Samedi soir, Lilian Compan retrouvera le Chaudron. Nous vous proposons de (re)lire le long entretien qu'il nous avait accordé l'an dernier et de découvrir ses impressions d'avant-match.

D’où vient ta passion du ballon rond ? Peux-tu nous rappeler ton parcours de jeune joueur ?

En fait je ne sais pas vraiment d’où vient ma passion pour le ballon rond. Il n’y avait pas de footballeur dans ma famille, mais j’ai été attiré très tôt par le foot, j’ai toujours adoré ça. J’ai commencé à jouer en club dès l’âge de 5-6 ans, à l’ASPPT de Hyères, ma ville natale. Mon père a vu que j’avais des qualités et que j’obtenais des résultats prometteurs. Du coup, il m’a incité à rejoindre le club phare de la ville, Hyères FC. Jusqu’à l’âge de 14 ans, j’étais tout petit et en plus j’étais surclassé. A l’époque, je jouais numéro 10 et on me reprochait d’être perso ! Ensuite, j’ai pris pas mal de centimètres et je suis monté d’un cran sur le terrain pour me stabiliser au poste d’attaquant. A 16 ans, j’ai rejoint le centre de formation de l’AS Cannes.

Mon copain l’Argentin a une question à te poser : as-tu joué à la Bocca, junior ?

A Boca Juniors ? Heu, non, je n’ai jamais joué en Argentine !

Certes mais tu as joué junior à la Bocca !

Ah, OK ! (Rires). En effet, j’ai joué en junior à l’AS Cannes. Je garde de supers souvenirs de cette période. On a gagné la coupe Gambardella en 1995. La star de l’équipe, c’était Patrick Vieira ! Déjà à l’époque, il était au-dessus du lot et vraiment impressionnant. Dans la foulée, il est parti au Milan AC. A côté de lui, on n’était pas trop talentueux mais certains d’entre nous ont réussi à faire une carrière honnête chez les pros : Patrick Barul qui joue à Lens ; Romain Ferrier, qui a joué à Bordeaux ; Sébastien Chabaud, qui a joué à Nancy et évolue désormais à Charleroi ; Cédric Mouret, qui a joué à l’OM ; Anthony Braizat, qui a joué à Toulouse.

Simone de Beauvoir a écrit : « on ne naît pas femme, on le devient ». Vincent Mac Doom lui a donné raison. Es-tu d’accord pour dire « on ne naît pas buteur, on le devient » ?

Je pense qu’il faut avoir des prédispositions, un certain sens du but. Mais je crois aussi que ça se travaille. Sous la direction de Guy Lacombe, j’ai beaucoup travaillé à l’entraînement pour améliorer mes qualités de buteur. Lors des exercices devant le but, je me montrais souvent le plus adroit. Mais j’ai trouvé mon maître en la personne de David Trézéguet, mon coéquipier en équipe de France des moins de 20 ans. David, c’est sans doute le joueur le plus adroit au monde devant le but ! Parce qu’il était doué à la base, mais aussi parce qu’il a beaucoup bossé, il n’y a pas de secret !

En équipe de France des moins de 20 ans, tu as également eu comme coéquipier un certain Jérémie Janot, que tu as retrouvé cinq ans plus tard à Sainté …

En effet, Jérémie était le troisième gardien de l’équipe de France derrière Mickaël Landreau et Bertrand Laquait, l’ancien gardien de Nancy. Jérémie avait déjà les qualités d’explosivité qu’on lui connaît. Il fait désormais partie des meilleurs gardiens français, et ça ne me surprend pas de le voir à ce niveau actuellement. Il a réussi à s’imposer à Saint-Etienne.

C’est à Cannes que tu as découvert la première division.

Exact. Guy Lacombe m’a fait confiance et j’ai fait mes débuts en première division à l’âge de 18 ans, lors de la saison 1995-1996. Cette année là, j’ai disputé une dizaine de matches en équipe première et j’ai marqué mon premier but en D1, contre Guingamp. Lors de cette saison, j’ai également inscrit quelques buts victorieux en coupe de la Ligue. La saison suivante, j’ai joué une vingtaine de matches et j’ai poursuivi mon apprentissage de la première division. Globalement, je garde de bons souvenirs de ces deux années de D1 : j’ai pu faire mes preuves au plus haut niveau dans un contexte un peu difficile, car l’AS Cannes jouait le maintien.

A Cannes, tu as côtoyé Kader Ferhaoui. Quels souvenirs gardes-tu de ce joueur ?

