Originaire de la Loire, mais habitant depuis 20 ans en Catalogne, il fait partie de la génération « intermédiaire » : celle qui n’a pas connu la décennie magique et l’épopée (de peu), mais qui a quand même un certain recul puisqu’ayant plutôt ramé dans les tempêtes et désillusions (caisse noire, descentes, les portes du dépôt de bilan et du National, faux passeports…). Quatre décennies de fidélité aux verts, malgré les vaches maigres, contre vents et marées.


Papa de 3 enfants, dont un footeux de 10 ans contaminé par la fièvre verte, forestier, aimant travailler le bois, brasseur amateur, et adepte des énergies vertes, il passe ses vacances à voyager en tandem (vert) à travers la France et l’Europe.

Pseudo : Vert Mouthe


Localisation : Dans les Pyrénées-Orientales, en territoire catalan, depuis 1998.


Premier match à Geoffroy-Guichard ?

Le 12 septembre 1981. J’allais vers mes 9 ans, mon frère (La Bassouille) 7 ans. Mon père avait bien fait les choses : pour un baptême, c’était le derby ! Avant d’entrer dans le chaudron, passage obligé par la boutique des Verts, pour une « mise aux couleurs » et nous voilà affublés de bobs verts avec la panthère (bob que je perdrai 17 ans plus tard, un soir en kop nord, sur une descente suite à un but. D’ailleurs, à ce propos, si c’est un potonaute qui l’a récupéré, ça serait sympa qu’il me le rende). En ce temps là (au siècle dernier), les supporters étaient mélangés. Nous étions en tribune Faurand, côté sud. Juste devant nous, deux supporters lyonnais avec des grosses caisses et tambours. Apprenant que c’est notre premier match, ils n’arrêtent pas de nous chambrer tout le long de l’avant match, pendant le lever de rideau, nous disant qu’on s’est trompé de couleurs, qu’on peut encore changer et revenir dans le droit chemin. Le match débute. Je n’ai même pas le temps de savourer l’ambiance que Noguès marque au bout de 40 secondes. Platini double la mise 10 minutes plus tard. La messe était dite : on n’a plus entendu ni de tambour, ni de remarques supplémentaires. Au final, un « petit » 4-0 dans le derby, avec 2 nouveaux buts de Nielsen et Noguès, pour une première… Que du bonheur.


Premier souvenir de supporter ?
Mon premier souvenir est allié à une cuisine, dans une cité EDF, au 5ème étage. Chaque samedi soir, le rituel : pendant que ma mère regardait la télé dans la pièce d’à côté, nous nous installions à trois, mon père, mon frère et moi autour d’une petite table en formica blanc. Au milieu de celle-ci, un vieux transistor noir et gris, tirant son énergie d’une pile carrée de 4,5 volts, à partir de deux languettes, une longue et une petite. On bouge l’antenne, on la pivote, tout en tournant le bouton des fréquences jusqu’à trouver un multiplex audible. Devant moi, j’avais une feuille sur laquelle je vivais la journée de championnat en notant l’évolution des scores et en gribouillant au fur et à mesure un classement en direct, pendant que mon frère dessinait les descriptions de buts retranscrites par des commentateurs vivants

Et puis, il y a eu ce premier entrainement dans mon premier club de foot dans le Rhône. J’arbore fièrement mon maillot KB Jardin. On joue sur un stabilisé. Et au milieu de l’entrainement, je me prends un tacle à la Tolisso. Je vole, j’atterris durement sur le gravier rose, j’ai l’épaule rapé… Mais je pleure surtout parce que mon maillot vert tout neuf est déchiré. Rapiécé et recousu par maman, ce maillot fera quand même toute la saison d’entrainement sur mes épaules avant que l’on déménage l’année suivante sur la Loire, où je signe dans un club vert : le CA Pélussin.


Qui t'a fait découvrir ce club ?

Mon père. Un immense Merci à lui…Et pourtant, nous étions en terre hostile. A l’époque, nous habitions dans le Rhône. Nous avions comme voiture une coccinelle verte. Sur chaque côté, il y avait un grand autocollant de l’ASSE, d’un côté l’écusson avec la panthère, de l’autre le palmarès. Il nous racontait ses matches à Geoffroy-Guichard, du temps où les tribunes populaires (qui ne s’appelaient pas encore « Kop ») n’avaient pas encore de toits, ainsi que l’épopée et la finale de 1976 où, à trois ans et demi, j’étais trop jeune pour comprendre que la légende se jouait en ce printemps.

 
Joueurs Verts préférés (toutes époques confondues) ?

Difficile de sortir quelques joueurs sur les quatre décennies traversées avec l’Amour des Verts. D’autant qu’une équipe, c’est un ensemble, un bloc, et non pas onze individualités. Et qu’un joueur excellent sorti de son cocon peut se révéler très quelconque ailleurs… Par exemple, le triptyque « Ouedec-Pedros-Loko »… éclatés dans d’autres clubs, ce fut très moyen pour chacun. Une équipe, c’est une mayonnaise, une osmose. Onze joueurs moyens peuvent devenir redoutables soudés ensembles.

