La victoire contre Bordeaux constitue le quatrième match consécutif sans défaite pour des Verts qui sont bien entrés dans le sprint final. Et qui commencent à regarder vers la troisième place...


Même diminué par des absences, l'adversaire du jour avait sèchement battu une semaine plus tôt un concurrent direct, Marseille. Le match ne s'annonçait donc pas comme une simple formalité et il a été pris au sérieux par les joueurs et par le staff. Si les Girondins ont réussi à faire déjouer les Verts pendant un moment, la différence de qualité, technique et tactique était bien présente et peu à peu les Stéphanois ont pris le dessus sur leurs adversaires. Dans les mots de Jean-Louis Gasset, "cette victoire, on l’a construite. On a souffert en première mi-temps parce que Bordeaux nous a imposé un pressing très haut et on arrivait moyennement à s’en sortir (...) Par contre, en deuxième mi-temps, on a eu la maîtrise du jeu". Mais avant d'illustrer ces propos avec quelques exemples, regardons de plus près le système tactique utilisé.
 

Système de jeu

 
Comme à sa récente habitude, Bordeaux a évolué avec une défense à 3, dans un système 3-4-3...


... et le staff stéphanois a fait le choix de répondre en utilisant le même système. Sans Vada (pas qualifié contre son club prêteur) et Aït Bennasser (pas prêt physiquement pour tenir tout le match), c'est Cabella qui a été positionné en milieu axial, à côté de M'Vila.

Ce 3-4-3 des Verts est différent du système utilisé en janvier-février (pendant l'absence de Debuchy et la présence de KMP et Silva), surtout au niveau des offensifs comme nous le verrons plus tard. Les changements effectués pendant la 2MT n'ont rien modifié, le système tactique a été préservé :


A la 75e, juste après le but du 2-0, Polomat est entré à la place de Nordin. Et Aït Bennasser a pris la place de Cabella, qui a pris celle de Khazri, qui a pris celle de Beric, qui est sorti. Mais le système n'a pas changé. Et le dernier changement a été du poste pour poste, Diony pour Khazri :


Les Girondins étaient passés en 4-2-4 à la fin, pour essayer de réduire le score, sans succès.


Pressing et jeu sur les côtés

 
Si en janvier-février on parlait d'un 3-4-1-2 pour les Verts, avec donc un offensif en soutien de deux attaquants, les trois offensifs contre Bordeaux étaient plutôt sur la même ligne. Ce détail à son importance comme nous le verrons sur deux exemples - avec aussi un passage sur le pressing adverse auquel Jean-Louis Gasset faisait référence.

A la 5e minute, Ruffier joue avec Saliba :


Les deux systèmes sont bien en place, le 3-4-3 stéphanois contre le 5-2-2 bordelais, un de leur attaquants étant aux soins au bord du terrain. Quand les défenseurs commencent à se faire des passes, le pressing adverse se déclenche :


Kolo reçoit le ballon et il est immédiatement pressé par un attaquant. Il échange avec M'Vila...


... mais un milieu axial vient aussi, enfermant ainsi le jeu dans ce coin du terrain. De plus, il y a un marquage individuel sur Cabella. Sans solutions, Kolo essaye une balle lobée le long de la ligne mais ça sort en touche. Un mauvais contrôle girondin redonne la possession à l'ASSE et Kolo remet en jeu sur Cabella :


Bordeaux se trouve de nouveau à 11 contre 11, le pressing est haut et Cabella écarte sur Saliba...


... qui porte le ballon vers la droite où Debuchy attend. Comme tout à l'heure, dès qu'un défenseur central excentré a le ballon, un attaquant va au pressing. Mais Saliba ne panique pas...


... et combine avec Cabella qui avait traversé toute la largeur pour lui offrir une solution... et en même temps se défaire du marquage. Un une-deux et le pressing est déjoué, Saliba peut monter balle au pied, surtout que devant lui se trouvent Debuchy et Hamouma. Il sert le second :


La défense à 5 de Bordeaux est en place mais le latéral gauche (normalement en charge de Debuchy) doit sortir sur Hamouma qui le dribble. Le décalage est fait :


Hamouma sert en profondeur Beric qui écarte sur Debuchy. Les deux derniers défenseurs surveillent Khazri, dans l'axe, pendant que Nordin arrive libre au 2e poteau. Malheureusement, son tir n'est pas cadré.


Si normalement dans un système à 3 défenseurs les couloirs sont pour les pistons, deux des 3 offensifs stéphanois ont eu comme consigne de s'excentrer aussi. Ce qui a permis donc aux Verts de créer du surnombre sur les côtés, comme dans cet autre exemple à la 26e :


Ça commence à droite avec une touche de Debuchy pour Cabella et un ballon mis en retrait à Saliba. Sans être impressionnés par les trois attaquants adverses, les Stéphanois font circuler le ballon :


Le latéral gauche girondin monte près de son adversaire direct, Debuchy. Comme Khazri est collé à la ligne de touche aussi, toute la défense adverse coulisse vers la gauche, ce qui laisse Hamouma et Nordin seuls de l'autre côté. Saliba et M'Vila gardent leur calme malgré le pressing adverse...


... et le dernier écarte le jeu sur Kolo. Les transmissions ne sont pas très rapides, les Bordelais se remettent en place :


Ballon à un défenseur central excentré stéphanois, donc pressing d'un attaquant. Ballon arrivé à un piston, donc sortie du latéral adverse. Et Hamouma excentré, qui plonge dans son dos. Nordin élimine son adversaire direct...


... et combine avec Hamouma pour éliminer un défenseur central. Le une-deux est très bien joué et Nordin arrive dans la surface :


Son centre est contré par un défenseur : il y avait très peu de soutien, seulement Beric se trouvait dans la surface - Khazri et Debuchy, pourtant bien placés de l'autre côté sur l'image précédente, n'ayant pas suivi.