Je me souviens bien de Kader. Il a joué un rôle important au début de ma carrière car il m’a pris sous son aile. J’ai partagé sa chambre et il m’a transmis son expérience du football professionnel. A 18 ans, j’étais un peu insouciant et j’étais parfois tenté de faire des conneries. Kader a attiré mon attention sur les exigences du haut niveau. C’est le genre de mec que tu écoutes lorsqu’il te donne des conseils, et je lui suis reconnaissant car il a su canaliser ma fougue.

Sous le maillot de l’AS Cannes, tu as joué à Tours ton premier match contre les Verts. Te souviens-tu de cette rencontre ?

Oui, je me rappelle ce match. C’était lors de ma première saison à Cannes, et je me souviens que j’étais titulaire. Le contexte était difficile pour les deux équipes, qui luttaient pour ne pas descendre. Le match se déroulait sur terrain neutre car les Verts avaient écopé d’une sanction disciplinaire. Je n’ai pas réussi à tromper Grégory Coupet, et si ma mémoire est bonne on avait fait 2-2. En fait, le principal souvenir que je garde de ce match, c’est le public : il y avait des supporters des Verts dans tout le stade, déjà à l’époque ça m’avait impressionné !

En 1997, l’AS Cannes t’a proposé de signer pro mais tu as préféré rejoindre l’AJA. Tu n’as pas réussi à t’imposer à Auxerre. Regrettes-tu d’être allé là-bas ?

Oui, s’il y a truc que je regrette dans ma carrière, c’est bien d’être allé à Auxerre. Guy Roux m’a menti à plusieurs reprises. Au début, j’étais content d’avoir signé là-bas, je pensais vraiment qu’il me donnerait ma chance. Guy Roux m’avait dit qu’il comptait sur moi, que mon tour viendrait. Hélas, ça n’a pas été le cas. Les très rares fois où on a fait appel à moi, j’ai fait de bonnes prestations mais ça n’a pas eu de suite. Ma première saison à Auxerre (1997-1998), j’ai mis une dizaine de buts en CFA, mais j’ai rarement été appelé dans le groupe pro. Je n’ai joué que quelques bouts de match. Il faut dire qu’à l’époque, j’étais barré par de très bons joueurs en équipe première : Guivarc’h était le titulaire indiscutable, il a marqué beaucoup de buts et a fait la Coupe du monde dans la foulée. Pareil pour Bernard Diomède. Il y avait également Steve Marlet. Bref, la concurrence était rude. Mais indépendamment de ça, je n’ai jamais senti qu’on me faisait confiance à Auxerre. J’étais un peu tenu à l’écart du groupe pro, et en plus le club rechignait à l’idée de me prêter. Des clubs se sont se sont intéressés à moi, mais l'AJA n'a pas voulu me lâcher en invoquant des raisons financières. J’étais tellement dégoûté qu’à un moment, j’ai même pensé abandonner le football. Avec mon père, on est allé voir Guy Roux. On lui a demandé de me prêter dans un club qui me permettrait d’avoir du temps de jeu et me fasse vraiment confiance. Il a fini par accepter : en 1998, j’ai rejoint Châteauroux, et j’ai fait une bonne saison, en marquant une dizaine de buts pour la Berrichonne.

Avant de le retrouver à Sainté, tu avais joué avec Laurent Morestin à Châteauroux. Peux-tu nous dire quelques mots de ce joueur ?

Oui bien sûr ! J’apprécie beaucoup Laurent. Il est adorable, très sympa et intelligent. C’est un très bon joueur, qui aurait pu faire une carrière encore plus importante s’il avait eu 10 centimètres de plus. Dans le football moderne, c’est très difficile de s’imposer au poste de défenseur central avec son gabarit. Mais Laurent compense par d’autres qualités : son sens du placement, son intelligence de jeu, son excellente détente.

Lors de ta première saison castelroussine, tu as souvent été associé à Florent Malouda en attaque. A l’époque, pensais-tu qu’il avait l’étoffe d’un futur international ?

Tout à fait. Athlétiquement, il était déjà énorme et sa technique était au-dessus de la moyenne. Indéniablement, il avait un gros potentiel. Il a confirmé par la suite et je ne suis pas surpris de le voir à ce niveau. Il est vif, percutant...

A l’issue de ta première année de prêt à Châteauroux, tu es retourné « jouer » à Auxerre. Comme l'écrivain sud-africain André Brink, tu as été l’auteur d’une saison blanche et sèche : deux matches, zéro but !

