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De causes perdues en redressements jubilatoires, portrait d'un dernier rempart aussi fantasque que talentueux...


Son nom, c’est Alonzo. Son prénom, Jérôme. Avec un J majuscule. Comme Jérémie. Ou comme Janot. Au choix. Et ce n’est pas le hasard si papa et maman ne l’ont appelé ni Gilbert, ni Dominique. Car dans l’histoire moderne du club, Jérémie et Jérôme sont incontestablement deux gardiens de but emblématiques de l’ASSE. Nice nous a donc fait don (comme quoi personne n’est entièrement mauvais) de Jérôme. De ce garçon épris de la Maison Verte, habité par des valeurs dans lesquelles tous les supporters stéphanois se reconnaissent: humilité, générosité, respect.

Un soir de décembre 1999, les supporters marseillais eurent l’opportunité de l’admirer 90 minutes. De profiter du spectacle d’un stade communiant avec une équipe. Avec son gardien. Ils sont partis à l’entracte. C’est dommage, c’est beau un homme qui jouit. Et ce soir là, Jérôme, il a joui 5 fois.


Jérôme Alonzo: une carrière aussi longue que ses cheveux sont courts

Avant cela, tout avait commencé à Menton, en 1972. Fils de Pierre Alonzo, ancienne gloire de l'OGC Nice, né puis formé dans les Alpes Maritimes, le jeune Jérôme passe logiquement 5 saisons sur le banc niçois sans jamais vraiment jouer (8 apparitions). Déjà, les Azuréens manquaient de flair et de goût, lui préférant le truculent Lionel Létizi qui emmènera quand même l'OGC Nice en Ligue 1. Jérôme y glane son premier titre (champion de France de D2) et fait ses valises la saison suivante, constatant que le poste de titulaire ne lui est pas accessible.

Chez Alonzo, footballeurs de père en fils

Il se découvre alors une passion pour les causes perdues et les grands clubs à la dérive. Première étape: Marseille.
L'OM est en effet dans le creux de la vague: l'affaire OM-VA l'a envoyé tout droit en D2 et les instances l'ont même condamné à y rester malgré son accession obtenue sur le terrain (ce qui a d'ailleurs temporairement sauvé l'ASSE d'une descente). Alonzo est titulaire dans une équipe en pleine reconstruction et en pleine bourre. Il joue 53 matches (!) et l'OM termine second de D2. Enfin ! La Première Division lui tend les bras. Sauf que... l'OM n'est pas un club connu pour privilégier les joueurs méritants. Dès la saison suivante, Robert-Louis Dreyfus aligne les biftons pour recruter le champion d'Europe en titre, considéré comme l'un des meilleurs gardiens du monde de l'époque: l'Allemand Andreas Köpke. De 53 matches disputés, Jérôme chute à 4 lors de la saison 1996-97. Bis repetita, il est temps d'aller voir si l'herbe n'est pas plus verte ailleurs...


Alonzo avec l'OM de la saison 1995-96 en D2

Et donc, nous y voilà. Où l'herbe pourrait-elle être plus verte qu'à Saint-Etienne ? N'importe où en fait ! Du moins en 1997. Le club, cause perdue par excellence, vient d'échapper à la banqueroute sportive de justesse, le traumatisme est profond et l'ASSE ne doit sa survie qu'à la chance et aux exploits du jeune Jérémie Janot, même pas 20 ans. Ce dernier sera son n°2: à Jérôme désormais de permettre à un deuxième club mythique de retrouver l'élite. Toutefois, sa première saison y sera tout à fait anecdotique: il dispute quasiment tous les matches mais le club termine à nouveau à la 17e place, sans toutefois se faire aussi peur que l'année précédente. Le pain noir est mangé, tout est prêt pour repartir de l'avant.


Le style Alonzo: spectaculaire, peu académique
mais efficace (photo le Progrès)

Alors se produit ce qui est sans doute la plus belle saison des Verts depuis 1981. Emmenés par un Marseillais ayant joué à Lyon (les ennemis de mes ennemis sont mes amis), des p’tits gars que personne n’attendait parviennent à rendre sa fierté au Peuple Vert. Le maillot reverdit avec des Fayolle et des Ponsard dedans. Avec un mur en lieu et place de gardien aussi. Un leader sur et en dehors du terrain. Il faudra une charge illicite de Ted l’agaçant pour mettre fin à cet état de grâce… Le Stade de France: quitte à se blesser, autant trouver une scène à sa mesure…

Symbole de sa nouvelle popularité et de l'affection que lui témoigne le public stéphanois: les Green Angels confectionnent un étendard en son honneur lors du match suivant à domicile face à Lille. Gilles Leclerc et Kader Ferhaoui iront le brandir après la victoire en faisant le tour de la pelouse sous les ovations. Jérôme Alonzo, devant sa télé à l'hôpital, avouera plus tard avoir fondu en larmes en voyant cette scène.