Les chiffres ne disent pas tout

 
Le coach stéphanois parle d'une différence significative entre les deux périodes, avec beaucoup plus de maîtrise pour les Verts après la pause. Généralement ce genre de différence est visible dans les chiffres, dans les statistiques de base, mais ce n'est pas le cas ici. En 1MT, 50-50 de possession, 77% passes réussies par l'ASSE et 79% pour Bordeaux. Plus de tirs pour les Stéphanois (7 à 3), mais égalité pour les tirs effectués dans le jeu, de la surface (2 chaque). Bref, équilibré. En 2MT, 51-49% possession, 81-80% passes réussies, une différence importante aux tirs (10 à 2), mais un seul tir (à zéro) dans le jeu de la surface.

Ces chiffres indiquent donc deux périodes qui se ressemblent. En partie, parce qu'il s'agit d'une moyenne. C'est une toute autre histoire si on regarde des moments en particulier, comme par exemple le retour des vestiaires. Entre le début de la 2MT et le moment où le ballon touche la main d'un adversaire pour le penalty stéphanois, les Verts affichent 73% de possession et réussissent 84% de leurs passes, pendant que leurs adversaires en ratent plus d'une sur deux (47%) ! Une sacrée différence avec la moyenne qui montre tout simplement que les Stéphanois ont emballé le match après la pause pour provoquer l'ouverture du score.


Quand on voit que tous les buts sont marqués sur CPA (penalty ou corners), on peut en déduire que la différence n'a pas été faite dans le jeu. Mais c'est différent si on s'intéresse à comment ces CPAs ont été obtenus. Pour le premier on a démontré à base des chiffres une large domination dans les minutes qui le précèdent. Pour le deuxième, il vaut mieux regarder l'action :


Bordeaux a la possession et construit une attaque à droite. Le bloc 5-2-3 stéphanois est en place, Nordin sort sur son adversaire direct, un des trois attaquants reçoit le ballon dans son dos. Il est bien enfermé sur ce côté, mais il arrive à passer le ballon à un coéquipier...


... Perrin jaillit alors et récupère la balle dans ses pieds, avant de servir Khazri plus haut. Un contre démarre avec Cabella décalé à gauche...


... qui porte un peu le ballon avant de servir en profondeur Hamouma, auteur d'une très longue course. Il arrive en position de centre et dans la surface...


... Beric se trouve en un-contre-un, une situation très à son avantage. Cabella et Khazri se projettent aussi mais Hamouma préfère temporiser et finalement jouer en retrait avec Nordin :


Le ballon arrive à M'Vila et comme Debuchy est complètement libre du côté opposé, on peut s'attendre à une transversale. Elle n'arrive pas, c'est Saliba qui est recherché par la passe. Lui non plus ne joue pas avec Debuchy...


... mais avec son capitaine qui écarte sur Kolo. Les Verts gardent le ballon et font courir leurs adversaires qui reforment leur bloc défensif, mais pas très bien :


5-2-3 en place, mais pas les milieux, loin de leurs adversaires directs. M'Vila et Cabella en profitent naturellement : ils combinent dans l'axe et le dernier se retrouve face au jeu et à la défense. Les appels sont bons : Hamouma va vers l'axe, amenant le latéral avec lui, laissant donc le couloir à Nordin qui est servi et qui centre :


C'est repoussé par un défenseur et les Bordelais mettent le pied sur le ballon en essayant de le garder et de le sortir proprement. Ça vaut le coup de regarder à la fois le positionnement de Debuchy (au 2e poteau à l'entrée de la surface au moment du centre) et d'un attaquant girondin, libre dans l'axe, prêt pour un contre. Parce que 9 secondes plus tard, quand le ballon est enfin sorti de cette zone...


... Debuchy avait parfaitement anticipé le jeu ! Il intercepte donc la passe et comme Cabella se projette de nouveau, il le sert :


Hamouma, Khazri et Beric sont maintenant très axiaux et Cabella peut s'appuyer sur eux. Il essaye un une-deux avec le premier mais un défenseur s'interpose. Et quand il essaye de sortir le ballon en s'appuyant sur un attaquant...


... c'est l'autre piston, Nordin, qui est présent et qui récupère le ballon ! Il cherche une solution de passe, qui vient par le déplacement de Cabella :



Servi, il entre dans la surface mais son centre à destination de Beric est contré : corner, et Debuchy marque son premier but de la soirée. Un but qui vient donc sur un CPA mais qui n'était que la suite d'une longue action qui a vu les Girondins assiégés dans leurs 30m, incapables d'en sortir.


 
 

Conclusions

 
Un système de jeu plutôt inhabituel - mais bien calé sur celui de Bordeaux - et des joueurs pas vraiment à leur place (Cabella en milieu défensif, Nordin en latéral gauche). Des éléments qui auraient pu avoir une incidence sur le déroulement du match, surtout que les adversaires n'ont pas fait des cadeaux avec leur pressing haut. Mais les Verts ont su accélérer et hausser le niveau quand il fallait, poussant les Bordelais à la faute. Et finalement le match s'est fini avec une large victoire qui non seulement permet aux Stéphanois de conserver l'avance sur leur poursuivants, mais aussi se rapprocher de leur vilain voisin. Dans les mots de Jean-Louis Gasset, "on regarde en bas, on a deux points d’avance. On regarde en haut, on a trois points de retard". C'est une course aux places européennes qui sera serrée jusqu'au bout et si on peut faire tous les calculs qu'on veut, le plus important c'est de bien aborder les matchs qui restent, les uns après les autres. Et ce match en a été un très bon exemple.