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Le 28 février 2003, Monsieur Albert Batteux s’éteint à Grenoble des suites d’une longue maladie. Il était né le 2 juillet 1919 à 23h00. Il avait 83 ans...


Un grand joueur
Avant d’être un grand entraîneur, Albert Batteux fut un très bon joueur, du Stade de Reims bien sûr, sa ville natale. Enfant de l'après-guerre, né dans une famille nombreuse, il aurait pu devenir cheminot comme son père. Mais son talent balle au pied lui accorde une destinée exceptionnelle. D’abord attaquant puis inter comme on disait alors (milieu de terrain offensif) de 1937 à 1950, international à huit reprises, il fait les premiers beaux jours du Stade de Reims en remportant le Championnat en 1949 et la Coupe de France en 1950. Le soir de cette finale, son président Henri Roessler, l'intronise entraîneur sans même l'avoir consulté.


Albert Batteux achève sa carrière de joueur
sur une Coupe de France en 1950

Surtout, un grand entraîneur
Albert Batteux c’est d'abord l’entraîneur du grand Stade de Reims, où il est né le soir du 2 juillet 1919. Ce premier grand club français, précurseur en terme de conquêtes européennes, il lui apportera de nombreux titres nationaux et surtout le conduira deux fois en finale de la Coupe d’Europe des (vrais) Champions, en 1956 et en 1959... pour y être balayé par le Real Madrid à chaque fois.

Treize titres majeurs pour deux clubs mythiques !
De 1950 à 1963, il entraîne donc l’équipe alors phare du championnat de France. Treize ans de bons et loyaux services, ça doit en faire rêver plus d’un ! Ce chiffre 13 va le marquer. Issu d’une famille de treize enfants, il remportera treize titres majeurs en tant qu’entraîneur: 5 titres de champions de France (1953, 1955, 1958, 1960, 1962), une Coupe de France (1958) et une Coupe Latine (1953) avec Reims, auxquels s'ajouteront 4 titres de champion de France (1967, 1968, 1969, 1970) et deux Coupes de France (1968, 1970) avec Saint-Étienne.


Caricature du sélectionneur Batteux en 1958

N’aimant à tutoyer que les sommets, il entraînera aussi l’équipe de France, en même temps que le Stade de Reims en 1958. A une époque où les Bleus ne sont que de gentils faire-valoirs pour leurs voisins anglais, belges et allemands, il amène les Bleus en demi-finale du Mondial 1958. Seul le Brésil de Pelé lui barrera l’accès à la finale. L’équipe de France finit troisième de ce Mondial en Suède. Et oui, c'était encore lui le coach de cette équipe mythique !

Flash back sur l’aventure stéphanoise
Roger Rocher est devenu président de l’ASSE en 1961. Albert Batteux, lui, prend la direction de Grenoble en 1963. Son parcours là-bas ressemble plus à celui du combattant. Mais comment faire d’une mule un cheval de course ? Les dirigeants du club isérois pensent alors davantage à leurs rentrées financières qu’au bien-être du club. Albert Batteux gardera un goût amer de cette expérience, un sentiment de gâchis.

Aussi, en 1967, quand Jean Snella décide de quitter l’ASSE pour le Servette Genève, Batteux l’appelle. Une amitié solide lie les deux techniciens, adeptes tout deux du beau jeu. Snella parle au Président Rocher et tous deux se donnent rendez-vous à l’aéroport de Lyon. Les deux hommes s’estiment mutuellement. Batteux raconte: "Tout a été rapidement réglé, j’ai accepté tout de suite les propositions de Rocher. (...) Snella m’a expliqué comment il travaillait, m’a donné des renseignement sur l’équipe."  Une passation de pouvoir qui fait rêver quand on connaît le football d'aujourd'hui...


Snella et Batteux, une amitié de longue date (photo L'équipe)

Sa première année à la tête de l’équipe verte se conclut sur un titre. Rien que cà !
Albert Batteux expliquera plus tard: "C’était à la fois un label de qualité mais un honneur redoutable dans la mesure où il allait falloir se montrer digne de la couronne". Et il s’en montrera digne puisque ses quatre premières saisons passées à l’ASSE se solderont par autant de titres.
Le buteur Rachid Mekloufi voit cependant d’un mauvais œil la venue de cet entraîneur qui n'égale pas à ses yeux son prédecesseur: "Rachid, explique Batteux, nourrissait un peu pour Snella les mêmes sentiments que Raymond Kopa à mon égard. (...) Je le comprenais et n’en avais pas tenu compte. Il était également rentré de vacances avec retard, avait pris du poids et ne jouait que sur son talent, qui était immense, sans apporter à l’entraînement tout le sérieux et toute la rigueur qu’on pouvait attendre du capitaine de l’équipe".