Je pensais naïvement qu’après une saison convaincante en D2, j’aurais enfin l’occasion de faire mes preuves en équipe première. Hélas, j’ai vite déchanté et j’ai connu les mêmes problèmes qu’au cours de ma première saison à l’AJA : j’étais toujours barré par Guivarc’h, Marlet et Diomède. J’ai pourtant aligné de bonnes prestations en CFA : on a terminé à la première place de notre groupe et j’ai fini meilleur buteur avec 18 buts. Mais Guy Roux a continué de m’ignorer. Il comptait davantage sur Djibrill Cissé et j’ai compris alors que je n’avais plus rien à espérer à l’AJA.

La saison suivante (2000-2001), tu as été prêté à Créteil. Ce n’est pas trop déprimant de jouer toute une saison à Duvauchelle ?

Si, un peu (rires) ! Disons que j’ai connu des publics plus passionnés. Mais bon, j’avais besoin de me relancer. Afflelou venait d’arriver à Créteil et il semblait avoir un projet ambitieux pour le club. En fait, on s’est battus pour ne pas descendre en national. J’ai marqué une douzaine de buts pour Créteil, mais je ne garde pas de supers souvenirs de cette saison et l’ambiance de Duvauchelle était assez ennuyante.

Tu es ensuite retourné à Châteauroux, et tu as terminé parmi les meilleurs buteurs du championnat de D2 avec 14 buts. L’un d’entre eux a été marqué contre Sainté…

Oui, on avait battu les Verts 4-0 à Gaston-Petit. Cette année là, j’ai sûrement réalisé l’une des meilleures saisons de ma carrière. Globalement, je garde un bon souvenir des mes deux années à Châteauroux. La Berrichonne est un club familial et sympathique qui m’a permis de me relancer.

L’été 2002, tu as rejoint l’ASSE à quelques jours de la reprise du championnat de Ligue 2. Pour quelles raisons as-tu choisi de signer à Saint-Etienne ?

A l’intersaison, j’ai été sollicité par plusieurs clubs car Châteauroux n’a pas pu lever l’option d’achat me concernant, la DNCG ayant bloqué tous les transferts. Comme j’étais en fin de contrat à Auxerre, Saint-Etienne et Nice m’ont contacté. A vrai dire j’ai hésité car Nice venait de monter en Ligue 1, alors que Saint-Etienne sortait d’une saison très moyenne en Ligue 2. De plus, ma femme est méditerranéenne comme moi : je suis de Fréjus, elle est cannoise. En signant à Nice, nous serions retournés dans notre région d’origine. Mais j’ai préféré rejoindre l’ASSE, les Verts me faisaient plus envie et je savais que les recruteurs stéphanois me supervisaient depuis plusieurs mois. J’étais attiré par l’identité très forte de ce club, la passion qu’il génère dans le monde du foot.

Enfant et adolescent, étais-tu un supporter des Verts ?
Pour être franc, j’étais plutôt pour l’OM à l’époque car c’est LE grand club du Sud. Mais j’ai toujours aimé Saint-Etienne. Quand je jouais à Hyères, j’ai eu Pierre Repellini comme entraîneur. Poussin, j’ai disputé des matches à Saint-Etienne, sur le petit terrain en synthétique. Même si j’étais très jeune, j’avais conscience que cette ville respire le football. Comme j’étais fan de Laurent Blanc, j’ai suivi avec attention les résultats de Saint-Etienne lorsqu’il a porté le maillot vert.

Te souviens-tu de ton premier match sous le maillot vert ?

Bien sûr ! C’était à Grenoble, lors du premier match du championnat. J’ai remplacé N’Dour en deuxième mi-temps. Sur mon premier ballon, j’ai été descendu dans la surface de réparation mais le gardien grenoblois a arrêté le pénalty d’Alex et on a perdu 1-0.

Alex, parlons-en. Ce joueur de grande classe a fait vivre des moments inoubliables aux fans des Verts quand il jouait en ligue 1, mais de nombreux supporters lui ont reproché un certain manque de motivation en ligue 2. Qu’en penses-tu ?

Alex était un joueur très doué, doté d’un talent énorme. Avec lui, les ballons arrivaient dans les pieds et il m’a offert quelques caviars. C’est très intéressant de jouer avec un gars aussi fort techniquement. Mais bon, c’était aussi un super fêtard. Il n’était pas sûr de rester à Sainté. Manifestement, ça ne l’enchantait pas de jouer en deuxième division et je ne l’ai pas senti impliqué à 100 %. Evidemment, ça restait un joueur précieux car sur un coup de patte, il pouvait faire basculer le sort d’un match. Mais il n’était pas toujours au top physiquement et avait tendance à prendre un peu de poids.

