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Un apprentissage commence toujours dans la douleur. Voici le prélude à l'Épopée des Verts...


La feuille de match
Mercredi 25 septembre 1957 - Coupe d'Europe des Clubs Champions - Stade Geoffroy-Guichard
16e de finale retour: ASSE 2-1 Glasgow Rangers
Spectateurs: 29.517 - Arbitre : M. Rasmussen (Danemark)

Buteurs : Oleksiak (11e), Ferrier (87e) pour l'ASSE, Wilson (70e) pour les Rangers

ASSE : Abbes - Michel Tylinski, Richard Tylinski, Wicart, Domingo - N'Jo Léa, Mekloufi, Goujon, Lefèvre, Ferrier, Oleksiak. Entraîneur: Jean Snella
Glasgow Rangers : Ritchie - Shearer, Valentine, Caldow - McColl, Miller - Scott, Simpson, Murray, Baud, Wilson. Entraîneur: Scot Symon

Les faits du match
Au match aller, Glasgow s'est imposé 3-1. Deux buts de retard, c'est assez lourd pour une équipe au métier encore incertain, d'autant que la règle du but à l'extérieur n'existe pas encore. L'espoir est cependant de rigueur car les Stéphanois ont naturellement saisi l'importance de cette compétition.


Le programme de la rencontre

A Saint-Étienne, ce jour-là, il fait chaud, très chaud. Et les Rangers aussi auront chaud. Ils sont déjà 30.000 dans les tribunes, 30.000 sous le soleil, juchés sur des gradins et des tubulaires à ciel découvert. Le match a lieu un mercredi après-midi car Geoffroy-Guichard n'a pas encore d'installations nocturnes.
Mais cela ne fait rien, des usines ont fermé pour la circonstance et ils sont exactement 29.517 à avoir payé leur entrée pour hurler leurs encouragements pour ce qui est le premier match des Verts dans le Chaudron en Coupe d'Europe. Ce sera le record de la saison.
C'est Roger Rivière, l'enfant du pays, futur recordman de l'heure et déjà grand champion cycliste, qui donne le coup d'envoi.


Rivière donne le coup d'envoi sous les yeux de
Mekloufi, N'jo Lea et Oleksiak (photo l'Équipe)

L'équipe stéphanoise y croit. Elle se présente dans la même composition qu'au match aller excepté le remplacement de Bordas par Oleksiak. Un départ en trombe. Les Verts sont survoltés, ils assaillent les Rangers, les bousculent à leur tour et dès la onzième minute, un peu comme à Glasgow, l'ASSE ouvre la marque.
Oleksiak, qui a profité d'un service de N'Jo Léa, place d'une reprise foudroyante le ballon sous la barre transversale. On croit alors que les Verts viennent de poser la première pierre d'un large succès.

Toute la première mi-temps est largement à l'avantage des Verts. Même la seconde d'ailleurs mais Saint-Etienne va manquer sa chance. Trop d'occasions perdues... Et c'est le drame. 70e minute: Scott, déjà buteur au match aller, tire un corner. La balle monte. Richard Tylinski et le petit Wilson bondissent ensemble sur celle-ci et, stupeur, c'est l'ailier écossais qui, de la tête, la dévie dans le coin droit du but d'Abbes. Cette fois-ci, c'est bien fini. Les Stéphanois, éreintés, ne pourront plus creuser un nouvel écart de deux buts.



N'jo Lea à la lutte avec le gardien Ritchie

Les cris d'encouragement fusent pourtant: "Allez les Verts !", déjà... Mais l'espoir s'écroule définitivement lorsqu'à dix minutes de la fin, l'arbitre danois, M. Rasmussen, accorde un penalty aux Rangers, pour une faute de Wicart sur Scott. McColl, le demi-centre, un baroudeur de l'arrière, le tire en force. Et Abbes, superbe, détourne la balle sur son montant droit.

Pour l'honneur, les Verts arrachent même une victoire symbolique à la 87e minute, quand Ferrier servi par Mekloufi, trompe Ritchie, l'autre gardien des Rangers, de très près. Les trois dernières minutes sont exaltantes mais s'écoulent sans que les Stéphanois ne parviennent à inscrire le troisième but nécessaire pour jouer la prolongation. Saint-Étienne est éliminé...

Dans le style de l'époque, le journal l'Équipe compose cette manchette à rallonge: "Les Stéphanois, magnifiques de détermination ont manqué de presque rien pour remonter leur handicap". Et ce sous-titre qui résume tout : "Leur victoire (2-1) est insuffisante et les Rangers sont qualifiés".


Yvon Goujon à la lutte avec trois rugueux Écossais

L'anecdote de Pierre Faurand, Président de l'ASSE
"Comme nous avions été reçus très gentiment par les dirigeants écossais, nous les avions invités en retour à un déjeuner gastronomique au "Chapeau Rouge", un restaurant réputé de Feurs à 50 kilomètres de Saint-Étienne. Le repas avait été arrosé et copieux. Un repas digne de notre cuisine et pourtant après le passage du plateau de fromage autour de la table, le président des Rangers me fit comprendre en employant des circonvolutions de langage qu'il voulait me demander une faveur. Voilà: lui et ses adjoints avaient très envie de manger des escargots. Bien qu'étonné, je ne voyais pas comment leur refuser ce plaisir et je passais la commande. Et c'est comme ça que nous avons failli manquer le début du match qui avait lieu à 15 heures. Quel rallye pour arriver à temps !
Je suis resté longtemps en contact avec le président des Rangers qui m'envoyait des cartes sur lesquelles on lisait le souvenir ému qu'il conservait du "Chapeau Rouge".


Pas encore qualifié pour jouer avec les Verts,
Robert Herbin assiste au match depuis la touche (photo l'Équipe)

Le Saviez-Vous ?
- Les Rangers n'iront guère plus loin dans la compétition puisqu'ils seront balayés au tour suivant par le Milan AC, futur finaliste (1-4, 0-2)

- Contrairement à leur grand rival, le Celtic Glasgow, les Rangers n'ont jamais remporté la Coupe d'Europe des Clubs Champions. En revanche, ils décrocheront la Coupe des Vainqueurs de Coupe en 1972 et s'inclineront à quatre reprises lors finales européennes (deux en C2, deux en C3).

- La prochaine fois que l'ASSE entendra la petite musique de la Ligue des Champions (qui n'existe bien sûr pas encore), ce sera 7 ans plus tard, pour un match nul face aux modestes suisses de la Chaux-de-Fond (2-2) en 1964.

- C'est le premier des 20 matches de Coupe d'Europe des Clubs Champions disputés par l'ASSE dans son Chaudron. Malgré de prestigieux adversaires (Bayern Munich, Celtic Glasgow, Dynamo Kiev, Liverpool...), elle ne s'y inclinera qu'une seule fois, en 1969 face au Légia Varsovie (0-1).

- Les Rangers reviendront dans le Chaudron en 1975, à l'occasion des 8e de finales de cette même C1. Et le résultat sera le même pour eux: défaite 2-0 sauf que cette fois, les Verts s'imposeront à Ibrox Park et prendront leur revanche sur les Teddy Bears.

Sources
- Coupes d'Europe Story Les Verts 1957/1981 - Patrick Mahé, Dominique Grimault
- La fabuleuse histoire de Saint-Etienne - Gérard Le Scour, Patrick Mahé et Robert Nataf