(HS) La Bibliothèque Verte

Discussion générale sur l'ASSE

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Message par ___ »

J'ai découvert, au fil de mes lectures qu'il n'y a pas qu'au Ministère de l'Education nationale qu'on aime donner des noms tarabiscotés à des choses simples : je sais dorénavant que je pratique la paternité proximale dans le cadre d'une parentalité positive.
Abruti (selon Romeyer) et terroriste (selon Darmanin)
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Message par Toulousain »

Un bon bouquin d'un jeune auteur (ok en plus c'est un copain)

http://www.librairie-critic.fr/index.ph ... -noir.html
Le druide
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Message par Le druide »

Quelqu'un a-t'il déjà lu
Image


Et, avez-vous de bons livres sur Gengis Khan ?

Ne cherchez pas le lien avec le livre ci-dessus, je suis assez éclectique :mrgreen:
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Message par ___ »

Le premier, ma chérie l'a lu, et en a été assez contente.
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Marat Izmailov
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Message par Marat Izmailov »

Et, avez-vous de bons livres sur Gengis Khan ?
J'avais lu de larges parties de celui-ci lorsque je faisais de petites recherches sur un pan de l'histoire chinoise, voici quelques années. Cela déborde largement du seul cas Gengis Khan, mais sa vie et son rôle sont largement évoqués dans ce livre qui allie rigueur historique et plaisir de lecture. Je ne peux que te le conseiller.

Sinon, quels sont ces livres aux noms cocasses ("épluchures de patates", "armoire Ikea") ? Pourrais-tu, pour les curieux, nous en dire un peu plus à leur sujet ?
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Message par Tardy-Vert42 »

Concernant Gengis Khan et aussi Tamerlan, meme si le sujet est beaucoup plus large que ça en fait (en gros pour comprendre toute l'histoire mouvementée des peuples compris entre l'Altai, le Turkistan chinois , l'Asie Centrale jusqu'aux confins du Bosphore, à travers la Perse, le Kurdistan et l'Inde des Moghols, je conseille "Histoire des Turcs : deux mille ans du Pacifique à la Méditerranée" de Jean-Paul Roux.
Le druide
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Message par Le druide »

Marat Izmailov a écrit :Sinon, quels sont ces livres aux noms cocasses ("épluchures de patates", "armoire Ikea") ? Pourrais-tu, pour les curieux, nous en dire un peu plus à leur sujet ?
Arf, pas grand chose à en dire. Après pas mal de lectures thématiques (alpinisme notamment) et historique (2nde guerre mondiale, mémoires de De Gaulle, mémoires de Churchill, etc.), j'avais l'envie de "lire ailleurs", lire des livres sans avoir trop à réfléchir. Je me suis donc mis en quête de livres de préférence roman, voir roman "comique".
Après avoir donc lu "La fille du train" et "check point", je suis tombé sur "Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire", et ce livre cocasse m'a vraiment plû. Si vous aimez une histoire à la Forrest Gump, je vous le conseille vraiment.
Après avoir pris beaucoup de plaisir sur ce livre, j'en ai cherché d'autres "proches". Malheureusement, "l'extraordinaire aventure du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea" avait un titre prometteur, mais j'ai été fortement déçu après un début lui aussi prometteur.

Après avoir beaucoup aimé le style roman historique de Khaled Hosseini et avoir dévoré 3 de ses livres, je me suis remis temporairement dans ce style, avec La cage dorée de Shirin Ebadi.

Bref, assez éclectique, mais j'aime bien et ça me correspond.
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Message par ___ »

Arto Paasilina, ça pourrait te plaire, je pense.
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Le druide
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Message par Le druide »

Olaf a écrit :Arto Paasilina, ça pourrait te plaire, je pense.
J'ai lu quelques résumés de 3 ou 4 de ses livres et, effectivement, je vais m'intéresser de plus près à ce Finnois :)
Le druide
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Message par Le druide »

Olaf a écrit :Arto Paasilina, ça pourrait te plaire, je pense.
Je viens de commencer "Petits suicides entre amis" et ça à l'air dans la lignée de ce que je cherche :super:
Marat Izmailov
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Message par Marat Izmailov »