L'hommage d'un grand public à un grand gardien

A l'issue de la saison, Alonzo empoche son second titre et découvre les joies de la D1, enfin ! La saison 1999-00 est un souvenir unique ponctué de matches mythiques contre Marseille, Montpellier, Lyon, Monaco... Jérôme se fait un nom au sein d'une équipe qui se retrouve une notoriété.
Mais toutes les bonnes choses ont une fin et comme à Marseille, son destin se voit à nouveau barré par un nouvel arrivant. Sauf que loin de l'indiscutable supériorité d'un Köpke, on lui met dans les pattes à l'été 2001, un inconnu ukrainien (ou bien grec c'est selon) dont le nom résonnera comme un souvenir funeste: Maxym Levytsky. Le fantasque portier de l'est, capable de se prendre un but en dégageant un ballon sur la tête d'un attaquant adverse, entraînera l'ASSE dans sa chute en étant le point de départ de l'affaire des faux-passeports. L'ASSE sombre et Alonzo aussi, finalement barré par Jérémie Janot, un autre gardien à qui on n'aura jamais déroulé le tapis rouge.


Alonzo stéphanois lors de la saison 2000-01

Parti à Paris avec ses compères Alex et Aloisio, en échange de Dominique Casagrande, il reste un farouche défenseur des Verts. Cantonné au banc mais heureux d'y être, à nouveau doublure de Lionel Létizi 7 ans plus tard, avant d'être celle de Mickaël Landreau, Alonzo saisit sa chance à chaque fois qu'elle se présente et dispute plus d'une centaine de matches en 7 saisons. Bien plus médiatisé, son style peu académique se révèle aux yeux de la France du football qui apprécie autant qu'elle raille ses parades de pantin désarticulé. Mais nul ne remet en cause son sens du devoir qui lui fait être une doublure idéale et un professionnel reconnu, comme lors de ce match contre Nice où il se sacrifie en faisant une faute volontaire hors de sa surface pour empêcher son adversaire de marquer le but du 2-0 avant de quitter le terrain rapidement, se sachant fort logiquement expulsé: le PSG s'imposera finalement 2-1.
A Paris, Jérôme étoffe son palmarès de deux Coupes de France au sein d'une équipe historiquement avantagée par les tirages, ainsi que d'une Coupe de la Ligue en 2008.


Alonzo en compagnie de Janot au Parc en 2005

Quand il quitte le bateau parisien sur une défaite en finale de CDF face aux vilains, son amour des causes perdues l'envoie au chevet d'un autre monument en péril: le FC Nantes. Mais cette fois-ci, point de miracle: le club nantais sombre corps et bien dans l'Atlantique et malgré 28 matches disputés, Jérôme Alonzo y met un terme à sa carrière à l'issue de la saison 2009-10, au fin fond de la Ligue 2.


Alonzo ne peut empêcher la déconfiture du FC Nantes en 2009

Toutefois, il ne sera pas dit qu'une personnalité aussi peu conformiste dans un milieu pourtant aseptisé, passe inaperçue. Alors qu'il vient à peine de raccrocher les crampons, Alonzo est sollicité par France Télévisions pour devenir consultant télé. D'abord simple intervenant, il devient tour à tour animateur d'émissions consacrées au football (Alonzo Matchs, Alonzo Dimanche sur Orange Sports) puis commentateur TV des matches restransmis sur France 2 et France 3. En 2018, il rejoint L'Équipe TV tout en restant consultant pour France Info.

Sans calcul, au beau milieu de l’écoeurante célébration de la victoire du foot business, il fait encore aujourd'hui régulièrement péter son maillot frappé Manufrance et continue à défendre l'ASSE dans ses moments les plus polémiques comme dans ses moments les plus joyeux à l'image de ce beau soir d'avril 2013 où il était au micro de France 2 pour clamer son enthousiasme.


Alonzo à la TV, pas le dernier pour la déconne

Alors, à toi Jérôme qui n'a pas n'hésité pas à coller ton maillot vert sous le nez d'Aulas et de ses larbins, en lâchant : "Même s’ils sont champions 16 fois d’affilée, pour la France entière, c’est les Verts (…) Rendons aux Verts ce qui est aux Verts, et les Verts, c’est les Verts, pour la vie…", on te le dit:

Nous aussi on t’aime !