Même s'il est difficile de parler tactique après la déroute à Marseille, on peut au moins s'en servir pour expliquer la nécessité de changer l'approche tactique pour le reste de la saison.


Il est quasiment impossible de sortir une analyse tactique du jeu stéphanois lors de ce match. Tout d'abord, parce que probablement il n'y avait pas de tactique et ensuite parce que pour en avoir une, il faut une équipe de foot. Non seulement 11 joueurs mis sur le terrain et qui ne font aucun effort de jouer ensemble. Par contre, en conférence de presse après le match, Galtier a souligné que son équipe a joué jusqu'à l'ouverture du score, donc le début du match peut donner une idée des intentions tactiques des Verts - on dit bien intentions, par ce que le résultat est assez clair pour tout le monde.
 
 

Les 20 premières minutes

 
Le début du match a été assez édifiant en ce qui concerne le plan de jeu des Verts : défendre, subir, et espérer quelque chose en contre. Le premier but n'a pas trop changé la donne, mais le deuxième si - avec le break fait, Marseille n'a plus eu besoin de forcer. Les joueurs stéphanois ont dû prendre le jeu à leur compte et ils ont échoué complètement, tout en se faisant prendre en contre.
 
Pour mieux illustrer les approches tactiques pendant les premières 20 minutes, un exemple. Après une long phase de possession marseillaise, interrompue seulement par le dégagement de la tête de KTC, le ballon se trouve sur l'aile droite :
 
 
On remarque le bloc stéphanois en 4-4-2, assez haut et compact, mais aussi la position des deux ailiers adverses - et surtout leur position même pas 20 secondes plus tard quand le ballon arrive sur l'aile gauche :
 
 
Ce placement de 5 joueurs (les deux excentrés, deux axiaux et le latéral) dans un petit périmètre sur un côté (surtout le gauche) a été la tactique offensive privilégiée par les Marseillais lors de la 1MT - en 2MT ça a été plus des ballons de contre que des attaques placées. Comme notre bloc a bien coulissé et on est en supériorité numérique à cet endroit du terrain, le ballon est renvoyé de nouveau à droite via la défense, mais il revient à gauche 30 secondes plus tard : 
 
 
Avec toujours la même configuration. Les 5 joueurs marseillais bougent beaucoup et se font des passes dans ce petit périmètre. Ça ne passe pas à chaque fois, mais assez souvent - d'ailleurs le premier but a été marqué exactement grâce à ce petit jeu. Dans le cadre de cet exemple, le décalage est fait, mais il n'y a pas de but :
 
 
Le centre d'un ancien Vert est dévié par un autre, mais MBengue parvient à dégager le ballon. Le duel aérien est gagné par Saivet...
 
 
... qui remet à Hamouma... 
 
 
... qui lance Beric en profondeur. Excentré, l'avant-centre attend, puis élimine le défenseur central... 
 
 
... et centre en retrait, pas pour Saivet qui avait été pris par l'autre central, mais pour KMP, très libre. Malheureusement sa frappe est contrée par le latéral adverse.
 
Sur un simple exemple, on voit bien le plan de jeu des deux équipes. Pour les Verts, se contenter de défendre dans un bloc plutôt compact, laissant la possession aux adversaires (62% sur cette période) et agir en contre. Pour les Marseillais, avoir des longues phases de possession et essayer de défaire le bloc grâce à un jeu collectif dans des petits périmètres. Le résultat dit tout sur qui a eu raison de qui.
 
 

Choix tactique en fonction des joueurs disponibles

 
Cet exemple permet aussi d'illustrer pourquoi quand on parle de tactique, le système de jeu n'est pas forcément important. Marseille a joué dans un système 4-3-3 plutôt classique, mais l'animation offensive aperçue dans les images précédentes (et lors des deux premiers buts, et lors d'autres occasions en 1MT) est moins habituelle. Le système est une chose, mais les joueurs ont une grande liberté de déplacement en phase de possession de balle. Enfin, liberté c'est trop dit, il est fort probable, vue la répétition, que placer 5 joueurs dans un petit périmètre est un choix délibéré et qu'il a été longuement répété.
 
Toutes les équipes qui jouent en 4-3-3 n'attaquent pas comme ça. Et c'est plutôt normal, parce qu'il te faut une forte maitrise technique pour mettre cette tactique en place. Ce qui nous amène au fait qu'une tactique est très dépendante du type de joueur disponible. Chaque joueur a des points forts, des caractéristiques qui le rendent relativement meilleur que d'autres. Mettre une tactique en place revient à la fin à mettre les joueurs en disposition d'utiliser leurs points forts et en général il est préférable de choisir une tactique adaptée aux joueurs disponibles que de forcer les joueurs dans une tactique ou un rôle qui ne leur convient pas.
 