Après tes débuts à Grenoble, tu as disputé ton premier match à Geoffroy Guichard sous les couleurs stéphanoises. Un grand moment pour toi j’imagine !

Ah ça oui ! Quel souvenir énorme … Jouer pour la première fois devant un tel public, ça donne des frissons ! J’avais une telle envie de réussir mes débuts dans le chaudron que je m’étais un peu mis la pression et du coup j’ai été victime d’une petite contracture à la cuisse en fin de match. J’ai dû céder ma place à quelques minutes du coup de sifflet final mais ça reste un super souvenir car on a battu Istres 3-0 pour ce premier match à domicile.

Peux-tu nous décrire ton premier but en vert ?

Heu, non ! (rires). Sérieusement, ça va te paraître bizarre mais j’ai complètement oublié le premier but que j’ai marqué pour Saint-Etienne.

Bon, je te rafraîchis la mémoire. Mercredi 4 septembre 2002, 6ème journée du championnat. L’ASSE reçoit Lorient. Sur un long corner d’Anthony Garcia, David Hellebuyck décoche une frappe violente. Le gardien des Merlus relâche le ballon, et tu surgis en renard des surfaces pour ouvrir le score.

Ah oui ça y’est ça me revient, merci !

De rien ! Lilian, tu as marqué 30 buts sous le maillot vert toutes compétitions confondues. Quel est le plus beau selon toi ?

Mon dernier but sous le maillot vert, celui que j’ai marqué l’an dernier à Gerland. Ma première saison à Sainté, je me souviens aussi que j’en avais mis un pas mal contre Wasquehal : sur un coup franc de David Hellebuyck, j’avais réussi un bel enchaînement contrôle/reprise de volée. Cette année là, j’avais aussi marqué un but sympa contre Laval : excentré, j’avais fait semblant de centrer avant de tirer dans un angle fermé. Un autre but me tient à cœur : celui que j’ai mis l’année de la montée contre Sochaux en demi-finale de la coupe de la Ligue.

As-tu disputé ce soir là ton match le plus intense sous le maillot vert ?

Sans doute. Ce match a été magnifique. Avec le match du titre contre Châteauroux, c’est la rencontre qui m’a procuré le plus d’émotions. L’ambiance était un peu similaire du reste : le public était extraordinaire, j’en avais des frissons. Le match contre Sochaux a été d’une rare intensité. Bien sûr, on a été très déçu de passer si près de la finale, mais on a tout donné et on a pris notre pied. Contre Châteauroux, le dénouement a été plus heureux et on a vécu des moments grandioses. On était porté par le public, et on s’est dépouillé pour arracher la victoire. Quelle fin de match de folie ! Je me souviens qu’on faisait un pressing de malades, jusque dans la surface de réparation. Et ce but de Damien, quelle apothéose !

Avant de vivre ce moment de bonheur intense, tu as connu des moments pénibles à Sainté. La première saison, les soirs de défaite contre Aurillac ou Gueugnon, t’es-tu écrié : « que diable suis-je allé faire dans cette galère ? »

C’est vrai qu’on a galéré une bonne partie de la saison 2002-2003, mais même lorsqu’on était dernier de D2, je n’ai jamais regretté d’avoir rejoint les Verts. On a vécu une année très moyenne, mais on a su redresser la tête après avoir touché le fond contre Aurillac et Gueugnon. C’est pour cette raison que je garde de bons souvenirs de ma première année stéphanoise. Malgré les mauvais résultats, le groupe s’est accroché, est resté solidaire. Evidemment, ça n’a pas été facile, on a été un peu chahuté par notre public. Quelque part, c’était normal, il faut reconnaître que sur certains matches on offrait un bien triste spectacle à nos supporters. Si on avait eu un groupe de cons, l’équipe aurait explosé et le club serait descendu en national. Heureusement, on s’est entraidé dans les moments difficiles et grâce à notre belle fin de saison, on a fini le championnat dans la première moitié de tableau.

Avec quels coéquipiers avais-tu le plus d’affinités sur le terrain et en dehors du terrain ?

