Marius TRÉSOR évolue d’abord à Ajaccio (70 à 72), à Marseille (72-80), puis à Bordeaux (80 à 84). L’ancien international qu'il est (74 sélections) donne son avis sur les deux clubs que sont le FC Nantes et Saint-Étienne. Il occupe aujourd'hui le poste d'attaché de presse chez les Girondins de Bordeaux.

Nantes, Saint-Étienne, vous avez affronté ces deux équipes à de nombreuses reprises au cours de votre carrière. Quelles étaient leurs principales caractéristiques selon vous ?

Que ce soit avec Ajaccio, Marseille ou Bordeaux, j’ai rarement gagné à Saint-Étienne. C’étaient souvent des matches nuls, car là-bas, ils dominaient grâce à leur jeu. Même leurs individualités étaient un ton en dessus. Ils avaient un suivi des joueurs très performant, un entraîneur et un staff très performants. Saint-Étienne était complet dans tous les compartiments du jeu. Nantes était une équipe plus abordable, qui baissait le pied plus facilement.

Et si on devait comparer les deux stades ?

L’avantage était là aussi à Saint-Étienne. A Saupin, il n’y avait pas un climat agressif, tandis qu’à Geoffroy-Guichard, les gens vous faisaient vraiment sentir où vous étiez. Ça donnait un avantage considérable aux Verts. Le public faisait peur. Quand on parle de leurs renversements de situation, c’était aussi grâce à leur public. Il y avait deux seuls clubs où le public pouvait avoir une telle influence : Saint-Étienne et Marseille.

Un match en particulier vous a marqué face à Nantes ou Saint-Etienne ?

Oui, je me souviens d’un match à Nantes, lors de la saison 81-82, je jouais avec Bordeaux et nous avions joué là-bas sans gardien de but… nous avions perdu 6 à 0. Alain Giresse avait joué dans les buts en première mi-temps, moi en seconde. (La journée précédente, le gardien de but girondin, Pantelic, avait fait l’objet d’un rapport de l’arbitre pour le match Bordeaux - Lens. Pour montrer son mécontentement, Claude Bez, le président bordelais avait fait jouer son équipe sans gardien le week-end suivant à Nantes, ndlr). Cette défaite avait été un peu éclipsée, parce que la même journée, Saint-Étienne avait battu Metz 9 à 2.

Et à Saint-Étienne ?

Là-bas, je me rappelle par exemple de la façon de jouer de ses défenseurs lorsqu’ils étaient en difficulté : un jour, Albert Émon était parti au but, les défenseurs s’étaient arrêtés en levant le bras, comme pour signaler un hors-jeu. L’arbitre de touche avait levé le drapeau et il n’y avait pas eu but. Je me souviens aussi des pitreries de Salif Keita (attaquant malien, surnommé "la Panthère", qui débarque en 67 dans le Forez, ndlr) devant le président Rocher, alors qu’il venait de marquer un but à Geoffroy-Guichard. C’était lors de la saison 72-73, il venait d’être transféré à l’OM.

Vous auriez-pu jouer dans l’une des deux équipes ?

J’ai failli aller à Nantes après Ajaccio. En 72, avec l’équipe de France, nous avions fait une tournée au Brésil, ce qu’on appelait la mini-coupe du Monde, car il y a avait de bonnes équipes. A cette occasion, j’avais rencontré des dirigeants du FC Nantes, et j’avais discuté avec le président, Louis Fonteneau. J’étais encore sous contrat avec Ajaccio, mais le club avait besoin d’argent, et cela ne dépendait pas de moi. Cette année-là, j’ai été en contact avec Nice, le Paris FC, mais jamais avec Saint-Étienne. En plus j’aurais été concurrent avec Lopez au poste de libéro. Finalement, après un concours de circonstances, alors que j’étais tout proche de Nice, je me suis retrouvé à l’OM. Saint-Étienne n’était pas une équipe qui m’attirait. En Guadeloupe (Marius Trésor arrive en métropole en 1970, ndlr), les équipes que l’on suivait le plus étaient Marseille et Monaco.

Nantes et Saint-Étienne, à cette époque, ce sont aussi deux présidents très différents…

Louis Fonteneau était très aimable, une personne vraiment sympathique, qui n’avait jamais un mot plus haut que l’autre. J’avais vraiment le plus grand respect pour sa façon d’être. Roger Rocher était bien plus en avant, mais quoi de plus normal puisque Saint-Étienne dominait. Le football est ainsi fait que l’on se retrouve vite en première ligne. Saint-Étienne a été dix fois champion de France, et le dernier titre obtenu, c’était encore sous sa présidence.

La demi-finale de 77 entre les deux équipes, vous vous en rappelez ?

(Il réfléchit). Ah oui ! Avec la victoire de Saint-Étienne au match retour. Il faut dire que la Coupe de France n’a jamais réussi à Nantes, sauf contre des équipes plus faibles : Auxerre en 79, mais aussi plus récemment Sedan ou Calais. Saint-Étienne était une machine à gagner. Finalement, ce résultat était normal.

Comment voyez-vous le foot aujourd’hui ? Vous êtes nostalgique de cette période ?

Non… Il ne faut pas vivre avec le passé. Je ne sais pas si aujourd’hui, dans le foot actuel… J’aimais jouer décontracté, les chaussettes baissées, le maillot hors du short. J’aimais tacler, j’ai fait un nombre de tacles dans ma carrière… Je n’ai jamais été méchant sur un terrain, mais pourtant je ne sais pas si aujourd’hui je terminerais un match. Le foot a changé, notamment du point de vue physique. Souvent, avec Patrick Battiston, on dit sous la forme de boutade des choses du genre : « tiens, tu crois que lui, il aurait eu sa place à notre époque ? Â»

Vous parlez souvent du passé, entre anciens joueurs ?

Non, pas vraiment. Ce sont plutôt les gens qui nous font raconter.

Propos recueillis par Maxime Cogny