La responsabilité de l’équipe sur le terrain passe alors à Robert Herbin. Car selon Batteux, "Le capitaine n’est pas forcément le meilleur joueur. C’est un symbole. C’est celui qui représente le mieux l’équipe, qui l’entraîne et qui doit être exemplaire à tous les égards".
Au départ, le contact avec Herbin passe pourtant mal. Le joueur accepte mal d’être rabroué devant toute l’équipe. Mais Batteux est un adepte du "qui aime bien châtie bien". Il agissait déjà ainsi à Reims avec Kopa, à qui il pardonnait moins les erreurs qu'aux autres, en regarde de l’immense talent qui était le sien.


Les entraînements de Batteux sont détendus mais exigeants

Herbin finit par s’entendre avec Batteux. Mekloufi part en claquant la porte et en accusant Batteux d’être jaloux de Snella. Mais malgré cette révolution de palais, la deuxième saison de l’entraîneur se solde par un doublé Coupe-Championnat. Exploit que les Verts rééditeront sous sa houlette deux ans plus tard.

A l'orée des années 70, l'équipe stéphanoise est de loin la plus forte du pays, l'ASSE marche sur le championnat, les titres sont là et pourtant, le climat se dégrade dans le Forez. L’affaire Carnus-Bosquier éclate et est à l’origine du divorce entre Rocher et Batteux: Albert Batteux prend en effet la défense de ses joueurs face au Président. Ce dernier n’approuve plus ses méthodes d’entraînement, qu'il juge trop laxistes. Le contrat de l’entraîneur touchant à sa fin en 1972, Roger Rocher ne le renouvelle pas.


Herbin, Batteux et Rocher heureux après
la Coupe de France 1970. Une image révolue

Un technicien venu d'ailleurs
Le football qu’il aimait, on ne le pratique, hélas, plus tellement de nos jours. Un jeu court, offensif, porté vers l’avant et où le spectacle tient une large place. Bref, le beau jeu ! Le jeu à la rémoise, ce fameux "football champagne", c’est à lui qu’on le doit: "Il demandait du jeu, il voulait que le physique soit au service de la technique et du jeu" dira de lui Michel Hidalgo. 

Oups... embarquée dans mon élan, j'allais oublier de vous parler d'obscurs clubs, de clubillons oserais-je dire, que Batteux dirigera également: Grenoble bien sûr, entre Reims et Saint-Étienne. Mais aussi Avignon, l'OGC Nice, puis l'Olympique de Marseille. C'est vous dire si ça valait le coup que j'y consacre un paragraphe ! 

Au total, il aura coaché pas moins de 656 matches de D1. Ce qui en fait un des techniciens ayant le plus officié en D1, il n’y a guère que Guy Roux et Kader Firoud devant lui.
Il est par contre, et de loin, le plus titré de tous !

Un grand Monsieur nous a quittés...
Albert Batteux ne gardera pas de longue rancune envers Roger Rocher puisqu'il se rendra en effet le 13 septembre 1992 au jubilé du Président. 
C’est lui aussi qui commentera pour Radio-Luxembourg la finale à Glasgow. C’est alors devenu la mode: le reporter maison se fait épauler par un technicien du ballon rond. Il est à l’aise dans ce rôle, "Il cause bien" comme ils disent tous.

Décédé en 2003, Albert Batteux fut une sorte de scientifique du ballon rond. "C'était un intellectuel du football mais il avait les mots pour l'expliquer. Ces mots, je les ai toujours en tête, ils ne m'ont jamais quitté" dira de lui Aimé Jacquet.
Considéré comme l'un des plus grands entraîneurs français de tous les temps, sinon le plus grand, il aurait assurément mérité d'avoir une tribune de Geoffroy-Guichard baptisée à son nom...


Reims 1960: un exemple de l'esprit pédagogique
d'Albert Batteux (Miroir du Football)

Sources: "Glasgow 76, le défi des Verts", Jean-Claude Hallé, l'Aventure Vécue, Flamarion, 1976 et Wikipédia