Marat Izmailov a écrit :Centième anniversaire de la naissance de Roland Barthes. Avis aux parisiens du forum : à cette occasion, le Collège de France organise - sous la direction d'Antoine Compagnon - un colloque demain et après-demain (entrées libres sans inscription préalable).
Pour ceux que cela peut intéresser : les interventions de la première journée du colloque (la deuxième ayant été reportée sine die) ont été mises en ligne. Vous les trouverez ici. Je parlerai d'ailleurs d'un livre de Roland Barthes (ou d'un livre édité malgré lui, vous verrez pourquoi) d'ici quelques jours ici même.
Marat Izmailov
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Message par Marat Izmailov »

Dernières lectures (S1E07) :

Perturbation (Thomas Bernhard) - Récit d'une tournée d'un médecin habitant une modeste bourgade des Alpes autrichiennes, accompagné de son fils (le narrateur). On pourrait aisément sous-titrer le roman : voyage aux confins de la folie. Au cours de sa tournée, entreprise peu après qu'un meurtre ait été commis dans l'auberge locale, notre docteur va rencontrer des lieux et malades étonnants, les lieux semblant, dans une certaine mesure, être malades eux aussi. Ce n'est pas tant la maladie physique que le docteur traite, mais la détresse psychologique de ses patients. Le point culminant est la seconde partie du roman, consistant en un long monologue (120 pages !) du prince de Saurau, vieil hobereau cultivé et à moitié fou ; à moins que sa folie ne cache une lucidité supérieure. L'écriture est classique, le ton et les scènes beaucoup moins ; Bernhard déploie une palette psychologique digne des meilleurs écrits dostoïevskiens. On en sort avec un certain malaise, un arrière-goût d'"inquiétante étrangeté". Bien. 4/5.

Éclaircissement sur les sacrifices (Joseph de Maistre) - Sorte d'exposé intervenant en appendice des Soirées de Saint-Pétersbourg (que j'ai rapidement évoquées il y a quelques semaines) sur l'origine métaphysique des sacrifices. Maistre part d'une interrogation simple, que je résumerai ainsi : pour quelle(s) raison(s), en tous temps et en tous lieux, l'Homme a-t-il procédé à des rites sacrificiels, chose qui pourtant devrait révulser sa raison ? De cette interrogation naît une pensée profonde, subtile, appuyée - comme toujours chez Maistre - par une érudition et un style éclatants. Aux néo-lecteurs de René Girard (qui a sans aucun doute dû lire Maistre de manière très scrupuleuse), n'hésitez pas à compléter ses réflexions sur le bouc-émissaire (pensée anthropologique du sacrifice) par celle-ci (aspect métaphysique de la chose). Excellent. Pas de note (on ne note pas ce qui nous dépasse !).

Orwell ou l'horreur de la politique (Simon Leys) - Court essai du belge Simon Leys, le sinologue et amoureux de littérature, au sujet de l'écrivain anglais. Leys cultive une grande tendresse (et admiration) envers son objet d'étude, et il s'abreuve aux meilleurs sources (notamment la biographie de Crick, qui fait référence) pour nous entretenir des rapports d'Orwell avec la politique. Comprendre, au travers du titre, qu'Orwell n'avait pas d'intérêt ou un dégoût profond pour la politique serait commettre en énorme contresens ; ce que l'auteur de 1984 ne supportait pas, c'était la pensée de parti, les basses manigances. Celles qui ont failli le tuer en Espagne, quand les staliniens s'avisèrent de fusiller dans le dos les combattants républicains, par exemple. On pourrait dresser des parallèles évidents entre Leys et Orwell : outre leur passion du pseudonyme (Orwell s’appelait Blair au civil et Leys se nommait Rickmans), les réunit une même probité, un même goût pour les vérités simples, un même style clair, sans profondeur mais sans apprêts. Un petit livre à destiner à ceux qui aiment Orwell, mais plus encore à ceux dont l'affection porte sur Leys. Bien. 4/5.