Sainté a souvent priorisé le groupe à la star, le don de soi pour le collectif, comme dirait Mémé.

De ce fait, il y a souvent plutôt eu des duos de joueurs phares et emblématiques que des individualités : Ribar/Daniel, Garande/Tibeuf, Blanc/Cyprien, Alex/Aloisio, Aubameyang/Brandao.

Au cours du premier entrainement auquel j’ai assisté, j’ai été impressionné par le Paraguayen Carlos Duarte qui, besogneux, s’entrainait seul dans un coin, à faire des têtes d’une puissance terrible, avec un ballon de basket ! Une montagne andine. Il avait d’ailleurs claqué plusieurs buts de la tête.

J’aime beaucoup les joueurs discrets, mais efficaces, du type Sivebaek, Kvarme, Hellebuyck, El Haddaoui, Perrin.

Janot, pour tout ce qu’il représente : la fierté du maillot, le travail, le talent malgré la petite taille (étant moi-même pas très grand), l’intelligence de ses discours, la ténacité, la fidélité.

Et puis surtout Lubomir Moravcik qui a illuminé Geoffroy-Guichard, mes soirées collées à la radio, où la voix s’extasiait du jeu du slovaque, ou devant la télé de l’internat. Et pourtant, je me rappelle avoir été désespéré et dubitatif lors de son recrutement en cours de Coupe du Monde où il a reçu un carton rouge pour cause de mauvaise humeur et de perte de chaussure.


Autres clubs ou joueurs favoris ?

Niveau joueur, Rocheteau. C’était le joueur préféré de mon père. Il m’a transmis le virus sur ce gars qui était mon exemple : aucun carton pris et aucun cinéma sur les nombreux taquets qu’il a pris. Malheureusement, Rocheteau, je ne l’ai connu qu’avec le maillot du PSG et pour moi, c’est celui qui me fait pleurer sur ma seule finale de Coupe de France vécue… Rocheteau m’a tuer ! Et pourtant, je n’ai jamais réussi à lui en vouloir…

Au niveau des clubs, je suis de façon très épisodique les résultats européens de notre alter ego anglais : Liverpool, notamment sur ses matches de folie (retournement de score contre le Milan AC, finale contre Alavès)

Ainsi que le Celtic que j’ai découvert grâce à Lubo. En effet, j’étais en Irlande lorsque Moravcik a signé là-bas. Lubo disait alors aux journaux qu’il était très content de rejouer dans un club vert car cette couleur l’avait marqué à jamais. Il avait dit également qu’il était d’autant plus heureux que les équipes vertes étaient celles qui avaient les meilleurs supporters. J’étais fier.

Mais mis à part ça, au grand désarroi de mon fils, rien d’autres ne me raccorde plus au foot en général, que ce soit en France ou pour les équipes nationales… Seuls les Verts et P2 me tiennent encore à ce sport.


Ton plus grand souvenir avec l'ASSE ?

Malgré les longues périodes noires et traversées du désert que nous avons vécues depuis 1980 que je suis les Verts, il y a tant de moments fabuleux, les deux derniers en date : la victoire à Anderlecht et le derby.

Mais si je devais en sélectionner un, je dirais ce soir de retour en Ligue 1. Je suis exilé, seul, sur les Pyrénées-Orientales depuis 6 mois, dans un village d’environ 1000 habitants. J’écoute le match à la radio. On sort d’une saison galère. Et là, on a une équipe principalement de jeunes encadrée par de vieux briscards revanchards (Alonzo, Ferhaoui, Subiat). On déjoue tous les pronostics et on termine champion de Ligue 2. Ce soir du sacre et de l’officialisation du retour, il doit être 22 heures et des brouettes. Personne dans les rues, bars fermés. Je jubile, je crie ma joie et je veux participer à la fiesta et faire partager. Habillé du maillot vert, j’attache deux écharpes à chaque rétroviseur de ma vieille R9 bordeaux et je fais plusieurs tours du village à coups de klaxons sur l’air « qui c’est les plus forts ? »

Et puis tiens, un second : au stade Geoffroy-Guichard, c’est sans doute le quart de finale retour ASSE-Lens 1985. On est en division 2 et on fait un parcours en coupe formidable. A l’époque, la coupe se joue en matches aller-retour. On a fait 1-1 à Bollaert. Au retour, le stade est plein à craquer. Mon père nous a amené en Faurand supérieur, côté sud. A côté de moi le pylône de projecteurs assailli d’une dizaine de supporters qui l’ont escaladé pour mieux voir te terrain : certains sont assis sur les tringles métalliques, d’autres debout, attachés à ce mât de ferraille avec leur ceinture de cuir. On gagne 2-1 (Buts de Gilles et Ribar, sur une passe de Milla) alors qu’on était menés 0-1, et on se qualifie pour les demi-finales. Je ne verrai pas les buts car à chaque vague verte, tout le monde devant moi se levait dans la tribune. Encore une fois, le pouvoir de Geoffroy-Guichard, celui de retourner une situation qui semblait impossible, avait fonctionné : le petit de Division 2 avait terrassé le gros de division 1 alors qu’il perdait à 10 minutes de la fin. Mais quelle ambiance !! Le Chaudron porte si bien son nom !!


