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Huit ans après le dernier grand soir, l'ASSE est à nouveau sur le point de renouer avec son glorieux palmarès: il ne lui reste plus qu'une étape avant un retour triomphal au Parc des Princes.
Mais dans un Chaudron tout acquis à leur cause, les Verts peuvent-ils vraiment se laisser doucher par la laborieuse équipe de Montpellier ?


La feuille de match
Jeudi 24 mai 1990 - Coupe de France - Stade Geoffroy-Guichard
Demi-Finale: ASSE 0-1 Montpellier
Spectateurs: 35.421 - Arbitre: M. Quiniou

Buteur:
 Cantona (36e) pour Montpellier

ASSE: Ceccarelli - Sivebaek, Courault, Haon, Deguerville - Geiger, Pouliquen, Fournier, Witschge - Tibeuf, E. Mendy. Entraîneur: Robert Herbin
Montpellier: Rust - Baills, Julio César, Blanc, Lucchesi - Lemoult, Guérin (Der Zakarian 82e), Valderrama, Ayache - Xuereb, Cantona (Ferhaoui 72e). Entraîneur: Michel Mézy

Expulsion: Valderrama (66e) pour Montpellier

L'avant-match
C'est la fin de saison en cette fin mai. Mondial 90 oblige, le championnat de France a rendu son verdict un peu plus tôt que d'habitude et l'Olympique de Marseille, épouvantail roulant sur la compétition, a été sacré pour la 6e fois de son histoire. Mais la saison n'est pas encore terminée pour tout le monde car 4 équipes sont encore en lice en Coupe de France !
Les Phocéens en font d'ailleurs partie: ils joueront le lendemain au Vélodrome face aux relégués du Racing Paris 1 lors d'une demi-finale qui parait jouée d'avance. Mais en ce jeudi de l'Ascension l'autre demi-finale est beaucoup plus indécise: l'ASSE s'apprête à recevoir le Montpellier Herault Sporting Club.
Les deux clubs n'ayant plus rien à espérer du championnat depuis un moment, Montpellier luttant même brièvement pour le maintien, ils se projettent depuis près d'un mois sur cette confrontation décisive. Un mois, soit la durée qui sépare cette opposition de la dernière: fin avril, l'ASSE s'était arrogée la partie en championnat, 1-0 à Geoffroy-Guichard.
Depuis, l'ASSE n'a plus remporté un seul match. Montpellier espère bien prendre sa revanche dans le Chaudron...

La pelouse détrempée de Geoffroy-Guichard va clairement
favoriser les défenseurs comme Laurent Blanc

Le Chaudron, il est plein. Comme un œuf ou plutôt... comme un Chaudron ! Plus de 35.000 spectateurs se sont massés dans les tribunes du temple stéphanois. Une petite ondée se fait sentir à l'approche du coup d'envoi mais rien qui n'entame l'enthousiasme des supporters verts. Question climat, à Sainté, on en a vu d'autres !
Question adversaire aussi. Montpellier, ce n'est pas vraiment une machine de guerre: quelques briscards en défense, quelques techniciens devant. Ayache, Lemoult, Xuereb, Rust, Julio César, Lucchesi... Mouais, ca ne fait pas trop peur. Alors certes, le MHSC comporte quelques jeunes intéressants dans ses rangs comme Laurent Blanc, ou Vincent Guérin mais surtout on y trouve deux stars internationales: le meneur de jeu colombien Carlos Valderrama avec sa coupe afro décolorée et le buteur Éric Cantona avec son abominable caractère. Tous les deux sont titulaires.

L'ASSE n'a pas à rougir de la comparaison mais son effectif est composé de joueurs du cru (Ceccarelli, Haon, Courault, Deguerville, Mendy) et d'étrangers (Sivebaek, GeigerWitschge) peu habitués à disputer ce genre de rencontre qui déterminent une saison. Et si l'ensemble paraît très équilibré, les Verts n'ont pas de superstar à faire valoir, si ce n'est leur entraîneur, le Sphinx Robert Herbin.
Pourtant, alors que le match débute, on y croit à fond dans les travées de Geoffroy-Guichard. Pour défier l'OM en finale au Parc des Princes, il faudra bien venir à bout de Montpellier !