J’ai rapidement sympathisé avec Anthony Garcia, et nous sommes restés proches. Je l’ai d’ailleurs revu début avril dernier après le match Montpellier-Caen. Anthony joue maintenant dans l’équipe corpo de Loulou Nicollin. J’ai également des affinités avec Julien Sablé, d’ailleurs nous partons ensemble en vacances l’été prochain. J’ai aussi sympathisé avec Vincent Hognon et Stéphane Hernandez, on se donne des nouvelles régulièrement. Je suis également resté en contact avec Allan Olesen,

Voilà, j’ai cité les joueurs avec qui j’avais le plus d’affinités. Mais je m’entendais bien avec mes autres coéquipiers. Quand j’étais à Sainté, j’ai toujours évolué dans une bonne ambiance. Particulièrement l’année de la montée, car on bouffait souvent tous ensemble. Je pense que c’était un de nos atouts, cette super entente qu’il y avait entre nous. On a partagé des moments difficiles ensemble, on a vécu de grandes choses ensemble. Forcément, ça ne s’oublie pas. Si demain je croise Jérémie par exemple, ça me fera super plaisir de le retrouver pour évoquer cette période et prendre de ses nouvelles.

La saison 2003-2004, tu as été l’un des principaux artisans de la montée en inscrivant 11 buts en championnat. Tu as également contribué activement au superbe parcours des Verts en coupe de la Ligue, en marquant contre Rouen, Lillle, Nice et Sochaux. Ta deuxième saison stéphanoise est-elle la meilleure de ta carrière ?

Oui, je le pense. Ma deuxième saison à Châteauroux était bonne, mais le contexte était un peu différent. C’est lors de ma deuxième saison stéphanoise que j’ai le plus progressé dans ma carrière, et je le dois en grande partie à Frédéric Antonetti.

Dans quels domaines as-tu progressé grâce à lui ?

Frédéric Antonetti m’a permis de progresser mentalement. Il mettait l’accent sur le mental et voulait qu’on fasse preuve d’abnégation, de persévérance. Sous sa direction, l’équipe ne lâchait rien. C’était un peu sa marque de fabrique. On était solides, solidaires et notre détermination a fini par payer. Dans ses causeries d’avant-match, il insistait souvent sur l’importance des premiers duels. Il me citait fréquemment quand il s’adressait au groupe, j’en étais même un peu gêné. Antonetti disait : « si Lilian réussit son premier ballon, on va tous réussir un bon match ». Ses propos me mettaient un peu la pression, je n’avais pas intérêt à louper mon entame de match (rires).

J’ai également progressé dans le jeu grâce à Frédéric Antonetti. J’ai amélioré mon positionnement sur le terrain et j’ai sensiblement progressé dans les replis défensifs. J’ai également étoffé mon registre d’attaquant. Jusqu’alors, j’étais plutôt habitué au 4-4-2, et j’ai dû m’adapter au schéma de Frédéric Antonetti, qui prônait le 4-3-3. J’ai une légère préférence pour le 4-4-2, mais j’ai apprécié le 4-3-3 d’Antonetti. J’étais souvent seul en attaque, mais ça ne me dérangeait pas car je bénéficiais des centres de Frédéric Mendy et Nicolas Marin, des ailiers vifs et percutants.

Comment as-tu réagi en apprenant le départ de Frédéric Antonetti ?

Au début, j’ai été surpris de voir que les dirigeants tardaient à le reconduire. Le temps passait et les discussions s’éternisaient. Ce n’était pas bon signe, et pendant cette période j’appelais souvent Julien Sablé, qui en tant que capitaine avait une relation privilégiée avec Frédéric Antonetti. Lorsque l’annonce du départ d’Antonetti a été officialisée, j’ai été déçu, forcément. Sous sa direction, on a vécu une belle aventure sportivement et humainement. Le voir quitter le club alors qu’on venait de monter en ligue 1, c’était bizarre et un peu incompréhensible. Avec Guy Lacombe, c’est l’entraîneur qui a le plus compté pour moi depuis le début de ma carrière. J’avais peur que son départ casse la belle dynamique qu’il y avait au sein du club.

Lors de ta troisième et dernière saison sous le maillot vert, tu as perdu ta place de titulaire. Comment as-tu vécu cette situation ?

A l’intersaison, plusieurs joueurs offensifs ont été transférés à Saint-Etienne : Frédéric Piquionne, Anthony le Tallec, Pascal Feindouno. Titulaire les deux saisons précédentes, je me suis retrouvé sur le banc. Forcément, j’étais déçu mais c’était le choix d’Elie Baup.

Entretenais-tu de bonnes relations avec Piquionne ?

La relation que j’entretenais avec Fred était très saine, très correcte. Il était titulaire, j’étais remplaçant, c’est la loi de la concurrence. Personnellement, j’aurais aimé jouer en attaque avec lui. Elie Baup pensait sans doute que nous n’étions pas complémentaires et il a préféré lui associer d’autres joueurs. Je respecte ce choix, mais je reste persuadé que mon association avec Piquionne aurait pu être efficace. Je me souviens que Fred était l’auteur du centre sur le but que j’ai marqué en fin de match contre Rennes, en début de saison.