Ton match des Verts le plus marquant.

Sans nul doute ce 12 décembre 1999. C’est mon anniversaire aujourd’hui. Et les Verts, fraichement montés de Ligue 2, reçoivent l’ogre Marseillais et sa kyrielle de stars et d’internationaux (Robert Pires, Christophe Dugarry, …). J’ai trouvé un bar qui retransmettait le match. J’arrive habillé en vert et je retrouve trois potes de mon village, tous supporters marseillais. Ils me chambrent, je ne réponds pas et reste humble. Et puis le match commence ainsi que le festival Alex. 1-0, 2-0, 3-0….Incident dans la tribune marseillaise… Je suis fou de joie. Je tape sur les épaules de mes potes. J’ai peur un moment que l’arbitre brise le rêve en interrompant le match. Mais non, ça reprend 4-0, 5-0… La panthère est de sortie et bouffe de la sardine. Quel cadeau d’anniversaire… J’ai fait la fermeture du bar, en aillant même rallié à la cause stéphanoise le patron. Mes trois potes ? Ils ont fait comme leurs acolytes et avaient quitté les lieux à la mi-temps.

Superstitieux, avec mon frère nous étions retournés dans ce même bar pour suivre le ASSE-OM de la saison suivante, qui s’était soldé par une nouvelle démonstration de notre petit brésilien : 3-0.


Enfiles-tu un maillot de Saint-Etienne quand tu vas au stade ou quand tu regardes le match à la télé ? Si oui, quel maillot ?

 Au stade, oui. Je n’avais pas de maillot favori même si je mettais souvent des Duarig par chauvinisme. Mais j’avoue que depuis le retour de la ligne Coq Sportif, et de ce maillot simple arborant un vrai vert, mes autres maillots ne sortent plus de l’armoire.

Devant la télé, rarement. Plutôt une écharpe.

Sinon, avec ma famille, nous faisons beaucoup d’itinérance à vélo et je suis souvent vêtu d’un maillot de Sainté pour conduire le tandem. J’ai pu mesurer de la renommée de notre club au delà des frontières, en ayant entendu au gré des pédalages, des « Allez les Verts » aux accents allemands, hollandais ou danois. A chaque fois, c’est un mélange de surprise et de fierté que ce club soit ainsi reconnu et aimé.


Connais-tu par cœur les paroles de la chanson mythique ?

Bien sûr ! Une bonne moitié de la population française les connaît ! Même Domenech a avoué qu’il les chantait ;-)

Sinon, il y avait aussi ces championnats de babyfoot qu’on se faisait, mon frère et moi, où nous avions convenu que la durée des matches, en terme d’équité de temps pour toutes les équipes, devait être la même. Le 45 tours « Allez les Verts », heureux élu, pouvait donc tourner des dizaines de fois d’affilées chaque soirée. Donc, à force, les paroles s’impriment !

Carte blanche (quelque chose qui te tient à cœur ? une anecdote ? un coup de gueule ?....).
Comme beaucoup, j’imagine, coup de gueule contre le foot business et sur ce que nos instances sont en train de faire de mal à ce sport.

Je suis :

- contre cette coupe de la Ligue (que j’ai pourtant eu plaisir à gagner en 2013) inutile,

- contre ces systèmes de poules qui multiplient les matches pour faire plus de fric,  au dépend des organismes, tout en favorisant les gros car il y a moins de surprises possibles que dans le cas d’élimination directe

- contre ces histoires de chapeaux qui font que les gros ne peuvent pas tomber l’un contre l’autre au début de la compétition,

- contre ces repêchages de 3èmes (tant de la Ligue des Champions pour l’Europa Ligue que pour la Coupe d’Europe des Nations,

- contre le mercato hivernal qui ne sert que de rattrapage pour des gros clubs qui se seraient ratés sur leur recrutement l’été, souvent au détriment des petits clubs,

- contre les obligations de 100% de places assises dans les stades,

- contre les ultras bashing

- contre les grèves de chants (cf contre Bordeaux avec l’accouchement de ce 0-0 moisi… va expliquer ça à ton jeune fiston qui ne comprend pas pourquoi il n’y a pas d’ambiance)

- contre les interdictions de fumigènes

- contre les conflits d’intérêt « LFP-Cegid-OL Fondation » et tout ce qui en découle