Laurent Fournier aura fort à faire face à Albert Rust

Les faits du match
Comme on l'espérait, les Verts attaquant la rencontre pied au plancher. Poussés par leur public, les Stéphanois mettent d'emblée la pression et poussent les Sudistes à la faute. Et pas qu'un peu: en l'espace de 8 minutes, Éric Cantona (antijeu) et Carlos Valderrama (tacle appuyé) écopent d'un carton jaune. Auteur d'un attentat sur Philippe Tibeuf, le Colombien aurait même pu être expulsé mais M. Quiniou choisit la clémence. A peine le match est commencé que les deux stars montpelliéraines vont devoir se tenir à carreau. Ca commence bien !
Dans la foulée, Alain Geiger sert Pouliquen dans la surface. But ? Non, Rust détourne sur Étienne Mendy qui reprend de volée dans le but déserté. But ? Non car Julio César enlève en deux temps le ballon brûlant. Montpellier vient d'avoir très chaud !

Et ses joueurs en ont conscience car ils élèvent soudain le niveau. Cantona commence à se signaler par des frappes non cadrées. Mendy lui répond avec une tête de peu à côté. Le jeu s'équilibre mais les visiteurs prennent peu à peu l'ascendant. Valderrama commence ses numéros de grigris et offre un caviar à Guérin à 16 mètres: arrêt décisif de Ceccarelli. Le portier stéphanois doit encore s'employer à détourner in extremis un centre détourné de Xuereb qui se dirigeait vers sa lucarne.
Montpellier pousse et cette fois Cecarrelli doit sauver les meubles face à Cantona, encore servi idéalement par Valderrama. Sainté étouffe et la quatrième sera malheureusement la bonne: Xuereb est décalé sur la gauche, son centre au second poteau lobe Sivebaek et trouve Cantona qui, d'un geste pur à la hauteur de son talent, catapulte une reprise de volée dans les filets de l'ASSE.


Pour battre Ceccarelli, Cantona y aura mis la manière

Cette fois, il n'y avait rien à faire et le grand Gilbert peut encore pester contre sa défense qui prend l'eau de toutes parts face au génial Valderrama, lequel adresse un amour de centre pour la tête de Daniel Xuereb. Heureusement, le portier stéphanois est bien placé. Quand la mi-temps est enfin sifflée, tout Geoffroy-Guichard pousse un grand ouf de soulagement: l'ASSE est en train de craquer complètement. Mais haut les cœurs ! Le score n'est que de 0-1 et tous les espoirs sont permis après une pause réparatrice. Si les Verts le veulent bien...

Lorsque les joueurs reviennent sur la pelouse, l'ondée persistante est devenue une averse. Une vraie averse de grosses gouttes qui trempent les maillots, collent les cheveux et ralentissent les contrôles de balle. La seconde période s'annonce épique.
Épique, elle le sera mais surtout de par l'environnement ambiant, empli de grondements provenant autant du tonnerre que du public, et le combat acharné que se livrent les acteurs du match. Personne ne lâche personne, y compris Éric Cantona, pourtant parfois si dilettante, qui joue ici l'une de ses meilleures partitions. Son coup franc à 20 mètres est d'ailleurs sorti in extremis de sa lucarne par l'héroïque Ceccarelli.


La frustration se lit sur les visages de Pierre Haon et Rob Witschge

Pourtant, un acteur majeur de la rencontre manque de la faire basculer à la 66e minute. Brillant offensivement mais dépassé défensivement, Carlos Valderrama exécute Laurent Fournier au départ d'un contre stéphanois. cette fois, plus de cadeau: M. Quiniou expulse définitivement celui qui aurait pu déjà sortir après 8 minutes de jeu.
A 11 contre 10, la chance des Verts est peut-être en train de tourner. Mais Montpellier n'est pas né de la dernière pluie. Et cette pluie, qui tombe toujours plus fort sur Geoffroy-Guichard, favorise leurs plans: tous derrière et Canto devant ! Sur un contre, ce dernier est même obligé de servir... Julio César, le défenseur central. C'est le seul qui avait fait l'effort de monter: sa frappe sera facilement captée par le portier stéphanois.

La pluie tombe, les minutes passent... Le terrain détrempé n'aide pas les Verts à se créer des situations de but et la défense de Laurent Blanc et Albert Rust tient bon. Pourtant, à 10 minutes de la fin, les organismes fatiguent et l'ASSE en profite. C'est d'abord Rob Witshge qui s'offre une frappe enroulée mais pas assez forte. Puis Philippe Tibeuf qui cette fois tire en force juste au dessus. Mais quand sur un cafouillage à la 88e minute, Fournier lobe toute la défense pour servir Étienne Mendy, le stade se lève pour de bon.
Le jeune attaquant stéphanois élimine Baills d'une pichenette et reprend en force à bout portant. Enfin, l'égalisation ! Mais non ! Albert Rust, qui n'avait pas encore eu l'occasion de briller lors de cette mi-temps, annule littéralement ce but tout fait au prix d'un réflexe incroyable, laissant à Julio César le soin de dégager cette dernière munition...