Journal de deuil (Roland Barthes) - Devait-on publier ces notes éparses de Barthes, écrites sur deux années suite à la mort de sa mère ? La question se pose, et s'est posée en 2009, suscitant une jolie petite polémique. J'aurais plutôt répondu par la négative, considérant qu'un écrivain doit être maître de son oeuvre et que Barthes a laissé des instructions relativement claires à ses proches, leur demandant d'éviter ce genre de publications et compilation posthumes. Bref, le texte est là, et il est d'un intérêt fort inégal. Certaines entrées sont extrêmement banales (et Barthes en a conscience, rappelant la tragique banalité du deuil), d'autres sont plus intéressantes, faisant le lien avec ses travaux passées et futurs. L'ensemble est évidemment émouvant, et l'on retrouve le style et l'art de la nuance barthésiens. Je ne le conseillerai toutefois pas. 2/5.

***

Une dernière petite chose. Je sais qu'il y a quelques lecteurs de Dostoïevski dans les parages. J'aimerais signaler à leur attention la très belle émission écrite et dite par Adamov en 1966 (l'un de ses traducteurs) rediffusée le mois dernier dans une des nuits de France Culture.
Naar
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Re: (HS) La Bibliothèque Verte

Message par Naar »

Excellent. Merci Marat.
Marat Izmailov
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Message par Marat Izmailov »

Merci pour tes encouragements, Naar, j'essaie d'être régulier dans mes petits comptes-rendus de lecture.

Dernières lectures (S1E08)

Du temps qu'on existait (Marien Defalvard) - Longue évocation poétique empreinte de nostalgie de la vie d'un homme, le narrateur, dont on ne connaîtra jamais le nom. Nostalgie temporelle et nostalgie spatiale : à chaque époque correspond son lieu (Coucy, Strasbourg, Bretagne, Tours...) dont les contours géographiques structurent le chapitrage du roman. Si je devais sous-titrer ce roman, j'emprunterais à Milton le titre de son plus fameux poème : "Le Paradis Perdu". Le narrateur se souvient avec délice du temps innocent d'avant sa Chute (qui prendra la forme de la prise du conscience de la mort, de l'amour et de la dimension temporelle de l'existence dans sa prime jeunesse) ; le reste de son existence ne sera qu'errance et rêveries sans objet. Le très jeune âge de Defalvard au moment de l'édition du livre en 2011 (19 ans) et plus encore au moment de son écriture (il avait alors 16 ans) a une grande influence sur le style du livre : brillant mais souvent ampoulé, de superbes images y côtoient d'excusables cuistreries. J'espère néamnoins qu'il ne s'arrêtera pas en si bon chemin et reviendra à l'écriture, avec un peu plus de maturité ; pour l'avoir suivi de près sur certains réseaux sociaux, ce n'est hélas pas certain. Inégal, mais intéressant - conviendra aux âmes rêveuses. 3/5.

La seule exactitude (Alain Finkielkraut) - Recueil de chroniques (à RCJ et à Causeur) couvrant l'actualité de 2013 à juin 2015 du bien connu intellectuel/polémiste/essayiste/philosophe/écrivain (rayez la/les mentions de votre choix) Alain Finkielkraut. Les thématiques prédominantes de ces courts textes n'étonneront guère ceux qui suivent de près ses interventions publiques : la post-modernité, l'école, le communautarisme et la littérature. C'est bien là où le bât blesse, pour celui qui est habitué aux litanies de Finkielkraut ; peu de pensées originales à se mettre sous la dent. Quelques jolies chroniques toutefois, souvent celles qui ne cherchent pas à réagir immédiatement à l'actualité du moment : notons un joli hommage à Philip Roth et une intéressante réflexion sur la controverse Heidegger, mise en rapport avec la pensée de Levinas. Un parallèle peut être fait avec Répliques, l'émission hebdomadaire que présente Finkielkraut sur France Culture ; la qualité est souvent proportionnelle à l'éloignement des thèmes d'actualité. Médiocre. 2/5.

