Thierry TUSSEAU signe son premier contrat pro en 1973 au FC Nantes. Il y restera dix ans, avant de partir pour les Girondins de Bordeaux. L’ancien défenseur international gère aujourd'hui la société de négoce Bordeaux et Vins de France.

Un match contre Saint-Étienne, c’était comment ?

C’était un match entre les clubs phares de l’époque. Un match attendu qui mobilisait toute une région. Toute la semaine, avant la réception de Saint-Étienne, on sentait l’euphorie qui montait : ça commençait dès le lundi, il y a avait la presse, et en ville les gens ne parlaient que de ça. Pour les autres rencontres, c’était différent. Quand on jouait Saint-Étienne, à domicile, le plus souvent, on gagnait. J’en reparle encore avec des anciens stéphanois.

Il y a un match qui vous a particulièrement marqué ?

(sourire) La demi-finale de Coupe de France 1977, forcément ! A l’époque, elle se jouait en matches aller et retour. A l’aller, on l’emporte 3 à 0 et j’ai une balle de 4 à 0... à dix minutes de la fin. Mais Curkovic m’a empêché de marquer. Son attitude m’avait surpris… Je me présente devant lui, et Curko reste stoïque, comme un piquet. Je freine ma course, quelqu’un revient sur moi… Il n’y a pas eu but. Le match retour avait lieu quinze jours après. Le public nous voyait déjà en finale.

Et au retour…

Au retour, dans le vestiaire, lors de la causerie d’avant match, Jean Vincent nous a demandé comment on voyait ce match, ce que pouvait être le scénario idéal. Jean Vincent était un entraîneur qui était joueur dans l’âme. Nous lui avons répondu : en marquant un but dans le premier quart d’heure.

Puis ?

Après dix minutes de jeu, Amisse déborde sur le côté droit du terrain, ce qui était rare (sourire). Il arrive vers la ligne de corner, et centre pour Pécout. C’était donc un centre en retrait ! Pécout marque. Silence dans le stade. Mais l’arbitre siffle hors-jeu ! On a bien contesté mais…

3 à 0 à la fin du match, donc prolongations. C’était chaud. Si je me rappelle bien, à la fin de la première, le score n’a pas bougé. Coup-franc de Michel, on marque. Je ne me souviens plus comment Saint-Étienne marque son quatrième but. Mais à ce moment-là il reste quatre à cinq minutes de jeu ! Le stade pousse. Et Revelli tape le ballon avec l’arrière de la tête (mime), lobe Bertrand-Demanes…Alors-là…
Ce match restera gravé à jamais dans nos têtes. On en parle encore entre nous. C’est vraiment un fait marquant. Les gens m’en parlent de ce match, mais toujours du dernier but de Saint-Étienne et jamais du but qui nous est refusé au bout de dix minutes.

Quel souvenir avez-vous de Geoffroy-Guichard ?

Je me rappelle qu’il fallait aller s’échauffer sur un autre terrain, et longer la tribune. Même s’il y avait une vive rivalité, c’était bon enfant, sans l’agressivité qu’il peut y avoir aujourd’hui dans beaucoup de stades. C’est justement à partir de cette demi-finale retour que le public stéphanois a scandé « Les Canaris sont cuits, cuits, cuits… Â»

A Nantes, le stade Marcel-Saupin était moins « chaud » ?

(dubitatif) Il n’était pas rare, quelle que soit l’équipe que nous recevions, qu’il y ait 30000 spectateurs. Ils étaient très proches du terrain. Donc beaucoup d’équipes craignaient ce stade. Si en plus, nous étions en forme, c’était l’enfer pour l’adversaire. Saint-Étienne savait, encore plus après la Coupe d’Europe, qu’en y venant ils encaisseraient plusieurs buts.

Les deux clubs étaient donc vraiment opposés ?

Oui. C’étaient deux gestions différentes, deux régions différentes. Mais aussi deux jeux différents : intrinsèquement, on était plus forts. Eux, c’était du costaud, plus du physique, plus une équipe de contre.

Pourquoi si peu de transferts entre les deux équipes ?

C’était incompatible ! Les deux clubs avaient des mentalités différentes, c’étaient les clochers à l’époque. Aujourd’hui, ça n’existe plus.

Comment avez-vous vécu l’épopée des Verts en 1976 ?

On était les premiers supporters des Verts. On se connaissait au travers des matches en équipe de France. Je me souviens même que nous étions allés les voir jouer à Liverpool, le match où Bathenay avait tiré un superbe coup-franc. Ils avaient été éliminés je crois (victoire 3 à 1 des Anglais, ndlr). Anfield Road, c’était chaud aussi !

Jouer ensemble en équipe de France et se retrouver face à face en club, est-ce que c'était gênant ?

Pas du tout. Les matches étaient de rudes combats, avec de l’engagement, mais après, on oubliait.

Si on devait comparer le football de cette époque et celui d’aujourd’hui…

(il coupe) Je n’aime pas comparer, ça ne sert pas à grand chose... Disons que c’est différent.

Vous aviez moins de pression ?

On en avait de la pression, mais une pression sportive. Il y avait moins d’importance au financier. Aujourd’hui, le football, on en parle tous les jours, on veut tout savoir… Le foot est le reflet de la société.

Êtes-vous nostalgique de cette période ?
Pas nostalgique du tout ! Mais j’en parle avec grand plaisir (sourire). Et avec fierté... Oui, je suis fier d’avoir vécu ça.

Propos recueillis par Maxime Cogny