Pour revenir à l'application de ce principe à l'ASSE, on a pu voir plusieurs exemples, positifs ou négatifs, cette saison. Par exemple, Tannane est un ailier gaucher qui aime porter le ballon, provoquer balle au pied et qui a un bon tir de loin - ce sont ces points forts. Malcuit est un latéral avec un bon talent offensif, très rapide et capable d'éliminer en dribblant. Les associer dans le couloir droit, demander à Tannane de rentrer dans l'axe et libérer le couloir pour la montée de Malcuit, voilà un exemple de mise en place d'une animation offensive adaptée aux profils disponibles.
 
Un autre exemple est l'approche tactique de placer un joueur en soutien de l'avant-centre, un peu en retrait (un 9 1/2 ou un 10), vu que notre avant-centre touchait que trop peu des ballons en première partie de saison. Par contre, quand en janvier, à cause des blessures, de la CAN ou des mises à l' écart, les seuls profils disponibles ont été Veretout (contre Angers) ou Dabo (à Auxerre), ça n'a pas du tout fonctionné. Parce qu'on a forcé des joueurs d'entrer dans un rôle qui n'est pas le leur, dans lequel ils ne pouvaient pas s'appuyer sur leurs points forts. Veretout a été changé à la pause, Dabo à la 65ème (et a joué seulement 13 minutes avec l'équipe première depuis) et Hamouma a pris leur place de 9 1/2 lors de ces matchs. Voilà un exemple où des profils qui ne correspondent pas sont forcés dans une animation offensive prédéfinie.
 
 

Conclusions

 
Le résumé de ces longs paragraphes est qu'une animation offensive ne dépend que très peu du système de jeu, mais énormément des profils des joueurs disponibles - il faut mettre en place une tactique adaptée à leurs points forts et ne pas les forcer dans une animation qui ne leur correspond pas. Et il y a deux raisons pour en parler après le match à Marseille.
 
Premièrement, la fin de saison approche vite et bientôt commencera le mercato, la période pendant laquelle le principe ci-dessus est moins valable. Si on a une idée très claire de comment on veut qu'une équipe doit jouer, il faut recruter les profils des joueurs qui en correspondent. On se doit d'adapter la tactique aux joueurs disponibles, mais le mercato est le seul moment quand on peut adapter les joueurs disponibles à la tactique. Autrement dit, il faut que les grandes lignes tactiques de la saison prochaine soient déjà tracées si on veut aboutir à un mercato qui a du sens.
 
Deuxièmement, quand on parle des points forts d'un joueur, c'est plutôt à un instant T. Les joueurs connaissent des hauts et des bas et même si le profil intrinsèque d'un joueur ne change pas, un coup de moins bien peut le rendre moins adapté à une tactique particulière. Cet aspect est clairement visible pour les Verts en ce moment. Depuis le 2017 et jusqu'au match à Manchester, les Stéphanois ont obtenu des résultats grâce à un 4-2-3-1 basé sur un fort pressing et en mettant de l'impact dans les duels. Ils bougeaient beaucoup sans ballon pour le couper les angles de passe et pour le récupérer, mais aussi en phase de possession pour proposer des solutions. Ce n'est plus les cas maintenant. Pour des différentes raisons, certains joueurs ne mettent plus les ingrédients nécessaires pour que cette tactique fonctionne. Ni défensivement, mais surtout offensivement. On est clairement dans la situation où la tactique ne correspond pas à ce que ces joueurs peuvent (ou veulent ?) faire de mieux. Alors, il y a deux solutions : soit on change de tactique, soit on change des joueurs - on a un effectif assez large pour pouvoir en trouver ceux qui sont toujours motivés. 
 
A titre d'exemple, on joue avec des joueurs avec un bon jeu de tête et on balance des longs ballons sans arrêt. Ou avec des joueurs très rapides, on abandonne la possession et on joue les contres. Il existe bien sûr d'autres exemples moins simplistes. Mais si le match à Marseille a servi à quelque chose, c'est de confirmer une fois pour toutes que l'animation offensive actuelle (où on place un joueur entre les lignes, on cherche à le trouver pour qu'il combine ensuite avec les ailiers ou qu'il sert l'avant-centre dans la surface) n'est plus adaptée aux titulaires habituels.

 

 

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