Adolphe (Benjamin Constant) - Un grand classique de la littérature française : parfois oublié, mais jamais mésestimé. Si l'on connait bien Benjamin Constant pour son rôle politique dans le jeune et tourmenté XIXe Siècle, si les libéraux de tous poils reconnaissent en son oeuvre un apport théorique majeur à leur pensée, on élude parfois l'écrivain. C'est une lourde erreur : la valeur de ses romans, et notamment d'Adolphe, est capitale. Qui est Adolphe ? C'est un jeune noble intelligent, lucide et sensible qui s'éprend de la charmante Elléonore, en ménage avec un respectable notable allemand. Le roman consiste en une longue confession d'Adolphe sur cette liaison, jusqu'à sa fin déchirante et pathétique. L'intérêt du roman, outre la superbe de la langue employée par Constant, tient dans la finesse de l'analyse psychologique des protagonistes, et à sa réflexion lucide sur les engrenages sentimentaux emportant de jeunes âmes inexpérimentées ainsi que leurs fatales conséquences. Pour ceux qui s'intéressent à l'histoire de la littérature, Adolphe est particulièrement digne d'intérêt ; il semble annoncer (sans toutefois en faire partie) le romantisme tout en restant fidèle aux canons du XVIIIe (et, dans une moindre mesure, aux Moralistes). 5/5.

Des larmes et des saints (Emil Cioran) - Courte oeuvre du jeune Cioran (26 ans), donc écrite en roumain, ce qui la distingue des œuvres de maturité du philosophe dans lesquelles il manie le français (et avec quelle dextérité, mais suite à quels efforts !). Malgré la jeunesse, la langue, le contexte, tout Cioran est déjà dans ce petit livre. Il s'agit de variations, dans le sens des Variations Goldberg de Bach, c'est à dire la répétition de petits cycles (parfois une phrase, jamais plus d'une page) sur Dieu, le néant et la souffrance. On y retrouve ce qu'on aime chez Cioran : le style, la profondeur légère, le désespoir amusé. Aussi ce que l'on aime moins : la pose, l'impression permanente que Cioran est en représentation de lui-même et qu'il exagère avec un clin d’œil complice, anticipant à l'avance les réactions du lecteur. Malgré tout, le charme l'emporte largement, et l'intérêt littéraire est au moins égal à l'intérêt philosophique (qui se résume à cela : un Schopenhauer qui feindrait de croire en Dieu parce qu'il a écouté Bach). Bien. 4/5.
Le druide
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Message par Le druide »

Pour lire tout ça, tu te dopes ? :malin1:
bab'trot
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Re: (HS) La Bibliothèque Verte

Message par bab'trot »

Bravo pour toutes les lectures de Marat et notamment T.Bernhard, écrivain autrichien halluciné mais pas très facile à lire: il essaie de reconstituer la folie à travers le monologue final du comte de Sabau, petite rectification, me semble-t-il, Sabau, mais j'ai lu cela il y a 20 ans alors...
Marat Izmailov
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Re: (HS) La Bibliothèque Verte

Message par Marat Izmailov »

> Le druide
Le druide a écrit :Pour lire tout ça, tu te dopes ? :malin1:
^^

Non, j'ai simplement un travail un peu bêta qui me laisse beaucoup de temps libre. Et puis je suis comme tous les drogués : j'ai besoin de ma dose quotidienne, sinon ne je me sens pas dans mon assiette.

> bab'trot
T.Bernhard, écrivain autrichien halluciné mais pas très facile à lire
Perturbation est ma première incursion dans son univers, et d'autres devraient suivre sous peu. C'est un écrivain - comme beaucoup d'autres - sur lequel j'avais lu beaucoup de choses, sans jamais m'aventurer sur ses terres, en retardant le plus possible sa lecture. Malgré tous les commentaires que j'ai pu lire à son sujet ces dernières années, je l'ai trouvé au contraire d'un abord assez aisé : le style m'a semblé relativement conventionnel, et s'il est vrai que le monologue induit une plongée en apnée un peu suffocante, l'ensemble n'est en rien illisible. On est loin d'un Claude Simon, par exemple ; là, c'est une véritable épreuve du feu. Leys avait un commentaire savoureux - et un peu injuste - à son sujet : "à moins d'être un académicien suédois, qui donc voudrait lire Simon ?".
monologue final du comte de Sabau, petite rectification
C'était Saurau dans ma version. Divergence de traduction ? (Ce serait néamnoins étonnant pour un nom, d'autant plus qu'il n'existe qu'une traduction française - celle de Gallimard. Je l'ai lu dans une version epub trouvée dans un obscur recoin du web, mais il me semble qu'il s'agit bien de ladite traduction).
Naar
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Re: (HS) La Bibliothèque Verte