Quid de tes relations avec Elie Baup ?

Elles étaient également excellentes. Vraiment ! Il a été très clair avec moi en début de saison. Evidemment, j’aurais aimé qu’il me fasse jouer davantage. A défaut de me titulariser, il m’a fait confiance dans le rôle de joker. J’ai tout de même joué une vingtaine de matches avant ma blessure. Elie Baup me faisait souvent entrer en fin de match pour que j’apporte mon expérience sur le terrain.

Penses-tu que ton léger manque de vitesse constitue un handicap pour t’imposer pleinement en Ligue 1 ?

Non. C’est vrai, je manque un peu de vitesse mais je pense avoir d’autres qualités. Le milieu du foot m’a collé depuis plusieurs années une étiquette de buteur de D2. Je n’arrive pas à m’en défaire. Actuellement, dans le foot, le stéréotype de l’attaquant moderne est Thierry Henry. Le discours dominant aujourd’hui, c’est qu’un attaquant doit impérativement avoir des qualités de vitesse pour s’imposer au plus haut niveau. Je ne partage pas cet avis. La rapidité peut être un atout, mais à mon sens un attaquant doit disposer d’autres qualités : l’adresse devant le but, la percussion, le sens du placement, de l’anticipation. Je ne prétends pas avoir leur niveau mais prends des joueurs comme Trezeguet ou Pauleta : ils ne sont pas rapides mais ils sont extrêmement adroits devant le but.

En ce qui me concerne, je t’avoue que j’avais une petite appréhension quand j’ai retrouvé la première division. J’avais peur de prendre une claque, de donner raison à ceux qui considèrent que je ne suis qu’un petit joueur de D2. Avec le recul, et même si j’ai relativement peu joué, j’estime que j’ai le niveau de la Ligue 1.

Malgré un temps de jeu en effet limité (l’équivalent de 7 matches entiers), tu as trouvé quatre fois le chemin des filets lors de la saison 2004-2005 : un coup de tête rageur contre Rennes, un jaillissement au second poteau contre Caen, un péno contre Auxerre histoire de faire bisquer Guy Roux et ce tragique dernier but contre Lyon … Quel souvenir gardes-tu de ce match à Gerland ?

Je me souviens qu’on avait fait une bonne première période, mais le but de Wiltord juste avant la pause nous avait fait très mal. Ensuite, il y a eu cette entame catastrophique en seconde période. A 3-0 on était vraiment mal ! Heureusement, on su réagir. Pour moi, c’était inconcevable que les Verts se fassent ridiculiser à Gerland. Je suis fier d’avoir réussi à monter de quoi on était capable en revenant dans le match au courage. Evidemment, la principale image que je retiens de ce derby, c’est quand je me blesse en marquant notre deuxième but. J’ai tout de suite ressenti une douleur très vive, anormale, et je savais que c’était sérieux. J’ai été opéré trois jours plus tard. Cette double fracture du tibia m’a rendu indisponible jusqu’à la fin de la saison. C’est vraiment dommage, car sans cette blessure, j’aurais pu participer à la belle fin de saison des Stéphanois.

Ta blessure a touché les supporters stéphanois. Lors du match suivant (le neigeux Saint-Etienne-Marseille), ont pouvait lire des banderoles en ton hommage : «Compan, tous avec toi », côté Green Angels. « Courage Lilian » du côté des Magic.

Oui, j’ai été très sensible à ces marques de sympathie. Au cours de ma convalescence, de nombreux supporters m’ont adressé des messages de prompt rétablissement. Mes coéquipiers et mes dirigeants m’ont également encouragé.

Sous contrat jusqu’en 2006, les dirigeants semblaient compter sur toi : fin mai 2005, tu as prolongé ton contrat avec l’ASSE jusqu’en 2007. Un mois plus tard, tu étais transféré à Caen !Comment as-tu vécu ce départ de Saint-Etienne ?

Très mal ! J’ai vécu de grandes choses à Saint-Etienne, j’étais attaché à ce club. J’ai été dernier de D2 avec ce club, j’ai progressé avec lui, je ne comptais pas m’arrêter là ! J’avais envie de poursuivre l’aventure, de participer à la coupe Intertoto, etc. Bref, je ne voulais pas partir car je me sentais bien à Saint-Etienne…Mais à mon retour de vacances, tout s’est précipité…

Comment ça s’est passé ? A ton retour, on t’a dit « Lilian fais tes valises ! » ?

