Tout paraît dérisoire aujourd’hui. Les peines d’avant le 13 ne pèsent pas lourd face à l’ignominie et la sidération qui en a découlé. Que faire ? Occulter tout ce dérisoire ? Refouler nos emportements, cacher nos colères, dompter notre tristesse, chasser de notre esprit toute la passion qui nous porte, nous anime, nous fait vibrer, au quotidien sur Poteaux Carrés depuis 10 ans, mais depuis bien plus longtemps pour nous tous dans ce rapport intime qui nous lie aux Verts ?


Je n’ai pas trouvé la bonne réponse. La frontière entre l’indécence et le réflexe salutaire de vie est ténue. Ne pas en faire trop certes, mais reprendre goût à la vie tout de même. Parce qu’il le faut, parce que comme disait le bien nommé Prévert,  il faudrait essayer d’être heureux, ne serait-ce que pour montrer l’exemple.

Alors prenons le parti de parler des Verts, encore, toujours, car aussi dérisoire soit elle, c’est une passion vitale, une passion qui nous transporte, une passion qui nous a offert quelques parenthèses heureuses, même si lundi dernier, lendemain de derby …

 

De mauvais matin, j’me suis mis Baba O’Riley à fond. Juste pour l’intro. Pourtant, très longtemps, dans mon amour immodéré pour le rock, j’ai vomi sur toute présence d’un synthé. Mais là, on est dans l’urgence, je veux être emporté. La douleur est sourde, alors on oublie ses exigences artistiques. Tout est bon pour panser, pour ne plus y penser, foin de toute considération esthétique.

Vive la transe. Celle que nous offre la musique. J’ai pas réfléchi. A froid, j’me dis que j’aurais pu opter pour Gloria, dans sa version Doors. Mais là non, ce lundi matin, je n’ai pas dormi, ou si peu, et si mal. Alors tiens, les Who, why not ?

 

La souffrance est pénible, d’autant plus que je ne l’ai pas vue venir, ou alors pas assez. Mon pronostic était certes mauvais, enfin était le bon, bref je la sentais venir cette défaite. Le contexte, le dernier derby à Gerbeland, Chapron aux manettes, confusément, je m’disais bien que ca refoulait grave la mauvaise mayonnaise, que tout serait fait pour que leur fête ne soit pas gâchée.

Bref, y en a, c’est la possibilité d’une île qui imprègne leur esprit, moi c’était la quasi certitude d’une défaite.

Bon ok, je ne dis pas qu’en creusant un peu, on n’aurait pas trouvé quelques traces d’illusions, voire de fol espoir en moi, hypothèse qu’accrédite d’ailleurs mon état mental déplorable lors ce bien long dimanche passé à tenter de meubler, de faire diversion, en pure perte bien entendu.

In fine, perdu dans ses considérations qui paraîtraient surréalistes à tout étranger à la cause Verte, et que j’ai renoncé depuis longtemps à expliquer à mon entourage proche, je n’arrivais à préserver qu’un seul brin de lucidité, pour faire le constat inquiétant que je gérais, avec l’âge, de plus en plus difficilement mes avant-derbies.

Alors, se dire qu’on va perdre, oui, pour s’habituer à l’idée, et rendre la concrétisation de l’augure moins pénible à vivre. Voila en toute honnêteté mon dernier recours. Le fiasco fut total.

Car enfin non, on n’a pas perdu.

 

On s’est fait enfler, dans les grandes largeurs. Une défaite ça ? Non, une enculade, et de première en plus. Ouais, suis vulgaire, mais y a un moment où la douleur conditionne le langage. Souvenez-vous : la dernière fois que votre pied a croisé celui d’une armoire, y a pas eu déluge de noms d’oiseaux dans la foulée ? Pourtant la douleur fut vive certes, insupportable même, mais éphémère.

Alors que là, dans ce putain de derby, non contente de s’inviter en force, la douleur prend ses quartiers d’hiver, et même de printemps, elle nous fera bien six mois, hein Robert la douleur ?

L’enculade donc. Oui. Parce que tout est là réuni, pour que n’importe quelle personne un peu douée de sens et dénuée de moustache admette l’évidence : l’adversaire dans son ensemble, et à son habitude, s’est comporté de façon ignoble. Les supporters ? Ils ont failli passer à tabac un septuagénaire coupable d’avoir un 42 aux fesses. Ils ont explosé la main d’un stadier, pénétré sur le terrain après le premier but, allumé une ribambelle de fumigènes, fait péter des pétards devant Ruffier. Les joueurs ? Ils ont collé torgnole et découpé guiboles. Puis ont chambré, comme des petits morveux, qui pleuraient il y a un an après avoir ramassé une fessée. Le président ? Il a provoqué, humilié, paradé, nié, minimisé, en un mot, aulassisé, comme seul lui sait le faire, comme le veut la coutume, sa coutume. Car oui, à Lyon, ils savent recevoir.

 

La haine. C’est l’histoire d’un club qui n’a jamais digéré que son voisin soit dans tous les cœurs, l’histoire d’un club qui aimerait bien avoir l’air, mais qu’a pas l’air du tout. L’histoire d’un club qui se construit dans la jalousie, qui a essayé d’être un club qui gagne, l’égal des grands d’Europe mais n’y est pas parvenu, qui aurait aimé être un club qui fait vibrer, l’égal des Sainté, Lens ou Marseille, mais qui a là encore échoué, l’histoire d’un club qui fait tout pour qu’on le déteste, et qui, enfin un succès !, y parvient très bien.

C’est l’histoire d’un drame annoncé. Un jour tout cela finira mal. Mais est-ce que ce jour là, quelqu’un de sensé, et dont la voix est entendue, saura dire toute la responsabilité de celui qui tweete aussi frénétiquement que l’ado boutonneux se tire sur le jonc ?

Avec sincérité, avec clarté, mais avec retard (quasiment une semaine pour réagir !) Roro et Bozzo ont fini par hausser le ton. Que ne l’avaient ils fait dès le lendemain du match pour faire entendre une autre voix que celle du Vilain en chef se répandant avec sa morgue habituelle sur toutes les ondes ?

 

Baba O’Riley, au-delà de l’intro, c’est un album, Who’s next, sur la pochette duquel apparaît un grand pilier de béton -façon monolithe de 2001 l’odyssée de l’espace- sur lequel les membres du groupe semblent s’être soulagés. La prochaine fois que je passe devant Gerbeland, faites moi penser à Baba…

 

Au fait, merci Alain pour le titre.