Message par Naar »

Une nouvelle fois excellent, Marat. Merci pour ces précieuses recensions. L'émission sur Dostoïevski était assez passionnante, au passage.
Marat Izmailov
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Re: (HS) La Bibliothèque Verte

Message par Marat Izmailov »

Dernières lectures (S1E09) :

Juste Ciel (Éric Chevillard) - Albert Moindre, comme son nom le laisse présager, ne se distingue guère de la masse de ses contemporains. Ingénieur consciencieux dans le domaine des ponts transbordeurs, sa seule excentricité remarquable consiste en une passion pour la poésie, qu'il pratique en amateur. Une vie moyenne, somme toute, faite de petites joies, de petits épanchements et de petits tracas. Mais Albert Moindre vit une expérience extraordinaire : renversé quelques heures plus tôt (ou était-ce quelques millénaires ?) par une fourgonnette estampillée "Olives & dattes", il a acquis une nouvelle situation : celle d'un mort, dans un au-delà éthéré et étrangement bureaucratique qu'il découvre avec stupeur.
Chevillard s'est forgé une solide réputation dans le petit milieu littéraire français, et s'il n'est pas ce que l'on appellerait un "gros vendeur", il dispose d'un lectorat fidèle et d'une place cardinale dans ce petit monde - en atteste, par exemple, sa critique hebdomadaire (en général assez bonne) dans le très estimé (à tort) "Monde des Livres" et sa présence en bonne place au catalogue des prestigieuses Éditions de Minuit. Cette place n'est pas usurpée : situations cocasses, plume alerte, imagination débordante ; il dispose d'un univers propre que Juste Ciel, son dernier ouvrage, rend immédiatement palpable. Si l'épopée d'Albert Moindre dans l'au-delà est fort agréable à lire, grâce à quelques passages drolatiques et un style enlevé, l'ensemble est tout de même bien plat. L'impression est la même qu'à la lecture de ses fragments : un plaisir délicat, mais évanescent. Se laisse lire : 3/5.

Journal Extime (Michel Tournier) - L'autobiographie, l'autofiction et le journal intime (sous toutes ses formes) ont peu à peu saturé l'espace littéraire. Le Moi gagne chaque jour du terrain, dans les rayons des librairies. Petites misères affectives, sottes considérations psychologiques, vaines ratiocinations narcissiques ; le genre est souvent (pas toujours et heureusement !) médiocre. Michel Tournier oppose à ce diarisme introspectif un journal consignant, lors d'une année entière, des notes sur le monde qui l'entoure. Voilà le sens d'extime, opposé à l'intime : le regard est ici posé sur le Monde, non sur le Moi. Vivant dans un presbytère de la vallée de Chevreuse, il évoque lors de très brèves notules l'évolution de son jardin, des faits lus dans le journal, des conversations tenus avec les habitants de son village, des étonnements sur le monde tel qu'il va. Dans ce journal, la malice côtoie la mort, la littérature fréquente la musique, l'impression laissée par des élèves d'un collège comptent autant que les visites de François Mitterrand. Érudit, profond sans en avoir l'air, d'un style épuré et noble : ces "choses vues", moins politiques mais plus métaphysiques que celles de Hugo (Tournier est avant tout un philosophe contrarié) sont un délice de lecture. Très bien : 4/5.