Étienne Mendy aura été bien malheureux face au but montpelliérain

Cette fois, c'est bien fini. Louis Nicollin peut aller embrasser son entraîneur sur la pelouse. Et Jean-Michel Larqué au micro de TF1 d'asséner la terrible conclusion de cette soirée funeste: "Saint-Étienne doit une fière chandelle à Montpellier parce qu'aller en Coupe d'Europe avec l'équipe qu'ils nous ont présentée ce soir ne leur aurait pas rendu service". Tout est dit.
Le lendemain, le Racing Paris 1 éliminera le grand OM à la surprise générale. Cette finale ASSE-Marseille tant fantasmée n'était décidément pas écrite...

Le Saviez-vous ?
- Pour en arriver là, les Verts avaient du se débarrasser d'Angoulême (2-1), de Chaumont (1-0), de Valenciennes (4-3) et de Mulhouse (2-2, 7-6 tab). Montpellier, quant à lui, avait réussi à éliminer Istres, Louhans-Cuiseaux, Nantes et Avignon pour se hisser en demi-finale.

- Le club de Louis Nicollin ira jusqu'au bout de son épopée et s'imposera 2-1 en finale face à l'incongru Racing Paris 1. Cette Coupe de France est alors le deuxième titre remporté par Montpellier. En effet, le SOM, ancêtre du MHSC avait déjà remporté ce même trophée en 1929... 61 ans plus tôt !

- Les deux buteurs de la future finale, Laurent Blanc et Kader Ferhaoui, ne le savent pas encore mais ils porteront bientôt le maillot de leurs victimes du soir: le Président sera stéphanois de 1993 à 1995 tandis que Captain Ferhaoui rejoindra l'ASSE en D2 en 1998 et l'accompagnera en D1 jusqu'en 2000.

- Le Montpellier Herault Sporting Club, ou MHSC, vit sa première saison sous ce nom là. Créé en 1919 sous le nom de Stade Olympique Montpelliérain (SOM), le club du Languedoc connaîtra plusieurs appellations avant d'être repris par le poubelleur local Louis Nicollin en 1974. De Montpellier Littoral SC, il sera alors renommé Montpellier la Paillade SCL puis Montpellier Paillade SC et prendra enfin son nom définitif en 1989.

- Ce match est le dernier disputé par Alain Geiger et Laurent Fournier sous le maillot vert. Recrutés au même moment en 1988, ils vont tous deux s'épanouir sous de nouveaux horizons: le Suisse retournera briller dans son pays natal à Sion puis Zurich tandis que le Lyonnais ira inaugurer son large palmarès à Marseille

- Outre Geiger et Fournier, une véritable icône de l'ASSE tire sa révérence ce soir-là: on ne reverra plus jamais Robert Herbin diriger un match des Verts depuis son banc de touche fétiche. Le Sphinx, revenu aux affaires en 1987, tire sa révérence à l'issue de cet échec. Après une année sabbatique et un passage au Red Star, il reviendra dans le Forez assister Pierre Repellini en D2 en 1997 puis prendra cette fois définitivement sa retraite.

- Le héros du soir, Albert Rust, prend ici sa revanche sur Thierry Courault qui l'avait crucifié en championnat quelques semaines plus tôt d'une frappe magistrale en pleine lucarne (victoire 1-0). L'ancien portier de Sochaux et Montpellier rejoindra l'ASSE bien des années plus tard en tant qu'entraîneur des gardiens en 2010 avant d'être démis de ses fonctions pour des raisons extra-sportives deux ans plus tard.

- Il ne faudra attendre que 3 ans pour revoir les Verts à ce stade de la compétition mais bis repetita: en 1993, c'est cette fois le FC Nantes qui glacera le Chaudron en s'imposant là encore 1-0 à Geoffroy-Guichard. Ensuite, un long désert de 22 ans attendra l'ASSE jusqu'en 2015 où elle atteindra à nouveau cette demi-finale de la Coupe de France pour s'incliner encore, cette fois 4-1 au Parc des Princes face au PSG.

- On n'avait plus vu les Verts en finale depuis 1982, on ne les y reverra qu'en 2020, pour une nouvelle défaite face au PSG, sur ce score décidément maudit de 1-0...