Oui, c’est quasiment ça…

Ton départ était-il lié à l’arrivée de Sébastien Mazure ?

Oui, on ne m’a pas trop laissé choix.

Baup voulait-il te garder ? As-tu fait le point avec lui en fin de saison ?

Je ne sais pas s’il souhaitait me garder, je n’ai pas pu discuter avec lui. Je n’ai pas réussi à l’avoir au téléphone.

Si tu étais resté, aurais-tu accepté d’avoir aussi peu de temps de jeu que l’an dernier ?

Oui. J’avais dit que si je repartais sur les mêmes bases que l’an dernier, c’est-à-dire remplaçant de Fred en début de saison, ça m’irait. Ensuite, j’aurais essayé de gagner ma place, et quoi qu’il en soit, j’aurais respecté le choix de l’entraîneur, comme je l’ai toujours fait. Mais le club voulait Sébastien Mazure, on m’a fortement incité à partir.

Quand tu dis « le club voulait Mazure », tu parles d’Elie Baup ou de Bernard Caiazzo ?

Je parle de Bernard Caiazzo. Je peux me tromper, mais il me semble que c’est lui et pas Baup qui tenait à ce que Mazure vienne à Saint-Etienne.

A défaut d’avoir pu discuter avec Elie Baup de ton avenir en vert, as-tu rencontré Bernard Caiazzo avant de partir à Caen ?

Oui. Il m’a dit clairement qu’il souhaitait que je parte, compte tenu de l’arrivée de Sébastien Mazure. Il a pris soin de rajouter « mais tu peux rester si tu veux ». Mais bon, j’ai compris le message, je n’avais pas vraiment le choix et j’ai signé à Caen.

As-tu quelques regrets d’être passé si près d’une finale au Stade de France avec Saint-Etienne ?

Oui. J'’étais dans les Tribunes du Stade de France pour voir la finale de la coupe de la Ligue Nancy-Nice. Il y a avait Frédéric Antonetti sur la pelouse. Forcément, j’ai repensé alors à ces deux demi-finales perdues contre Sochaux et Strasbourg. Ah, on est passé si près de cette finale.. Contre Sochaux, on menait quand même 2-0, mais on avait fait un super match. La demi-finale contre Strasbourg, on est passé à travers, pourtant cette équipe était prenable. Mais bon, c’est le passé. J’espère que les Stéphanois découvriront un jour au Stade de France, les supporters mettraient alors une ambiance énorme ! 

Quels souvenirs gardes-tu de la région stéphanoise ?

De très bons souvenirs. J’habitais à Bouthéon et avec ma famille on a particulièrement apprécié la région. Même si on est originaire du sud, on a gardé des amis, des attaches là-bas.

Quel bilan tires-tu du début de saison caennais collectivement et personnellement ?

Collectivement, le bilan est moyen, pas super. On a joué cinq matches et on n'a que quatre points. Vu ce qu'on a montré sur le terrain, je trouve que le bilan comptable est un peu dur, pas mérité. Nos défaites contre Nancy et Marseille étaient logiques, méritées. Par contre on aurait dû battre Sochaux et faire un nul à Auxerre vu la physionomie de ces deux matches. Mais je ne suis pas inquiet car on a un fond de jeu intéressant. On manque de réalisme mais on joue pas mal, on progresse collectivement. Je pense qu'on a les qualités requises pour atteindre l'objectif du club : le maintien.

Individuellement, je suis assez satisfait de ce début de saison. Au tout début ça a été un peu dur car j'étais sur le banc. Mais fidèle à mes habitudes, je me suis défoncé à l'entraînement, je n'ai rien lâché. J'ai voulu prouver à l'entraîneur qu'il pouvait compter sur moi et que j'avais des qualités qu'il pouvait exploiter en m'alignant d'entrée.

Que penses-tu du début de saison des Stéphanois ? As-tu vu certains de leurs matches ?

J'ai seulement vu des bouts de match. Lors du derby par exemple, j'ai regardé des passages mais je n'avais pas envie de voir tout le match. Je n'ai pas pu, ça m'aurait rappelé des mauvais souvenirs. J'ai l'impression que Saint-Etienne a un gros potentiel cette saison. Il y a d'excellentes individualités dans le groupe stéphanois mais collectivement les Verts semblent perfectibles. Si les joueurs arrivent à mettre leurs grosses qualités individuelles au service de l'équipe, Sainté peut faire mal cette saison.

