les ont rejoints dans les rues ou qui (sans être dans les rues) éprouvent une sympathie pour ce mouvement car le sentiment d'injustice et d'aggravation des inégalités dans le pays est extrêmement fort. Le prix de l'essence est le dernier truc qui vient s'ajouter et qui touche au porte-monnaie de tout le monde ou presque, et cela arrive en plus du sentiment de déclassement social, de la disparition des services publics, du chômage, de l'état d'abandon dans lesquels se trouvent les hôpitaux ou les EHPAD, des emplois précaires et inintéressants payés à coups de lance-pierre, de la perte de pouvoir d'achat, de la baisse des pensions de retraites, des cadeaux aux plus riches (suppression de l'ISF), etc etc....avec comme perspectives "réjouissantes" dans les prochains mois une nouvelle hausse des taxes sur l'essence en janvier et une réforme des retraites qui s'annonce sanglante courant 2019 !
Enormément de Français sont directement impactés dans leur vie quotidienne par un ou plusieurs de ces problèmes, ils ne peuvent plus vraiment mettre leurs espoirs dans les syndicats (marginalisés, noyautés par le pouvoir, divisés et peinant à rassembler), ils n'ont plus confiance dans certains partis politiques (avoir voté
En Marche en 2017 c'est en fait avoir voté pour porter au gouvernement des LR ou PS qui ont trahi leur ancien parti….et du coup on a des mecs de droite menant une politique bien à droite aux postes-clés comme Macron, Philippe, Blanquer, Darmanin, Le Maire !!).
Il se crée en ce moment une espèce de coagulation qui fait descendre dans les rues des gens qui ne votent pas pour les mêmes candidats lors des élections et même des gens qui ne votent plus. Cette "coalition" de protestataires rend ce mouvement assez original, assez inattendu dans sa composition, mais lui donne aussi à mon avis un caractère imprévisible et potentiellement dangereux. La politique menée en France actuellement est violente dans le sens où elle étrangle financièrement, socialement, humainement de plus en plus de gens. En face, la réponse de la rue a un côté jusqu'au-boutiste ("plus grand chose à perdre"), c'est une sorte de colère mêlée de désespoir qui peut déboucher sur le meilleur mais aussi sur le pire. A ce jour, la suite de ce mouvement et ses conséquences sont un gros point d'interrogation.
Toutes les attaques contre le modèle social français ne sont bien sûr pas nouvelles, s'inscrivent dans les politiques libérales et anti-sociales présentées comme la seule alternative et menées dans le cadre figé de l'UE (telle qu'elle fonctionne aujourd'hui et qui ne peut prétendument pas être rediscutée, renégociée, transformée de l'intérieur) par tous les gouvernements depuis 30 ans.
Mais ces attaques s'aggravent, s'accélèrent, s'accumulent et sont menées d'une manière de plus en plus décomplexée avec Macron qui, comme Sarkozy avant lui, engendre une antipathie et a l'arrogance de dire en gros "
j'ai été élu, je fais ce que je veux, et depuis le soir de mon élection je n'en ai plus rien à foutre de ce que la population pense" .
Ses sorties méprisantes récurrentes sur les "
gaulois réfractaires", "
ceux qui ne sont rien", les "
fainéants", etc etc, n'ont pas été oubliées et servent de carburant (
) à tous les mouvements de contestation sociale depuis 1 an et demi car au-delà de sa politique contestable il a voulu concentrer sur sa seule personne l'exercice du pouvoir (les "
j'assume" répétés sans cesse, le fameux"
qu"'ils viennent me chercher !") et il concentre aussi du coup sur sa personne le rejet d'une partie croissante de la population.
[i]"Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait"[/i] (Mark Twain).