Les Rêveries du promeneur solitaire (Jean-Jacques Rousseau) - La dernière œuvre du grand Jean-Jacques, d'ailleurs inachevée : la 10ème et dernière promenade fut interrompue par la mort brutale (une crise cardiaque ?) de l'écrivain, en 1778. Rien d'"extime", ici : ces rêveries consignent les mouvements de l'âme du philosophe qui, s'estimant rejeté de tous, nous détaille l'état de ses pensées et évoque d'anciens souvenirs. J'avais lu monts et merveilles de cet ouvrage avant d'en entreprendre la lecture. Je suis tombé de haut. Au cours de ces dix promenades rêveuses, Rousseau use et abuse d'une grandiloquence victimaire, justifie ses forfaits, explique à son lectorat fictif à quel point son âme est belle et bonne. C'est hélas, malgré toute l'estime que ne peut que nous inspirer Jean-Jacques, assez rapidement risible. La partie purement philosophique de l'ouvrage est réduite à portion congrue ; Rousseau y dévoile un chemin du bonheur qui ressemble fort à l'ataraxie stoïcienne d'un Épictète ou d'un Marc-Aurèle. Seulement, à la différence de ces derniers, on ne marche pas dans le jeu du philosophe genevois : expliquant que son bonheur nouvellement acquis vient du fait qu'il a appris à ne pas se soucier du Monde, chaque ligne nous rappelle au contraire son aigreur et sa profonde déception vis à vis de la société. Une réserve également sur le style général de l'ouvrage, qui est lui aussi relativement décevant malgré les beaux éloges que j'avais lu. On notera malgré toutes ces réserves de jolies pages, notamment celles de la cinquième promenade où il se remémore de paisibles journées passées sur une île au beau milieu du lac de Bienne - on y sent poindre les premiers frissons du romantisme. Une belle déception, mais pas de note.

La tentation d'exister (Emil Cioran) - Traité philosophique qui fut, me semble-t-il, l'un des premiers ouvrages de Cioran écrit en français (le premier ?). Au prix de longues insomnies, de gigantesques efforts pour dompter cette langue (une langue selon lui noble et distinguée, enserrée dans une "dignité cadavérique" et dont même Dieu ne pourrait bouleverser la syntaxe), le résultat est là : le style de Cioran est irréprochable - une sorte de Moraliste qui écrirait au XXe Siècle. Dans cet ouvrage, point d'aphorismes ni de variations comme dans "Des larmes et des saints", mais de longs chapitres traitant différents aspects de la pensée du Roumain. Un très subtil chapitre sur les Juifs notamment, intitulé (si mes souvenirs sont bons, je n'ai pas le livre sous la main en ce moment) "un peuple de solitaires". Et, évidemment, les thèmes principaux de Cioran : la mort, la solitude, l'illusion de la Vérité, le mysticisme, Dieu (ou plutôt l'idée de Dieu), l'apogée et le déclin des civilisations (quelques pages prophétiques sur la France, notamment), le corps. Les amateurs de sa pensée s'y retrouveront sans difficultés (mais sans surprises) et les amoureux de littérature seront comblés par la qualité de sa prose. Bon : 3/5.

***

Pas de point "dernières lectures" avant un petit moment, puisque que consacrerai mes congés à la lecture d'un seul auteur - Lermontov. En attendant, je serais ravi de prendre connaissance de vos lectures du moment (ou passées) : n'hésitez pas à animer ce topic !
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Re: (HS) La Bibliothèque Verte

Message par ___ »

@Rousseau : c'est un auteur qui souffre, pour un lecteur contemporain, d'avoir été posé sur un piédestal aussi élevé.
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Re: (HS) La Bibliothèque Verte

Message par Marat Izmailov »

Olaf a écrit :@Rousseau : c'est un auteur qui souffre, pour un lecteur contemporain, d'avoir été posé sur un piédestal aussi élevé.
Cette position n'est tout de même pas imméritée ! Il a une place cardinale dans l'histoire philosophique et littéraire. Il y a quelques semaines encore, je lisais une article très convaincant sur son legs stylistique : à l'opposée du style de Voltaire impeccable mais superficiel et stérile, les libertés de langage prises par Rousseau - faites en partie de maladresses et inventions volontaires ou non - ont eu une grande influence sur les auteurs du siècle suivant.