A quelle place vois-tu les Verts à la fin du championnat ?

Difficile de répondre ! Ils ont le potentiel pour finir dans les dix premiers. Si jamais ils tardent à trouver la bonne formule et que chacun joue pour sa gueule en tentant de faire la différence isolément, ils peuvent vivre une saison difficile. Mais je pense que ce ne sera pas le cas, ce sont des mecs intelligents.

Que penses-tu du départ de Julien Sablé, Vincent Hognon et Hérita Ilunga ?

De bons joueurs ayant fait remonter le club ne sont plus là... C'est vrai que ça fait bizarre ! Finalement y'a plus que Jérémie qui est encore là ! Je me doutais qu'Hérita allait partir, j'ai été un peu surpris par le départ de Julien même si je le comprends. Par contre j'ai été vraiment étonné par le départ de Vincent. Personnellement je trouve ça dommage. On aurait pu penser que le club garderait de tels joueurs pour encadrer les nombreux jeunes. Ces joueurs sont partis alors qu'ils avaient des valeurs et une mentalité collant parfaitement à l'ASSE. OK, ils sortaient d'une saison difficile mais un mec comme Vincent par exemple aurait pu encore apporter beaucoup à Saint-Etienne.

Te souviens-tu de ton dernier but à Geoffroy-Guichard ?

Je crois que c'était contre Rennes.

Contre Caen en fait !

Ah oui ça me revient, j'étais entré en fin de match et j'avais marqué le cinquième but.

Peux-tu nous assurer que c'est bien ton tout dernier but à Geoffroy-Guichard et qu'il y aura le même score samedi ?

C'était mon dernier but à... domicile sous le maillot vert ! Le score sera inversé samedi ! (rires)

Après avoir eu l'outrecuidance de marquer le but de la victoire caennaise contre les Aiglons de ton ancien entraîneur Antonetti, auras-tu l'indécence de claquer un pion contre ton ancien club dans le Chaudron ?

Oui parce que c'est mon boulot. Je ferai en sorte d'honorer mon maillot même s'il n'est plus vert. Mais si d'aventure je venais à marquer contre les Verts, je ne montrerai pas de signe de joie.

C'est ton côté Kastendeuch, respect ! Seras-tu titulaire demain ?

Je ne sais pas mais je pense que oui.

Côté stéphanois, Nivaldo et Tavlaridis sont suspendus. A ton avis, quels joueurs composeront la charnière centrale ?

Je verrais bien Bayal Sall et Loïc Perrin.

Si le Chaudron te réserve un accueil formidable, peux-tu nous promettre de te tenir à (pascal) carreau pendant tout le match ?

Je ne peux pas vous le promettre (rires). Comme je l'ai toujours fait dans ma carrière, je me défoncerai pour aider mon équipe à faire un bon résultat. Même si c'est au détriment d'un club qui m'est si cher !


Lilian, je te propose de répondre au questionnaire de Proust revu et corrigé par poteaux-carrés.

Ton équipe préférée ?

Saint-Etienne

L'équipe que tu détestes ?
Mmm. Non, ce serait méchant.

Allez Lilian, lâche-toi, t’allais dire quelque chose !
Heu, ouais, en fait j’allais dire Lyon (rires)

Ton geste technique favori ?
Le contrôle orienté.

Le son, le bruit du stade que tu aimes ?
L’ambiance de Geoffroy Guichard.

Le son, le bruit du stade que tu détestes?
L’ambiance de Duvauchelle.

Ton juron, ton gros mot ou blasphème favori lors d'un match ?
« La con de tes morts ! »

Lacombe t’es mort ? Fouilla, le prochain derby va être chaud !
(Rires) Non, "la con de tes morts", c’est une expression du sud !

Un footballeur pour illustrer un nouveau billet de banque ?
Je ne vais pas être très original : Zidane.

Le métier du foot que tu n'aurais pas aimé faire ?
Entraîneur-adjoint.

Le joueur, l'entraîneur ou l'arbitre dans lequel tu aimerais être réincarné?
Le joueur : Christian Vieiri. L’entraîneur ? J’hésite entre Guy Lacombe et Frédéric Antonetti. L’arbitre ? Heu, non merci, j’aime pas les arbitres (rires).

Si le Dieu du foot existe (on aurait entraperçu sa main lors d'un Angleterre-Argentine resté célèbre), qu'aimerais-tu après ta mort, l'entendre te dire ?
J’aimerais qu’il me dise : « Lilian, tu peux m'faire un autographe s’teu plaît » (rires).