Je vais lire deux autres de ses œuvres d'ici quelques mois : son Emile et sa Nouvelle Héloïse. J'espère pouvoir consoler ma déception suite à la lecture des "Rêveries". Quant aux "Confessions", je suis freiné par un commentaire drôle et méchant qu'en fait Clément Rosset dans la seconde partie de son Traité de l'Idiotie. Rosset fait du début de cette oeuvre l'un des exemples-type de la grandiloquence la plus pure, et il n'a pas tort :

Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple, et dont l’exécution n’aura point d’imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature, et cet homme, ce sera moi.

Les Rêveries sont confites de ce genre de posture.
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Re: (HS) La Bibliothèque Verte

Message par ___ »

J'ai lu pas mal de Rousseau dans le texte, dont les Confessions, et au delà du côté grandiloquent et mégalo, c'est quand même assez passionnant, ne serait-ce que sur tout ce que tu peux en apprendre et en déduire sur les mœurs de l'époque ;)

Pour préciser un peu ce que je voulais dire, je vais prendre un exemple très trivial... J'ai vu "La Nuit des Morts-Vivants", l'original, pour la première y a 2 ou 3 ans. C'est un film qui a marqué son époque, qui a créé un genre, et qui a inspiré énormément de monde derrière.

Or, moi, qui arrive 40 ans plus tard, j'ai déjà vu des dizaines de films qui ont emprunté à la Nuit des Morts Vivants, voire qui l'ont copié. Donc quand je vois l'original, la source, j'ai beau me dire "c'est lui le précurseur", je n'ai pas l'émerveillement de la découverte ni celui de la surprise, et donc je ne développe pas d'admiration particulière pour ce film.

Mutatis mutandis, il y a de ça avec Rousseau.
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Re: (HS) La Bibliothèque Verte

Message par Couramiaud Poitevin »

Les potins carrée publient régulièrement en ce moment des extraits de "La légende des Verts par ceux qui l'ont écrite" de B Lions, qui sont assz alléchants. Certains d'entre vous ont-ils lu le livre ? Tient-il ses promesses ?
Quel livre me conseilleriez vous sur l'ASSE ?

Pour ma part, il m'est arrivé de lire quelques titres au hasard des achats en brocante et celui que j'ai vraiment trouvé intéressant, c'est "on m'appelle le sphinx", une viellerie de 1983, assez passionnante malgré des non dits évidents.
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Re: (HS) La Bibliothèque Verte

Message par rouge »

Couramiaud Poitevin a écrit :Les potins carrée publient régulièrement en ce moment des extraits de "La légende des Verts par ceux qui l'ont écrite" de B Lions, qui sont assz alléchants. Certains d'entre vous ont-ils lu le livre ? Tient-il ses promesses ?
Quel livre me conseilleriez vous sur l'ASSE ?

Pour ma part, il m'est arrivé de lire quelques titres au hasard des achats en brocante et celui que j'ai vraiment trouvé intéressant, c'est "on m'appelle le sphinx", une viellerie de 1983, assez passionnante malgré des non dits évidents.
Mon livre de référence sur les verts
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Message par bubs »

Le druide a écrit :
Olaf a écrit :Arto Paasilina, ça pourrait te plaire, je pense.
Je viens de commencer "Petits suicides entre amis" et ça à l'air dans la lignée de ce que je cherche :super:
t'as du bol, c'est le meilleur d'après moi.
la cavale du géomètre, un homme heureux, le bestial serviteur du pasteur...
Les autres sont de la même veine mais un peu en dessous pour moi, il y en a même deux trois très pénibles.
Sinon, je suis fan de Murakami, surtout sa période kafka sur le rivage, la ballade de l'impossible.
je ne connais rien d'autre à la littérature japonaise .Quelqu'un auit des titres ?
Enfin, je ne peux m'empêcher de signaler un chef d'oeuvre , avec mes critères, replay de Grimwood.Drole, inventif....
Bonnes lectures
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